CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
12/20
LINE UP
-Michael Angelo Batio
(guitares)
-Bobby Rock
(batterie)
-William Kopecky
(basse)
+ guests
TRACKLIST
1)Burn
2)Tribute to Randy
3)Zeppelin Forever
4)Hands Without Shadows
5)Wherever I May Roam
6)Dream On
7)Pray On, Prey
8)All Along the Watchtower
DISCOGRAPHIE
Michael Angelo Batio : la simple évocation de ce nom évoque certainement chez le quidam peu pétri de culture shredistique une frange terrifiante, des poses de guitar-hero caricaturales, des monstruosités à quatre manches et une imagerie ancrée dans les années 80s dans ce qu’elles avaient de pire. Derrière cet aspect digne d’une bête de foire se cache pourtant un guitariste renommé, élu par Guitar One Magazine « shredder n°1 of all time », 98e sur 100 dans le prestigieux « Guitar World’s 100 Greatest Heavy Metal Guitarists Of All Time » et qui donna des cours à Tom Morello himself. Le seul, le grand, l’unique MAB.
Bon, mais au delà de son statut culte comme le Roi Heenok peut l’être pour le rap (encore que l’un a du talent, l’autre pas), que nous propose le bonhomme quand il ne fait pas le malin dans des vidéos pédagogiques ou quand il ne fait pas la promotion des guitares Dean ? Eh bien il fait des albums de guitares. Instrumentaux, bien évidemment. Ce qui aura le mérite d’au moins faire fuir tous ceux qui – indignes et faibles – ne supportent pas le genre. Et allez, faisons également fuir une autre partie des lecteurs : Hands Without Shadows est principalement un hommage aux guitaristes et groupes qui auront influencé MAB – ainsi qu’il se surnomme lui-même - ce qui veut dire qu’on aura droit à des reprises adaptées à la sauce instrumentale de Led Zeppelin, Metallica et autres Aerosmith. Fuyez, pauvres fous ! Ou assistez au massacre par celui que l’on surnomme déjà en murmurant La Frange Démente.
Voilà, maintenant que nous sommes entre nous (ah ? je suis seul…?), plongeons plus profondément dans les entrailles de cet album qui se veut très inégal. Le risque était grand : oser reprendre un melting pot des plus grands thèmes de Led Zeppelin en version instrumentale/guitar-hero est déjà conceptuellement en soi une entreprise périlleuse. Et bien sur, Batio ne manque pas de se rétamer sur "Zeppelin Forever" en massacrant avec minutie certains des plus célèbres airs du Zeppelin en shreddant à tout va dessus avec un pseudo groove aussi entraînant que si un robot jouait une valse hongroise. De même l’hommage à Metallica, en reprenant l’intégrale de "Wherever I May Roam" en remplaçant la voix par une ligne de guitare est un beau gâchis. C’aurait pu être chouette, c’est juste atroce. Même le solo, magnifié par Kirk Hammett, est ici réduit à une chose froide et sans âme.
Une fois les titres mauvais écartés, il reste tout de même de bonnes choses, dès que Batio est un peu plus à l’aise avec des œuvres qui s’adaptent mieux à son registre, comme "Burn" de Deep Purple qui ma foi, envoie correctement du bois avec ses licks tout à fait démentiels. Évidemment, les puristes hurleront au scandale, mais ce n’est pas grave, ils ont fui dès le second paragraphe. De même, son hommage à Randy Rhoads (guitariste de Ozzy Osbourne) est tout à fait convaincant, avec ses soli et ses thèmes qui se prêtent très bien au jeu hyper fluide de Batio. Quant à la reprise d’Aerosmith, "Dream On", elle fait plus office de curiosité que de véritable hit, mais on l’écoute sans déplaisir, Batio n’en mettant pas partout avec sa six-cordes – une fois n’est pas coutume. Les reprises ne sont donc au mieux que des amusettes que rejetteront en bloc ceux qui connaissent et aiment les versions originales, mais qui pourront être appréciées de ceux qui cherchent un peu de virtuosité débridée et assumée.
On trouve également deux compositions du maître Batio sur ce Hands Without Shadows. Dans une veine si chère au bonhomme, mélange de progressif instrumental matiné de shred et de structures complexes saupoudrées de rythmes tordus, elles sont de bien meilleure qualité que le reste de l’album. De là, il n’y a qu’un petit pas à faire pour regretter que cet album ne soit pas à 100% composé de créations de Batio tant il est plus à l’aise dans l’écriture de thèmes que dans l’adaptation et la reprise. Virtuoses (forcément), racés et diablement progressifs, ces deux morceaux ne valent cependant pas à eux seuls l’investissement dans l’achat de ce CD mais devraient pousser les amateurs de shred à venir y poser une oreille en attendant une nouvelle œuvre de ce phénomène qu’est Michael Angelo Batio.
Batio nous ouvre donc ici en quelque sorte son univers personnel en y étalant ce qui a été pour lui source d’influence et en leur rendant hommage d’une manière qui, si elle se veut parfois douteuse, n’en est pas moins sincère. Batio n’a plus rien à démontrer question technique, c’est donc par pur amour du shred qu’il nous livre ici ce Hands Without Shadows qui ne fera que renforcer dans leur opinion les détracteurs de MAB mais qui pourra pour ceux qui connaissent et apprécient déjà le bonhomme faire office de sympathique album bien burné question vélocité.