Contexte particulier pour ce concert : le mot « coronavirus » est déjà sur toutes les lèvres, mais sa conséquence principale, le confinement, n’est pas encore appliquée. Notre président s’exprimera d’ailleurs le soir même pour limiter une première fois les déplacements, ce qui donne un petit goût d’interdit à cette sortie. Comme un dernier concert avant la fin du monde, en quelque sorte. Morceau de choix pour l’occasion puisqu’avec The Night Flight Orchestra, on sait d’avance que cette ultime soirée sera excellente.
Première bonne surprise d’entrée : depuis leur dernier passage dans les environs lyonnais, force est de constater que le groupe a pris de l’ampleur puisque du Warmaudio à Décines, nous voilà maintenant au CCO à Villeurbanne, salle d’une toute autre ampleur. Il faut dire que les Suédois ont continué à naviguer à leur rythme de croisière ahurissant : une tournée et un album par an ou presque. Juste récompense donc, d’autant que leur dernière livraison, Aeromantic est à la hauteur. Malheureusement, on circule sans trop de peine dans la fosse. On mettra ça sur le dos des nouvelles anxiogènes du moment, limitant le nombre d’entrées vendues sur place, la majeure partie des personnes dotées de préventes ayant répondu présent d’après l’organisation. Contraintes de planning et légère avance de la première partie obligent, on attaque directement avec le gros morceau.
Ce qu’il y a de bien avec The Night Flight Orchestra, c’est l’effort d’avoir construit un vrai spectacle avec une identité marquée, une imagerie originale et travaillée afin de marquer les esprits à chaque apparition. Dès l’entrée en scène de la section instrumentale, en tenue de soirée, suivis par les deux hôtesses/choristes venant saluer la foule façon Playmobil, coupes de champagne à la main, on sait que l’on va voler en première classe, en toute décontraction. On s’en doute, la dernière livraison des Suédois sera ardemment défendue et c’est sans surprise que le show démarre avec "Servants of the Air". Le son un peu brouillon ne nous empêche pas de profiter pleinement de cet opener de choix. On le sait déjà : ce sera le dernier concert de la tournée, le reste ayant été annulé pour les raisons que l’on connaît maintenant tous. L’atmosphère est schizophrène, on le ressent dans les discours de Björn Strid, entre phrases téléphonées d’usage (du genre «
You guys are a crazy audience », certainement entendue tous les soirs de la tournée) et vraie reconnaissance envers les courageux présents ce soir.
La setlist s’articulera majoritairement entre les pépites du groupe, notamment celles d’
Amber Galactic - leur meilleur album à ce jour - et un
Aeromantics qui n’a pas grand chose à lui envier en terme de qualité. Pourtant, si les titres du premier font mouche systématiquement, grâce à des refrains de haut vol scandés en chœur par tous ("Gemini", "Something Mysterious"), le résultat est plus nuancé pour ceux du second. Non du fait d’un manque de qualité, bien au contraire, mais plutôt des penchants artistiques de ce dernier. En effet, l’orientation synthwave demande une production d’un équilibre délicat, et ce n’est malheureusement pas le cas ce soir. Si les morceaux les plus directs n’en souffriront pas ("Servants of the Air", "This Boy’s Last Summer", "Taurus"), d’autres ressortiront un peu ternis du fait d’un manque de clarté au niveau des synthés de John Lönnmyr et des chœurs assurés par Anna Brygård et Anna-Mia Bonde, notamment "Transmissions" dont le refrain est pourtant l'une des plus belles choses que le groupe ait composées.
Mais qu’importe, l’essentiel est ailleurs : tout le monde passe une très bonne soirée. L’ambiance montera progressivement au fil du set, au fur et à mesure que les tubes succèdent aux hymnes et aux poutreries dont l’Orchestre Nocturne ne manque pas, vous l’aurez compris. Mention spéciale à "Golden Swansdown", qui fera dire à beaucoup que Björn Strid est tout de même un sacré chanteur, notamment quand on sait ce qu’il est capable de faire dans un registre différent chez
Soilwork. Le temps filant malheureusement beaucoup trop vite, on arrive déjà à la fausse fin du set, qui se conclut avec "The Last of the Independant Romantics", extrait de
Sometimes the World Ain't Enough qui sera lui aussi fièrement représenté. Et nous voilà déjà aux rappels avec le trio infernal : "Stiletto", la speederie ultime "Midnight Flyer" et enfin l’inévitable "West Ruth Avenue" pour conclure, avec sa désormais traditionnelle chenille géante qui finira d’achever les plus vaillants combattants de ce soir.
La tournée ayant été massivement amputée, c’est donc ainsi qu’elle se conclura. Et nul doute qu’avec le souvenir laissé par cette soirée, nous reverrons The Night Flight Orchestra rapidement en France. Chacun repartira le sourire aux lèvres, entre bonheur brut et mélancolie, se doutant que c’était probablement sa dernière sortie avant un moment, sans connaître la prochaine échéance. On imagine sans peine la déception du groupe qui a du avaler la nouvelle, comme chacun, avec amertume. Mais qu’à cela ne tienne, nous les attendrons de pieds ferme dès que la page sera tournée !