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CHRONIQUE PAR ...

100
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 17/20

LINE UP

-Marcus "Vargher" E. Norman
(chant+guitare)

-Kristoffer "Wrathyr" Olivius
(basse)

-Reaper
(batterie)

A participé à l'enregistrement :

-Anders "Blackheim" Nyström
(chant)

TRACKLIST

1) Blood on the Altar
2) Hallways to Hell

3) Demondawn
4) Night of the Sinner
5) Satan's Claw
6) Hellblood
7) Beastchild
8) Cremation of the Cross
9) The Night Stalker
10) Sacrifice to Satan
11) Hellcult Attack
12) Pentagram Prayer

DISCOGRAPHIE


Bewitched - Pentagram Prayer
(1997) - thrash metal speed metal - Label : Osmose



1997. Entendez-vous ces impitoyables bourrasques lacérer les plaines vitrifiées du thrash metal ? Plus un arbre ne tient debout, les sequoias Slayer, Metallica et Kreator ont été emportés par la tornade neo, l'ouragan heavy et la tempête indus. Ne subsistent que de chétifs arbustes – Tankard, Overkill – recouverts par le silence du désert qui, bientôt, finira de dévorer cette terre. Ça sent la caillasse et la poussière, le vide, la désolation. Mais... Quelle est cette mélopée acérée qui se faufile à travers les tourbillons ? Quelle sorte d'êtres osent encore arpenter ces ornières infertiles ? Pardon ? Des black metalleux blêmes comme des chèvres albinos ? Attendez, ce n'était pas prévu au scénario, ça !

Que des membres de groupes prometteurs ou confirmés de black metal (Ancient Wisdom, Throne of Ahaz, Naglfar, Diabolical Masquerade) ou de doom metal (Katatonia) se lancent dans un projet de speed/ thrash eighties, voilà qui paraît incongru au moment où le genre co-inventé par Exciter et Metallica subit ouvertement le mépris des acteurs de l'underground, qui l'estiment vidé de toute substance créative et décrédibilisé par de supposées compromissions avec les maisons de disque : de fer de lance du metal extrême, le thrash a été dégradé en quelques années à peine au rang de relique non sanctifiée, objet d'ingrates railleries. Mais les quatre Suédois de Bewitched – à ne pas confondre avec le collectif chilien homonyme – ne se soucient guère des moqueries qui leur sont adressées lors de la parution en 1995 du premier LP Diabolical Desecration, puis d'une poignée de reprises regroupée sous l'intitulé Encyclopedia of Evil. A priori anecdotiques, ces covers de Bathory, Venom et Celtic Frost rappellent l'évidence : sur le Vieux Continent, thrash et black se sont nourris aux mêmes malsaines et rugueuses mamelles (oui, ça en fait trois, mais on n'a jamais dit que leur détentrice était humaine). C'est ce lien originel que les Scandinaves comptent bien réactiver. Néanmoins, le pari n'était pas complètement réussi sur l'effort inaugural qui souffrait d'un déséquilibre tant au niveau de la qualité des compositions que de la production étouffée, l'option « vieux heavy » ayant tendance à plomber l'affaire – n'est pas Mercyful Fate qui veut. Bref, la bonne formule restait à mettre au point.
L'ouverture ébouriffante de Pentagram Player témoigne du bond en avant effectué par la section d'Umeå. Porté de bout en bout par les spires d'un riff infernal, "Blood on the Altar" agrippe l'auditeur par un dynamisme, une tension qui se maintiendra sur tout l'album. Et quel son ! À la fois puissant et chaleureux, affûté et granuleux, il renforce l'impact de compositions majoritairement inspirées qui ne laissent aucun répit. La filiation avec les âpres pionniers déjà cités est entretenue par l'ambiance satanique de série z qui s'achève sur une messe noire psalmodiée en un crescendo dément, tandis que les vocaux s'inscrivent dans la lignée rauque des Cronos (Venom), Tom G. Warrior (Hellhammer/ Celtic Frost) et Quorthon (Bathory) – pas de stridences à l'américaine ou d'imitation d'un Schmier (Destruction) à la recherche du contre-ut perdu. Bien que ses lignes de chant ne se signalent pas par leur grande diversité, Vargher varie suffisamment ses intonations pour éviter la monotonie et s'écorche le gosier tel un hérétique à deux doigts de la combustion non spontanée expectorant ses déviances sur un tas de bûches à mille degrés. Toutefois, le trio de la Baltique ne se contente pas de singer les figures tutélaires susmentionnées. Souvent réduite à la portion congrue par ces dernières, la mélodie est en effet choyée par l'ex-quatuor, ce que démontre magistralement le démissionnaire Blackheim qui, non content de poser sa voix morbide sur plusieurs passages, laisse en cadeau d'adieu l'affolant "Hallways to Hell", irrésistible cavalcade s'achevant sur un break d'une judicieuse ferveur.
Déboulant à vive, voire très vive allure, les morceaux évoquent de fait ce que pratiquaient les Pères Fondateurs Metallica, Slayer et Anthrax à leurs débuts, à savoir du heavy metal joué en accéléré et sans fioriture. Ainsi, chaque motif, chaque couplet, chaque refrain aurait pu trouver sa place sur un enregistrement de Judas Priest ou d'un groupe de la New Wave of British Heavy Metal (NWOBHM) s'il avait été exécuté deux fois moins vite - à l'instar, ou presque, de "Sacrifice to Satan" dont le tempo plus apaisé et l'utilisation des guitares « jumelles » rappellent Iron Maiden, probablement de manière ironique compte tenu de l'inattendu solo bluesy qui le conclut. Cependant il s'agira de l'unique fantaisie insérée dans une œuvre en aucun cas parodique. L'enchaînement de séquences plus véloces les unes que les autres, sans tomber dans le copié-collé, tisse une histoire trépidante dont l'unique objectif consiste manifestement à provoquer des séances de air guitar en masse chez les grands enfants venus l'écouter. Écourtant volontiers les solos, quand ils ne les suppriment pas, les Ensorcelés vont droit au but, soignent l'interprétation – pas de bouillie de notes débitées à la tronçonneuse – et ménagent de véritables moments de bravoure, à l'image des thermonucléaires "Cremation of the Cross" et "Hellcult Attack", fouettés aux cymbales par l'énigmatique Reaper. Alors que le break en twin du premier s'apparente à une superbe scorie seventies à la Thin Lizzy, le refrain ultra basique mais totalement jouissif du second, en célérité maximum et répété à l'envi, ne laisse pas d'autre choix à l'auditeur que le reprendre à tue-tête, y compris quand ce dernier a moins de cinq ans (test approved) – c'est dire si la faculté de la formation nordique à engendrer transe et allégresse sur ce recueil est considérable.


Tout semblait perdu et pourtant, il a suffi qu'une bande de vikings survoltés lâche une salve de titres sentant le soufre et la vengeance pour que l'espoir renaisse dans le petit cœur sensible des thrashers abandonnés. Sur Pentagram Prayer, Bewitched s'arroge la rudesse des précurseurs du black/ thrash européen pour customiser ses trouvailles harmonieuses dignes du heavy/ speed éclatant des années quatre-vingts. Redonner ses lettres de noblesse au metal extrême des origines tout en évitant le pastiche obséquieux : dans un univers bouffi de décalques inutiles, voici une gageure relevée haut la main qui fait particulièrement plaisir à entendre.


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