Au petit jeu des associations, pensez black metal et, dans la foulée, pensez à une couleur. Non, le noir n’est pas une couleur... Le rouge ? Oui, voilà. La rouge, le sang, le feu, etc. etc. On le retrouve plus souvent sur les pochettes de nos groupes préférés que le vert pomme. Une certaine prédominance de cette couleur symbolise en général un surplus d’activité. Alors forcément, quand elle occupe l’intégralité de la pochette…
On avait déjà eu le cas avec Misþyrming et un premier album chaud bouillant, rebelote avec Maltrér, premier LP du très remuant duo teuton Verheerer. L’exemple islandais n’est pas pris au hasard puisque ces deux groupes partagent la même fougue et pratiquent un black metal dissonant et agressif. Simplement, même s’ils ne crachent pas sur quelques digressions, les gars de Misþyrming privilégient plus le côté baston de la musique noire. Verheerer, ne rechigne pas non plus sur l’utilisation de blasts et sait donner à sa musique un caractère très virulent. Néanmoins, nos amis d’outre Rhin, se plaisent à varier le propos, à perdre l’auditeur dans des compositions, pas totalement labyrinthiques, mais pas spécialement linéaires non plus et à conférer aux morceaux un certain grain de folie. Sans atteindre le côté imprévisible de Dodheimsgard, Verheerer pourrait tout de même pas mal dérouter le fan d’Immortal époque Sons of Norther Darkness (excellent album, soit dit en passant, hein, no offense).
Des lead guitares dignes du heavy metal à veste patchée sur "Kultyst", une rythmique hallucinée et incantatoire sur le fantastique "Vertigo", sorte de raptus anxieux musical, un refrain beaucoup plus classique sur "Anima Sola"… Les artistes osent même désynchroniser guitare et rythmique, le temps de quelques accords, sur le titre éponyme. Vu le niveau technique des types, il ne peut pas s’agir d’une erreur d’exécution, mais bien d’une volonté de donner un accent dissonant à l’œuvre qui reste cependant accessible, Verheerer se promenant volontairement à pieds joints sur la ligne séparant musicalité et musique barrée. Maltrér dérange, mais l’album se veut construit et l’on y perçoit, notamment à travers des interventions des guitares, l’amour des musiciens pour le metal plus classique, à l’instar de Black Anvil, par exemple. Extrêmement inspirés jusqu’à "Maltrér" inclus, les artistes signent une seconde moitié d’œuvre un poil moins convaincante et un peu plus convenue, notamment sur le titre final, "Heimgang", plus quelconque, mais pour un premier album, je peux vous assurer qu’on a entendu largement pire !
Verheerer nous propose, avec ce premier effort, un black metal malsain, hargneux, varié et mélodique. S’il n’y a pas encore de moments d’extase suprême, on n’en est pas loin et un titre comme le très hypnotique "Vertigo" est à montrer dans les écoles d’apprentis sorciers/musiciens. Scandinave dans l’âme, ce duo germanique est à surveiller de très, très près.