Fish -
Raingods With Zippos
Raingods With Zippos prend à contre-pied l'inécoutable Sunsets On Empire avec une musique bien plus abordable. En fait, la principale différence entre ces deux albums est la suivante : sur Sunsets... , Fish s'était orienté vers un style plus rock et lugubre, délaissant complètement ses racines néo-prog old-school encore présentes sur ses trois premiers albums solo (si on exclut Songs From The Mirror, un album de reprises qui fait plus office de récréation). Sur Raingods... , Fish effectue un retour partiel aux sources avec des parties de piano plus présentes et la guitare de Steve Wilson moins envahissante (c'est toujours lui qui joue avec Fish mais il ne compose plus ce qui explique les changements évoqués plus haut). Mais attention, Raingods... n'est pas un album progressif, le style abordé est davantage pop et plus aéré que ses précédentes réalisations.
Et toute la force de Raingods With Zippos réside dans la grande variété des compos et des styles abordés, variété qui faisait défaut sur Sunsets... . On commence par du solide avec 2 morceaux rock : "Tumbledown" qui bénéficie d'une intro au piano magnifique, à ranger parmi les plus belles jamais écrites pour cet instrument, avant de laisser place à un morceau sautillant, avec des cuivres, des guitares tranchantes et un refrain bien rock, bien pop aussi, bien pop-rock quoi ! Ce style convient à merveille à la voix de Fish. Un bon démarrage qui se poursuit en fanfare avec "Mission Statement", un titre encore plus rock et beaucoup plus direct, avec en plus quelques pointes de claviers psyché, ça sonne très 60's tout ça et ça groove méchamment, surtout à la fin où chacun y va de son p'tit solo dans un esprit très live. "Incomplete", le single de l'album, calme le jeu, il s'agit d'une ballade acoustique en duo avec une chanteuse, comme l'avait déjà fait Fish avec Sam Brown sur "Just Good Friends", ou avec Tessa Niles sur "The Last Straw" pour remonter dans un passé lointain. On n'échappe pas à une people-jackitude évidente sur "Incomplete", ce morceau a clairement été composé pour plaire au grand public (ma grand-mère appréciera sans problème), et malgré tout, je l'adore car universel et bourré d'émotions. Fish continue pépère avec "Tilted Cross", encore un acoustique très people-jack, avec quelques nappes de claviers derrière pour l'ambiance, j'aime bien, mais il est clair que ce genre de ballades ne sera pas du goût de tout le monde. Et hop, énorme contraste pour la suite avec le très heavy "Faithhealer", qui n'a rien de nouveau en soi puisque cette reprise avait déjà été joué dans la set-list de la tournée Vigil... . Fish en fait un peu beaucoup sur ce titre et abuse d'effets sur sa voix pour rendre l'atmosphère flippante. Et après cette petite tuerie, encore un contraste avec "Rites of Passage", très calme, on dirait une berceuse avec juste la voix toute douce du Fishounet et des nappes de claviers. Mais la deuxième partie du morceau, instrumentale, est bien plus intéressante, très atmosphérique avec quelques parties de piano sublimes.
Et le meilleur pour la fin : "Plague of Ghosts", une longue suite de 25 minutes comme Fish n'en avait pas proposé depuis "Clutching At Straws". L'ensemble de cette suite est à classer dans le rock-progressif, mais je m'attendais quand même à du grandiose car quand on voit une longue suite comme ça, on devient très exigent. Au final, "Plague of Ghosts" se révèle «seulement» excellente, avec des moments magiques, surtout dans la deuxième partie avec 3 morceaux phénoménaux qui montent progressivement en puissance pour donner lieu à de superbes refrains : "Waving at Stars" avec ses beats jungle et ses accords de guitare sèche, joli contraste entre tradition et modernisme ; "Raingod's Dancing" et "Wake-Up Call (Make It Happen)" qui possèdent quand à eux des parties de piano d'anthologie tout en restant dans un style pop très rétro (on se croirait dans les 60's pour les guitares de "Wake-Up Call"). Mais les passages plus atmosphériques de "Plague of Ghosts" ("Old Haunts" et "Chocolate Frogs") sont un peu décevants et vraiment faciles. C'est un peu le reproche qu'on peut faire à Raingods With Zippos, celui d'être un album très facile, grand public et donc qui peut lasser très rapidement, un peu comme le This Strange Engine de Marillion d'ailleurs. Mais pour ces 2 albums, la qualité étant au rendez-vous, on passera l'éponge, surtout quand on voit la daube que va nous pondre le Fish sur l'album suivant.