Chronique : Dråpsnatt Skelepht (2012)

CHRONIQUE PAR ...

Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 31 janvier 2024

Sa note : 17/20

LINE UP

-Narstrand
(chant+guitare+basse+batterie)

-Vinterfader
(chant+claviers)

A participé à l’enregistrement :

-Botgast
(batterie)

TRACKLIST

1) Meningslösheten
2) Klardrömmar
3) Skelepht
4) Tonerna till vårt slut
5) Échec
6) Förruttnelsens hypostaser
7) Valan
8) Intigheten

DISCOGRAPHIE

I denna skog (2009)
Skelepht (2012)

Dråpsnatt - Skelepht

(2012) - black metal - Label : nordvis Produktion Frostscald Records

Après avoir dévoilé un black metal à la personnalité affirmée sur deux albums d’inspiration similaire, les membres de Dråpsnatt ne laissent passer que peu de temps avant de livrer une nouvelle réalisation intitulée Skelepht. Fusion probable entre le nom de leur cité d’origine, Skellefteå, située dans le deuxième comté le plus septentrional de Suède et « skelett », dont la traduction se devine aisément, le nom du recueil place d’emblée celui-ci dans une veine aussi sombre que ses prédécesseurs. Son duo concepteur invite à contempler une « ville en train de mourir » : sa musique sera celle des décombres.

Une mise en garde s’impose : si l’intensité ne le quitte que très rarement, le metal noir de Skelepht se complaît dans la mélodie et ne déteste pas cheminer à allure modérée. Il ne verse pas dans l’avalanche hypoxique, même s’il est agité de fréquentes séquences de blasts, à l’image de ceux stimulant "Tonerna till vårt slut" entre deux interventions au piano, après une introduction aux intonations folk façon Amorphis et une incursion céleste aux synthés. Ces derniers, à l’instar des plaintes expectorées par Vinterfader, sont légèrement mis en avant, favorisant l’apparition de séquences saisissantes. Les cris de souffrance, ou de rage, qui lacèrent le final de "Klardrömmar" et plus encore la chanson-titre marquent l’enregistrement du sceau du désespoir le plus intime. Âpres réminiscences du chant maléfique de Quorthon qu’auraient infectées les lamentations distordues d’Anna-Varney de Sopor Aeturnus, ces hurlements vitrifient l’ensemble des pistes, à l’exception d’un instrumental nommé "Échec".
Le son demeure équilibré, au service de morceaux variés, à commencer par "Meningslösheten" amorcé par des nappes de synthés cosmiques qui évoquent Covenant, mais sans la grandiloquence, laissant la place à des guitares en trémolos, des scansions de claviers, un break poignant au piano, prélude d'un final à l’héroïsme désenchanté. Le chant clair, plus discret que sur l’album inaugural I denna skog, se fait entendre principalement sur "Förruttnelsens hypostaser", dont le motif mélancolique à la Katatonia est emporté par une déferlante de lave glacée. La sublime détresse créée par la succession d’accalmies et de déchaînements trouve son apogée sur les deux dernières occurrences. "Valan". Riff furieux rappelant Frost d’Enslaved, puis un autre surmonté de vocaux écorchés, arpèges de cristal distillés sur une bordée de blasts, furie des guitares, respiration salvatrice offerte par quelques notes égrenées au piano invitant un violoncelle. Blast. Ralentissement, cuivres. Blast. Et à nouveau le piano, promesse cruelle, celle de revoir la lumière, peut-être. Y croire avant la fin, avant "Intigheten" et son enchevêtrement de puissance et de fragilité portées par des thèmes déchirants. Le violon, les hurlements, les pauses et les relances se succèdent et s’entremêlent pour dénicher la beauté sous la fange, à la faveur d’une ultime mélopée tragique.

Cruel, agressif, romantique, Skelepht est la manifestation la plus aboutie du talent des membres de Dråpsnatt. Les compositions atteignent des sommets d’émotion, la plus noire, la plus crue, la plus belle. Malgré elles, malgré eux, une lueur persiste, supplique âcre filtrant depuis le gouffre, vers les âmes meurtries que les désillusions n’ont pas encore éteintes.