Petite introduction. Je pars avec un gros a priori sur ce disque. En effet, ça faisait un paquet de temps (en fait, depuis que je me suis découvert une passion pour le doom) que j’attendais une alliance de deux genres que j’apprécie fortement, le doom donc, et le black metal. Forgotten Tomb arrive a point nommé. J’avais lu que le groupe (enfin Herr Morbid) officiait dans le black doom. Mmmmmmmh rien qu’à l’évocation de ce son glacial et du chant rocailleux couplé à la lenteur lourde (de sens), mes papilles tympanales frétillaient. Donc franchement un bon a priori. Fin de l’introduction.
Après ceci attaquons le côté musique. Forgotten Tomb, groupe italien (!!!), fait dans le doom black donc (à noter qu’il se définit lui-même comme du dark metal dépressif et manipulateur). Mais le fait-il avec maestria ? Force est de constater qu’il s’en donne les moyens en tout cas. Production très crue avec ce son si caractéristique de guitare glaciale et sans vie, un chant dans la pure veine black tout à fait correct et magnifiquement fusionné avec cette lenteur pachydermique si doom. Quelques accords seulement sortent des cordes exsangues. La batterie martèlent ses fûts à une cadence elle aussi forcément très cinquième âge.
Pourtant dans cet appel des profondeurs Herr Morbid n’oublie pas qu’il y a plus d’influence black, d’ailleurs il n’a de doom que le rythme, qu’autre chose. Et c’est en cela qu’il nous gratifie de passages plus classiques avec blast beats de rigueur, blast beats écoutables sur "Daylight Obsession" qui pourrait figurer sur n’importe quel album de true black, l’inspiration riffale en plus. Ce tempo rapide est bien surprenant perdu dans ces méandres mélancoliques et tortuesques. Mais ces accélérations restent somme toute bloquées au rang d’exceptions. Tout au plus avons-nous droit à de lents roulements de double pédale, mais le blast beat est rare.
Cela donne inévitablement une musique très atmosphérique (aurait-il pu en être autrement avec la froideur du black metal et le désespoir du doom ?), très portée sur l’ambiance distillée. N’attendez donc pas d’envolée lyrico-symphonico-technique. Vous serez plutôt en permanence plongé dans un océan assez peu recommandable. La noyade guette à chaque riff. Riffs qui sont comme le veut la règle répétés de bien nombreuses fois au cours de chansons qui aiment à s’étendre sur de longues minutes (normal). Et pourtant, ce Springtime Depression offre quelques bouffées d’oxygène. Etonnant. Mais diaboliquement bienvenu. En effet, quelques arpèges sont donnés en pâture. C’est du bon et c’est très inspiré que d’en parsemer la galette puisqu’elle s’en trouve aérée. Vous en trouverez dès la première chanson, "Todestrieb".
De toute façon d’une manière générale, si vous aimez ne serait-ce qu’une piste, vous aimerez l’album dans son intégralité (sauf peut-être la chanson rapide du coup) puisque celui-ci vole toujours à peu près aux mêmes altitudes. C’est-à-dire en dessous de la terre, là où se trouvent nos camarades les morts protégés de la vermine (pas tout le temps) dans leurs cercueils. Néanmoins, toujours à un certain niveau d’excellence. Comment ne pas sentir ses glandes lacrymales se mettre en action à l’entente de "Springtime Depression", morceau titre qui plonge encore plus bas que les autres morceaux pour dire bonjour à La Mort elle-même ? Une longue plainte où seules émergent les cordes grattées une à une par Herr Morbid. Déprimant au possible. Donc génial.
Alors la seule limite qu’on pourra reprocher à l’album, sera finalement que les pistes doom black, soit quatre sur les six qui composent l’album, se ressemblent avec toujours la même formule. Un peu. L’incursion d’un morceau plus black metal traditionnel ainsi que cet ode au suicide qu’est le morceau titre est bénéfique à l’album en imposant une cassure et la diversité. Pourtant n’allez pas croire qu’il s’agit d’un auto-plagiat permanent. Loin de là. Mais pour faire la différence entre tous les morceaux, il faut bien les connaître ou du moins avoir l’oreille éveillée et habituée.
Quoiqu’il en soit cet album est une horrible créature qui se meut avec la seule énergie de la douce certitude que toute vie se terminera inéluctablement par la mort. Délicieux. Fans de musique dépressive, foncez.