CHRONIQUE PAR ...
Beren
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13.5/20
LINE UP
-Morean
(chant)
-Asvargr
(guitare)
-Ventura
(guitare)
-Draugh
(basse)
-Payman
(claviers)
-Seraph
(batterie)
TRACKLIST
1)The Silver Gate
2)Cohorror
3)Baphomet
4)The Unflesh
5)Analepsy
6)Edge Of Night
7)No Longer Human
8)Catacrusis
9)Antiversum
DISCOGRAPHIE
L'eidolon est l'image de l'être qui demeure dans le monde astral après sa mort, son double éthéré détaché de son enveloppe physique. Au-delà de la symbolique qui, pour le coup, se détache – grand bien leur en a pris! - du vocabulaire black habituel, est-ce ainsi que Dark Fortress considère désormais son avenir? Le groupe allemand, assez confidentiel, ne semble pourtant pas être sur la pente descendante après la parution de Stab Wounds et surtout de Séance, petit bijou de black sombre; la signature sur Century Media leur permettra au contraire d'être correctement distribués.
Le départ de leur ancien chanteur Azathoth va très certainement dénaturer un peu le propos très alternatif et plus cru du groupe instauré sur Séance, qui avait pris un virage très inattendu, en élargissant la palette obscure et agressive de sa musique au détriment de la grammaire mélodique, plus classique et empruntée sur les trois précédentes réalisations du groupe. En effet, son timbre associé aux ambiances occultes développées sur Séance collait bien mieux à la nouvelle orientation du groupe que celui du nouveau frontman Morean sur Eidolon.
Si Dark Fortress n'a rien perdu de sa verve technique – hyper-agressivité à base de blasts, nuancée par des nappes de claviers parfaitement équilibrées ("Cohorror", "No Longer Human", où le travail de riffing lead, saisissant et inventif, couplé aux différents samples à la limite de l'ésotérique donne un résultat impressionnant) – c'est au niveau du chant et des rythmiques, beaucoup plus élevées que sur Séance, qu'Eidolon donne l'impression désagréable de faire du surplace sur la longueur. Si les Allemands avaient su innover en donnant une coloration suicidal black à Séance, Eidolon prolonge l'expérience mystique, sans pour autant – et c'est dommageable – essayer de la transcender.
Toujours aidés par une production en béton armé, le mysticisme accru, les claviers épiques (mais utilisés avec une retenue qui ne ferait pas de mal aux Dimmu Borgir et consorts) et le riffing, lorsqu'il est inspiré, souvent cosmique (à ce titre, les plans croisés de V. Santura et de Asvargr sur "Analepsy" - solo de tueur - et surtout sur "Cohorror" et "The Silver Gate", proches de ceux de Samoth au sein d'Emperor, sont fabuleux) ne manquent pas à l'appel et feront toujours le bonheur des amateurs de ces ambiances glaciales si particulières. Cependant, le chant de Morean, proche de celui du frontman de Dimmu Borgir, n'a pas la classe du timbre particulier d'Azathoth et l'ensemble souffre pas mal de cette absence, tant au niveau de l'expression que de l'écriture.
L'inventivité de Séance, au-delà de sa relative complexité, résidait en ce qu'il apportait du sang frais à une discographie en perte de vitesse. Ici, l'effet de surprise est définitivement passé et Eidolon, malgré des qualités indéniables et bien qu'il place Dark Fortress dans le peloton des outsiders à ne pas prendre à la légère, s'inscrit dans une mouvance plus conventionnelle sur une grosse moitié de l'album ("Baphomet", que Tom Fischer de Celtic Frost ne parvient pas à faire décoller, "Edge of The Night" et le diptyque final "Catacrusis"/"Antiversum", assez décevant).
Ainsi, le feeling moribond qui faisait le sel de Séance se fait ici plus discret et l'ensemble, bien que techniquement irréprochable, n'évite pas les quelques poncifs du genre (hausse des tempi et longueur des morceaux, qu'est-ce que cela a apporté dans le cas présent?). Le doublé n'était pas loin, il en reste juste un léger goût d'amertume dans la bouche. Une sortie importante dans le genre, mais qui n'est ici pas à la hauteur des attentes que l'on avait placées en lui.