Après le coup de massue Heart Of Darkness sorti l’année précédente, qui confirmait enfin tous les espoirs qu’avait portés la reformation de 1993, Grave Digger est attendu au tournant. Car il va falloir donner une suite à cette pierre angulaire de la discographie des Allemands, ce qui n’est pas vraiment une mince affaire. Pour s’acquitter de cette tâche au mieux, pourquoi ne pas se doter alors d’un petit concept bien épique, mmm ? Allez, disons la guerre d’indépendance des Écossais, il y a « guerre » dedans.
Car avec Tunes Of War c’est une trilogie médiévale qui s’amorce, concrétisation d’une passion avouée pour l’histoire de Chris Boltendahl, maître à bord. Et pour le dire grossièrement, ça commence foutrement bien ! Des cornemuses et des guitares pour une reprise de "The Brave", hymne écossais officieux, qui annonce directement la couleur : de l’épique, des guitares et de la baston. Car quand vient enfin "Scotland United" et son gros riff pas finaud pour un sou, mais qui aura vite fait de vous briser les cervicales, c’est la libération. Le cerveau quitte très vite le navire pour laisser s’exprimer toute la puissance des guitares de Uwe Lulis et des chœurs guerriers de Chris, et Dieu que c’est bon ! Et pour ne rien gâcher, la suite est du même acabit et on enchaine tube sur tube avec l’indispensable "The Dark of the Sun" puis l’excellente "William Wallace", son riff tranchant, ses chœurs majestueux, servis sur un lit de claviers délicats, le tout accompagné d’un solo qui déboite. Pour un début d’album réussi, c’est… un début d’album réussi.
Il faudra alors attendre encore un peu pour apercevoir un premier semblant d’accalmie avec "The Ballad of Mary (Queen of Scots)", disposée avec intelligence pour éviter la saturation auditive devant la lourdeur des guitares. Car après la pachydermique "The Bruce", on est en droit d’attendre un minimum de repos. Repos bienvenu, car la suite, même si elle reste de bon niveau, n’est pas du standing de la première partie d’album. Elle reste néanmoins indispensable pour arriver enfin à "Rebellion (The Clans Are Marching)". Oui, "Rebellion", soit l’hymne ultime de Grave Digger. Tout y est : intro fédératrice (il suffit d’entendre toutes les manifestations live de ce titre pour ceux qui n’en sont pas convaincus), riff aussi primaire qu’efficace, refrain du feu de Dieu… une tuerie, tout simplement. Grave Digger fait du Grave Digger, et c’est ça qui est bon. Jamais simplicité et efficacité ne seront autant allés de pair pour ce qui restera l’exemple parfait du titre à sortir pour faire découvrir le combo au profane.
Le reste, c’est un petit peu du remplissage, certes, mais pas du remplissage à base de faces B ou autres bonus tracks : non, ici, les riffs sont gros, les rythmiques carrées, les refrains puissants, les soli efficaces… saluons d’ailleurs encore une fois le travail de Uwe Lulis, bon compositeur doublé d’un soliste doué, ainsi que Chris Boltendahl dont la voix caractéristique fait inévitablement mouche. Le travail vocal effectué sur Heart Of Darkness, notamment au niveau des chœurs, a porté ses fruits. Le mixage va lui aussi droit à l’essentiel : on peut entendre tous les instruments distinctement (si si, même la basse) et chacun d’eux a un son qui lui rend amplement justice. Ce qui rend d’ailleurs l’album assez difficile à écouter d’une traite, ce qui est peut-être là le gros travers d’un heavy metal bien allemand, taillé dans la roche, duquel rien ne dépasse. Mais cela ne doit en aucun cas vous empêcher d’apprécier cette ode à la guitare saturée qu’est Tunes Of War.
Que le fan soit donc rassuré : le digne successeur de Heart Of Darkness existe, et il se nomme Tunes Of War. Sorti à peu près en même temps que le film Braveheart sur le même thème, l’album connaîtra un bon succès outre-Rhin, amplement mérité, et contribuera grandement à installer Grave Digger au rang des formations cultes, statut toujours d’actualité. C'était Dupinguez en direct du Wacken Breeze Festival 2037. À vous Boulogne, à vous les studios.