Chronique : Saar Gods (2021)

CHRONIQUE PAR ...

TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021

Sa note : 16/20

LINE UP

-Yann Desti
(guitare)

-Alexandre Le Mouroux
(guitare)

-Boris Patchinsky
(basse)

-Julien Taubregeas
(batterie)

TRACKLIST

1) Ulysses
2) The Journey
3) Bridge of Death
4) Styx
5) Tiresias
6) Gods
7) Truth

DISCOGRAPHIE

Gods (2021)

Saar - Gods

(2021) - metal prog instrumental Modern Metal Post - Label : Source Atone Records

Casse-gueule. Oui, s’attaquer à un album de metal instrumental, c’est forcément casse-gueule. Pour qui ? Pourquoi ? Tout d’abord pour le chroniqueur qui n’a pas son fiel à déverser sur le chant. Qui peut se trouver décontenancé par cette absence d’ordinaire présence si prégnante dans notre genre favori. Pour le groupe aussi, car il faut assurer derrière afin de proposer une richesse compensatrice de la perte occasionnée. Et parce que l’exercice de style est rare, donc méconnu et peu maîtrisé.

Je ne sais pas vous, mais metal instrumental ça remonte un souvenir précis chez moi : Indukti et son séminal Idmen avec l’effrayante ouverture "Sansara". Saar n’est pas aussi abrasif, et ne va pas aussi loin instrumentalement, il demeure toutefois quelques relents de cette exception polonaise. Dans l’esprit, on est dans les faits plus proche de quelque chose dans le style The Ocean période Precambrian. Pour certains riffs, pour certaines rythmiques, pour certaines atmosphères lointaines, nostalgiques, fascinantes et rougeoyantes. Saar ne s’en contente pas. Il ose aller plus loin dans le post pour franchir très franchement par moments la barrière rock. Alors une référence à Red Sparowes s’impose. En soi, aucune formation citée n’est infamante, et ce sont même autant de compliments envoyés aux Parisiens que de les voir côtoyer des mètres étalons dans leur style respectif.
Reste au quatuor d’être plus que de simples inspirations, aussi géniales soient-elles. C’est là où le travail sur les compositions se révèlent fondamental. Gods a la maturité et la confiance en soi exigées d’un troisième album pour s’inscrire sur des idées fortes. L’absence de chant oblige ses géniteurs à créer des paroles par le biais de leurs instruments. S’échinent-ils donc vaillamment à forcer les traits de la mélancolie, du blues du samedi soir ou de l’apocalypsisme (merci néologisme). "The Journey" porte alors particulièrement bien son nom. L’écueil de voir s’écouler des suites sans fin d’accords s’affaiblit bien vite pour notre plus grand plaisir. Bien sûr, évidemment, trouver le temps long sur un exercice aussi périlleux ne sera pas une anomalie pour nombre de métalleux en mal de chant et de concision. Dans ce chemin franchement pas aisé que s’est choisi Saar, les gaillards font montre d’une vraie connaissance de leur art couplé à un talent indéniable pour la confection de chansons longues, tortueuses et malgré tout prenantes.
L’on voudrait parler prog, et le terme n’est absolument pas incongru. Certes les relents post sont majoritaires, sauf que dans ce maelstrom d’idées, la progression est un concept primordial. Alors soit, qualifions Gods de prog également, car une telle musique ne peut se suffire à elle-même sans daigner proposer la progression. Autre point de réjouissance, malgré toutes les incartades post rock (pensez à Slint sur "Styx"), les fêlures de la saturation metal reviennent à forte dose très régulièrement. Cela confère à l’essai musical une vraie puissance (le producteur a d’ailleurs été aux manettes d’un Hangman’s Chair et Regarde les hommes tomber). Et à mon humble avis, puissance cruellement nécessaire pour asseoir l’intérêt d’une telle sortie.

Chronique inattendue dans un style pas franchement accessible et au final, belle découverte. Que les amateurs éclairés et éclectiques franchissent le pas de la curiosité, il est à parier que leur soif sera apaisée. À déguster à de multiples reprises.