Chronique : Furia (Pol) Ksiezyc milczy luty (2016)

CHRONIQUE PAR ...

TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 04 janvier 2024

Sa note : 18/20

LINE UP

-Michał "Nihil" Kuźniak
(chant+guitare)

-Kamil "Sars" Staszałek
(chant+basse)

-Artur "A" Rumiński
(guitare)

-Grzegorz "Namtar" Kantor
(batterie)

TRACKLIST

1) Za ćmą, w dym
2) Ciało
3) Tam jest tu
4) Grzej
5) Zabieraj łapska
6) Zwykłe czary wieją

DISCOGRAPHIE

Martwa polska jesien (2007)
Ksiezyc milczy luty (2016)

Furia (Pol) - Ksiezyc milczy luty

(2016) - black metal quelque peu barré - Label : Pagan Records

« -Bobby, tu te souviens quand tu te faisais invoquer dans les années 2000 par Bigduff ?
- Oui bien sûr. J’étais jeune et alerte à l’époque. Ça me faisait bien marrer, mais j’avais quand même l’impression d’être le dindon de ses farces. Mais bon, le temps a passé, tu sais. J’y pense même plus.
- Ben tu devrais reprendre du service je pense. TheDecline01 t’invoque. Il faudrait que tu lui fasses le coup de l’ado allumé par le calumet de la paix.
- Tu veux dire de la drogue ? Genre de la beuh ?
- Oui… mais je voulais rester politiquement correct. Tu sais, moi j’aime la correction politique. »

Re-bienvenue chez les immortels de la terre des éternels. Furia possède ce don rare de faire vriller. En grande partie parce qu’eux-mêmes vrillent. Et grave. Quitte à brosser le dos de l’éléphant avec la cuillère, autant carrément prendre l’écuyer et le tremper dans le purin. Furia ne peut décemment pas laisser indifférent. Il en est comme cela pour certains groupes. Les Polonais sont de cette trempe. Oui, Pologne. Vous seriez tout excusés de penser cette troupe d’une quelconque autre contrée tant leur musique ne correspond pas aux stéréotypes que nous souhaitons attribuer à leur pays. Pourtant un regard rapide à cette accumulation invraisemblable de consonnes et de caractères spéciaux vous convaincra rapidement. Polonais, mais à quoi bon ? Je veux dire, musicalement. Calés ? Le sont-ils seulement calés ? Oui car ils savent ce qu’ils font avec leurs instruments, malgré cette insubordination constante vis-à-vis des clichés du metal extrême.
Car ils conservent l’enveloppe charnelle du black metal. Son crade à point, chant raclé. Ça ne ment pas. Difficile de faire écouter ceci à un béotien. Il faut avoir le cœur un minimum accroché pour entrer de plain-pied dans un univers qui ne cherche pas à faciliter le voyage. Le son tout d’abord. Mais bien vite les compositions, vous le comprendrez. Furia (à ne pas confondre à ce titre avec les Mâconnais qui peuplèrent nos terres dans les années 2000) arpente des chemins téméraires. Rien que la première piste "Za ćmą, w dym" vous mettra cul par-dessus tête. Tout d’abord, intégrez. Un son de grosse caisse magnifique de sécheresse grave. Ça claque le cerveau. Puis une basse qui s’affirme. Ça re-claque le cerveau. Et donc des guitares à la prétention hautement froide. Mais également tentatives. Non pas tentatrices. Tentatives. Essais. Avant-garde et se jeter dans les orties. En soi rien n’est franchement compliqué ou complexe dans ce que nous entendons. Pour autant le mélange l’est. Presque ambient jazz metal. Difficile à aborder et à pénétrer (métaphore sexuelle que chacun prendra librement au degré de son choix).
Si vous cherchez de la différence, vous la prendrez plein pot. Du genre qui fait mal. Furia, le nom est connu pour faire différent, mais on ne sait jamais vraiment différent comment. Très. Le pire, c’est qu’ils y parviennent sans particulièrement sortir des frontières du metal extrême. Bien sûr, difficile de tout concilier avec du black metal. Pour autant, affirmer qu’il s’agit de pur jazz serait s’aventurer sur des terrains polémiques tant le grain froid des guitares se matérialise régulièrement. Une chose est acquise cependant : point de place au blast (hormis une minute éclatante sur "Tam jest tu"). L’homme des cavernes que je me plais à être devrait trouver à redire, du genre beaucoup, à ce type d’assertion tant le blast est un plaisir auditif qui ne cesse de se renouveler. Néanmoins. Ça marche. Oui, on peut faire du black sans blast (et pour ceux qui veulent du Furia qui fait du blast, écoutez donc leurs premiers méfaits). Surtout quand on n’en fait pas vraiment. Mais qu’on en fait quand même. Perdition mentale. "Za ćmą, w dym" fait de toute manière tout son possible pour vous perdre et c’est un délice que de s’égarer dans les méandres infinis de cette expérimentation à grande échelle. Car vous ne trouverez pas le salut. Aucun instant ne sera accordé à une approche traditionnelle du black. Tout est orgie créatrice de l’écart. Le petit pas de côté qui se fait grand régulièrement, qui nous éloigne de nos certitudes et notre zone de confort. "Za ćmą, w dym" est un voyage tout autant qu’une aventure dans laquelle vous vous lancerez seul, la main ballante puisque personne ne sera là pour vous la prendre. Tout au plus le groupe vous illumine de ses fulgurances et de la cohérence improbable qu’il parvient à créer de cet imbroglio musical inattendu. Sauf que cela prendra du temps si vous êtes aussi lent que votre dévoué. Une dizaine de tentatives et plusieurs années. Mais le jour de gloire est enfin venu. Ne contrez pas la tyrannie invoquée par des fous, embrassez-la plutôt.

« -Alors Bobby, au final, t’es toujours le con de service ?
- Je sais pas trop. Mais comme il paraît que je suis pas bien fini, je sais pas trop quoi dire.
- Tu sais que c’est déjà pas mal intelligent ce que tu dis là ? Ben je vais t’aider l’air de rien. Oui, t’es le con de l’histoire, mais t’es un bon con. Car Furia t’as emberlificoté sévère et t’aimes ça, je te le dis malgré tes réticences. T’as reconnu le trait des Grands Créateurs, ceux qui ne reculent pas et pensent différemment.
- J’crois bien que t’as raison. Et j’vais te dire, même si j’ai pas compris grand-chose, rien en fait, j’ai l’intrigue au cerveau. Ça dégueule de l’intrigue au kilomètre. Mais j’crois quand même que j’préférais c’qu’ils faisaient avant.
- Ah oui t’as raison, t’es pas fini. »