En quatre albums seulement, Protest The Hero s’est imposé comme une référence en matière de metal technique et mélodique. Depuis la sortie du dernier album en date, Volition, le groupe sillonne les scènes et les pays pour proposer à chaque fois des shows sous le signe de la bonne humeur, de la technique et d’une énergie inépuisable. À l’occasion de leur troisième passage en France au cours de la seule année 2014 (après une tournée en janvier et un passage remarqué au Hellfest), les Éternels se sont pressés au show des canadiens à Paris et à Décines, près de Lyon.
4 décembre - Le Trabendo - Paris par Ptilouis
Trois fois en un an, ça fait beaucoup me direz-vous pour voir un groupe qu’on aime. La première c’était à Paris en janvier et c’était formidable, la deuxième au Graspop pour un set plus court mais très agréable, et la troisième au Trabendo en ce début décembre. J’hésitais, il faut dire que les autres groupes ne me tentaient pas trop, entre The Contortionist et son metal djen(t)érique ou The Safety Fire et leur metal technique pas finaud, l’envie retombait. Mais en première partie, il y avait aussi Destrage, mon coup de cœur de l’année 2014, donc il fallait que je vois ça. Et j’ai eu bien raison, ces italiens déchirent sur scène et Protest The Hero… bah ce sont toujours les mêmes canadiens.
Comme quatre groupes se partagent l’affiche, il valait mieux ne pas arriver tard pour voir les enragés de Destrage jouer pendant une petite demi-heure. Le Trabendo est loin d’être rempli lorsque les italiens entament "Destroy CreateTransforme Sublimate", premier morceau d'Are You Kidding Me? No., sous une lumière blafarde. On croirait voir des répètes, pourtant le son est bon, les musiciens ultra carrés et leur look aussi extravagant que leur musique. Jugez plutôt, entre un chanteur aux faux airs de Greg Puciato de Dillinger Escape Plan, un guitariste en parodie de hypster (barbe noir, cheveux blonds, chaussettes vertes remontées jusqu’aux genoux…) et un bassiste bourru armé d’une basse étincelante de LED (les autres musiciens semblent plus classique), le groupe affiche la couleur : ils sont joyeusement barrés. Pourtant leurs cinq titres s’enchaînent sans soucis. Le groupe balancent les singles du dernier album, fait un léger retour sur le passé avec "Jade’s Place", puis finit en apothéose avec le morceau titre final "Are You Kidding Me ? No" où le bassiste osera même faire un tour dans une fosse bien plus remplie, tandis que le chanteur s’égosillera comme un malade. On peut parier que le groupe aura marqué des points auprès des curieux qui sont venus l'observer. D’ailleurs, Rody Walker ne s’y trompera pas en disant plusieurs fois lors de son show, être fier d’avoir Destrage en tournée avec eux. Une belle marque de reconnaissance.
Je passerai rapidement sur les deux autres groupes qui ne m’intéressaient que très peu. The Contortionist défend la sortie de son dernier album, Language. Sa musique est frustrante, se situant entre un djent aérien à la TesseracT, alourdit par les rythmiques bateaux de groupes de djent plus classique. Du coup, lésé, l’auditeur se retrouve le cul entre deux chaises à être transporté par un passage particulièrement réussi pour redescendre quelques instants plus tard à cause d'une lourdeur malvenue. Dommage, d’autant que le son est plutôt clair, le lightshow aux effets bleutés en phase avec la musique froide et aérienne, et les musiciens carrés. Ce sera ensuite au tour de The Safety Fire, qui mettra un temps considérable à préparer sa scène, et jouera un metal technique mélodique plutôt anecdotique. C’est bien fait, plaisant à écouter, mais problème de taille, ça s’oublie aussi très vite. Rien d’autre à dire, on attend les canadiens, car là on s’ennuie doucement. Destrage aurait dû jouer plus longtemps
C’est donc au tour des dingos de Protest The Hero de débouler sur les rythmes et mélodies de "Sequoia Throne", pour le plus grand plaisir des amateurs de Fortress. La foule, pas très dense ce soir, s’y donne à cœur joie. Ça headbangue, ça pogote et les musiciens jouent bien tranquillement. S’ensuit l’immanquable single "Underbite", efficace tout simplement. Puis comme à son habitude, le groupe fait une pause, laissant à Rody Walker l’occasion de faire son show. Au programme ce soir, il boira la fin d’une bière cul sec sous les acclamations du public et discutera sur l'utilité de faire des bières aussi petites, portera un bikini en bonbon sur "Sex-Tapes", blaguera avec les gens sur des sujets complètements débiles et, en fin de set, enverra chier un type bourré qui lui aura tenu la grappe pendant les trois quarts du concert. Bref, un Rody en grande forme, quoique passablement énervé. Pour le reste, les morceaux s’enchaînent sans aucun problème avec des pauses régulières. Le groupe revisitera les différents albums de sa discographie de façon assez égale et c’est avec plaisir qu’on aura le droit à un surprenant, mais très technique "Termites" juste après les immanquables "Hair-Trigger" et "Sex-Tapes". Dans le lot des surprises, on pourra aussi noter la très peu subtile "No Stars Over Bethlehem" issue de Kezia. Mais les amateurs du groupe retiendront particulièrement la restitution irréprochable de "Bone Marrow" et surtout le rappel propice au dévissage de nuque : "Bloodmeat" ! Si à ça on ajoute que Cameron McLellan, le nouveau bassiste, semblait plus détendu que lors des festivals et blaguait avec le chanteur et les guitaristes, tout en enchaînant les slaps et tappings improbables, et que le son était tout à fait correct avec un Rody Walker bien plus en voix qu'au Divan du Monde, on peut dire que Protest The Hero n’a encore une fois, pas déçu.
13 décembre - Le Warmaudio - Décines (69) par Sven
En peu de temps, Protest The Hero s’est hissé dans mon panthéon métallique personnel. L’énergie déployée par le groupe, les mélodies, la vélocité et la technique des cinq comparses me séduisent de plus en plus, album après album, concert après concert. Et le fait qu’ils progressent à chaque fois n’y est pas pour rien. Après les avoir vus à Paris, puis au Hellfest, l’idée de les voir une fois de plus était séduisante, et l’opportunité d’aller à Lyon a fait le reste. Ne connaissant pas la salle, j’ai été agréablement surpris par ce Warmaudio qui porte très bien son nom. Salle de taille humaine, chaleureuse, avec bar et grignotage possible. Mais quid du son ?
Impossible de savoir ce qu’il en était pour
Destrage, arrivant après la fin du set. Une fois n’est pas coutume, pas de première première partie. Pas grave, il y a deux autres groupes avant la tête d’affiche. D’abord,
The Contorsionist, qui offre un metal prog/djent assez lent, limite atmosphérique, assez intéressant musicalement, mais manquant un poil de pêche pour arriver à séduire pleinement ce soir. Cela dit, c’est suffisamment intéressant pour donner envie d’y jeter une oreille à la maison. Ensuite,
The Safety Fire qui délivre, en plus d’une galerie de coupes de cheveux et de pilosités faciales toutes plus originales les unes que les autres (mention spéciale au guitariste avec la coupe «
à la Rihanna » ), un djent assez classique et vite redondant, qui sent le calibrage pour plaire aux djeunz fan de polyrythmie en tous genres. Si en plus on rajoute l’absence de bassiste alors que la basse est présente dans ce qu’on entend, on obtient, malgré l’implication des musiciens, une prestation pas forcément indispensable. Applaudissements quand même pour les deux amuse-gueules qui ont malgré tout bien assuré leur rôle, une pinte, et on s’avance pour protester le héros au premier rang !
Les cinq membres de
Protest The Hero entrent sur scène sous les applaudissements nourris du public, casquette vissée sur la tête. Et là, bim, c’est le déferlement de violence dans la fosse dès les premières notes de "Sequoia Throne". Les premiers rangs sautent de partout, manque de bol pour les malheureux qui voulaient juste être au plus près du groupe, les pogoteurs auront encore le dessus. Pas grave, on jouera des coudes en évitant de prendre un glandu en travers de la tronche. Du côté du groupe, Rody Walker est vraiment un frontman talentueux, que ce soit dans le chant qu’il maîtrise parfaitement, que dans son rôle de comique de stand-up. Au programme notamment, un couplet sur les bonnets et un début de morceau affublé d’un masque de cheval. Il semble néanmoins emprunté en terme de forme physique, il l’expliquera plus tard en annonçant que ce concert est le dernier de leur tournée européenne, qui semble avoir été pour le moins éprouvante, avant leur retour outre-Atlantique prévu pour le lendemain. Il assure quand même parfaitement, ce mec est un monstre ! L’autre attraction du groupe est sa paire de guitaristes, toujours aussi impressionnants techniquement. Un peu en retrait comme à leur habitude, ils abreuvent la foule de rythmiques et de soli fracassants, de tapping à volonté, n’interférant que rarement avec le public. L’interférence principale viendra de Cameron McLellan, remplaçant d’Arif à la basse depuis mi-2014, et producteur du groupe en temps habituel. Le poste de bassiste n’a pas beaucoup perdu en terme de sourire et d’activité sur scène. Le musicien semble exténué par la tournée, et passe une bonne partie de son temps à jouer d’une main, tout en s’amusant à distraire ses camarades. Il récoltera un coup de guitare involontaire en essayant de distraire Luke Hoskin au cours d’un solo. Pour ce qui est de la setlist, elle couvrira tous les albums du groupe, même si quelques tubes indispensables du groupe manqueront à l’appel ("C’est La Vie", "Mist", "Twisting Against Windmills" notamment étaient très attendus). Après une douzaine de morceaux et l’immanquable "Bloodmeat" en guise de rappel, le groupe sortira sous les ovations de la foule reconnaissante.
Au terme d’une soirée riche en musique, et même si l’on pourra toujours un peu regretter la fatigue visible des héros de la soirée, force est de constater que les canadiens maîtrisent leur boulot à la prestation, et que leurs lives valent le coup à chaque fois. À la revoyure, tabernacle !
2014 fut à n'en pas douter une année intense, mais exceptionnellement riche pour les canadiens de Protest The Hero qui n'auront cessé d'écumer les scènes d'Europe (trois tournées) et d'Amérique. On peut comprendre qu'ils se sentent un peu exténués à la fin de leur date à Lyon, voir passablement agacés à Paris. Et pourtant, ils ont à chaque fois offert un show exemplaire, rempli de mélodies, de riffs, de moments délirants et changeant même leur set-list, histoire de ne pas se répéter. Alors on ne peut que saluer des types comme ça, qui se donnent à fond... et attendre avec impatience leur nouvel album... et les concerts qui suivront.
Album photo Protest The Hero : Das Silverfoto
Album photo Destrage : Das Silverfoto