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CHRONIQUE PAR ...

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TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 26 novembre 2022
Sa note : 16/20

LINE UP

-Konrad "Destroyer" Ramotowski
(chant)

-Mikołaj "M." Żentara
(chant+guitare+basse)

-Maciej "Darkside" Kowalski
(batterie)

TRACKLIST

1) None Shall See Redemption
2) Lies of the Fathers
3) Farewell to Grace
4) Asceticism and Passion
5) To Ashen Havens
6) Enemy of Man

DISCOGRAPHIE


Kriegsmaschine - Enemy of Man
(2014) - black metal - Label : No Solace



Des fois dans la vie, vous ne comprenez pas. Tenez. Mgła, perso, je n’ai toujours pas compris (bien que j’aspire à). Alors au détour des chroniques glanées de-ci de-là sur le net, on teste, on essaie, on redonne une chance etc… À la énième écoute, on se dit pour se donner le beau rôle que la masse ne comprend rien et la hype est sans fondement. Du black mélo (terme hautement injurieux dans ce clavier), c’est mal. Sauf qu’un jour vous entendez parler de Kriegsmaschine.

Révélation. Enfin, non. Tout n’est pas si aisé dans l’existence (de la futilité). Car vous lisez. Et vous ingurgitez. Puis votre cerveau traite l’information. Batteur exceptionnel. Il a quatre cerveaux indépendants. Oui, ça, ça parle. Et beaucoup. Style haché. Presque hachuré. Et vous vous lancez dans l’écoute (moi oui). Vous vous dites qu’il y a du chien, mais bon, ça reste occulte et surtout, opaque. Puis les mois défilent, les références finissent par revenir, vous retombez sur la source du mal. Alors le déclic. Des fois on ne sait pas pourquoi. De l’alcool dans le sang, une salve de vidéos de batteur louant un autre batteur, une oreille mieux prédisposée. Et ça coule. Dans votre être, dans votre âme. Quelque chose s’infuse, se diffuse forcément. Darkside. Oh. De. Dieu. Oui, Darkside. « Ça y est ! J’ai compris ! » éructe le néophyte que j’étais. Darkside est un dieu envoyé sur Terre, il a pris la forme d’un batteur.
Car le monsieur s’est donné le beau rôle dans le projet studio du duo de Mgła. Et M. fait preuve d’une formidable humilité dans le processus. Car de frontman et source des alléluias (quoi ironie ?) dans Mgła, malgré l’extrême discrétion de la troupe sur les personnes, il s’adosse au mur pour laisser la lumière à son compère batteur. Et c’est là que ça devient fort : un album de black metal pour batteur. On a déjà connu Hellhammer, formidable machine à extrémité musicale derrière ses fûts. Pourtant là on entre dans une nouvelle dimension. Le jazz a sûrement déjà connu ça, mais dans le milieu noir, c’est inédit. Le mec est un psychopathe. Et encore, le pire dans l’histoire, c’est qu’il demeure relativement sur la retenue sur cet album. Prélude à un Apocalypticists qui poussera les curseurs, mais ceci est un autre conte. Enemy of Man pose très clairement les fondements de ce que sera Apocalypticists. Et il le fait d’une manière merveilleuse, plus simple si j’ose m’exprimer ainsi. Plus directe (sans jamais l’être vraiment, vous pigez ?). M. a l’extrême intelligence de s’échiner à produire masse riffs si ce n’est simples, somme toute discrets afin de mettre en avant tout le talent de Darkside.
Qui quant à lui se mue en pieuvre indicible. Sauf qu’il n’est pas encore au paroxysme de son développement et donc nous autorise à entendre des rythmiques plus à hauteur humaine. Mais globalement, il tient sa ligne au-dessus des mortels. Et c’est là le subtil équilibre de l’album, car en ne se refusant pas à revenir aux bases, Darkside favorise l’entrée dans le monde Kriegsmaschine. Il hypnotise moins se faisant, mais les restes sont suffisants pour porter les larmes à environ quatre-vingt dix-sept pourcent des batteurs de black. Le génie de son jeu réside dans la subtilité. Si j’ai évoqué le jazz auparavant, ce n’est pas un hasard fortuit (ce chroniqueur aurait-il de la suite dans les idées ?). Car le Polonais dantesque évite soigneusement les blasts pour se concentrer sur un jeu de cymbales mélodique. Oui, une batterie mélodique, qui crée et ne se contente pas de son rôle rythmique. Voici tout le miracle de cet album. Appuyé par la science du riff de M. malgré son rôle relatif de second couteau, vous obtenez un album sur le fil du rasoir en permanence.


Démonstration de talent technique qui n’en oublie pas l’humanité, Enemy of Man ne s’adresse clairement pas à tout un quidam. L’erreur de mes amis lecteurs serait de croire que mon emphase grandiloquente correspond à un grand album. J’ai l’humilité de ne pas le considérer à ce niveau. Cependant si vous avez toujours rêvé d’être batteur, que la vitesse pure ne vous parle pas, et que vous savez reconnaître le talent d’un guitariste qui sait jouer en retenue pour mettre en lumière un collègue, alors oui, voici un grand album.





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