Vous vous souvenez des interros surprise ? Le professeur qui débarquait en classe, impassible, faisait mine de commencer son cours comme d'habitude, avant de lâcher un « sortez tous une feuille » plus impardonnable que la trahison de Judas envers l'autre chevelu. J'ai ressenti le même genre de désarroi en apprenant la sortie du dixième album de Hardcore Superstar. « Mais ne devraient-ils pas prendre leur temps au lieu d'enchaîner les sorties ? », pensai-je alors. Mais à y regarder de plus près, deux ans séparent cet album presque éponyme de C'Mon Take On Me. Deux ans déjà... Alors, interro surprise : le gang de Jocke Berg a-t-il su rehausser son niveau de jeu après un cru 2013 pas fameux ? Vous avez deux heures. Ou plutôt : VOUS avez 44 minutes, les gars.
Parlons son pour commencer. Le groupe a quitté l'écurie Nuclear Blast pour revenir vers Gain Records, label qui avait produit deux de leurs plus fameux albums : l'éponyme ainsi que Dreamin In A Casket. Un changement peu significatif, tant ce nouveau disque ressemble à C'Mon Take on Me : son puissant, clair, pas trop propre sur lui (c'est du sleaze après tout). On est loin du son explosif et chromé des albums cités plus tôt, mais le son n'est pas tout. Que serait une production réussie sans de bonnes compos ?
Entrée en matière au poil avec "Don't Mean Shit". Plus question d'intros qui n'en finissent plus, pas de détours ni de circonvolutions. Non, l'album démarre en trombe avec des guitares rythmiques furieuses et un refrain conquérant. De très bon augure. Hardcore Superstar aurait-il retrouvé le chemin du fun et le sens de la fête, la tronche dans l'ampli et une bière à la main ? Même la pochette et ses couleurs fluo semble l'indiquer ! De fête, il est justement question avec le second titre, "Party Till I'm Gone". Avec son petit riff entêtant et refrain à base de chœurs joyeux, il montre un groupe bien plus en forme que prévu. Les bons ingrédients sont là, et bien dosés ! Pas de retenue excessive ni de too much, le groupe touche dans le mille ! Le bon Jocke semble aussi avoir retrouvé des couleurs derrière le micro.
Et l'album continue comme ça pendant un bon moment, déroulant ses titres festifs et accrocheurs. On note même une certaine variété dans la coloration des morceaux : là où "Off With Their Heads" se veut irréverencieux et carnassier, "Fly", du haut de ses huit minutes, joue la carte de la power ballad et de l'émotion avec son refrain à faire se lever des stades. Lequel refrain est d'ailleurs soutenu par un bien beau riff, ample et dramatique tout à la fois.
Et tout d'un coup, le bât blesse. Le coupable s'appelle "The Ocean". Un titre extrêmement frustrant d'ailleurs, puisqu'il fait se côtoyer le meilleur et le pire. Le meilleur, c'est ce riff tonitruant porté par une rythmique de feu. Un des tous meilleurs du groupe, assurément. Le pire, c'est... bah tout le reste ! Couplets mollassons , refrain peu inspiré... rageant, vous dis-je ! A partir de là, l'écoute de l'album commence à se faire moins excitante, plus routinière. "Growing Old" manque de punch. "Glue" est un tube sympathique mais sa position en fin d'album tend à diminuer son impact. "Messed Up For Sure", enfin, retrouve une jolie lourdeur dans son riff d'intro, et constitue une conclusion intéressante.
Un sauvetage inespéré, voilà comment je qualifierai HCSS. Alors que le précédent album montrait un groupe à la dérive, en panne d'inspiration, de plus en plus prompt à lasser ses fans, ce cru 2015 prouve que le sleaze suédois est encore capable de belles choses. Et bien que l'ensemble ne comporte quasi aucune surprise (à l'exception, peut-être, de ces quelques ajouts électroniques discrets), il est suffisamment convaincant et bien composé pour s'éclater un bon moment à son écoute. Je ne pensais plus dire ça au sujet de Hardcore Superstar, mais : vivement le prochain !