14 décembre 2016
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Rouen - Le 106
Revoir l'un des groupes à l'histoire la plus sulfureuse du genre, en deux mille seize, relève du pèlerinage. Certes, le line-up n'est plus le même. Certes, de l'eau (beaucoup d'eau) a coulé sous les ponts et l'on a vu plus sombre, plus fou, plus ceci et plus cela. Mais jamais - et jamais plus ne verra t-on - plus fondateur, plus iconique que Mayhem. Alors ? Blague de mauvais goût, ou messe noire ? Pour cette seconde expérience du mal dans l'année, ma réponse est claire : messe noire.
Mais avant Mayhem, il y avait son poulain : j'ai nommé, l'à-peine moins dangereux
Watain, venu sur scène pour interpréter son album
Casus Luciferi en intégralité (pour mieux vous situer le tableau, j'avoue ne pas connaître au moment de voir le groupe - pas plus que je ne connaissais le groupe autrement que de réputation). L'ambiance est posée, rituelle, sanglante, quasiment shamanique. Une scène désormais peuplée d'ossements et noyée dans une lumière rouge sang, bleu nuit. Danielsson, en maître de cérémonie aux poses vindicatives, tient la salle par son charisme. À en croire la réputation des prestations du groupe, le son aurait dû être immonde, crade, sale : il n'en est rien ce soir là. Tout est au contraire limpide, idéal pour mettre en valeur des compositions terribles, violentes et sans concession. La découverte est ainsi transformée en excellente surprise, et Watain se révèle être une première partie qui n'en est pas une, donnant l'impression d'avoir la stature pour se tenir honorablement aux côtés de Mayhem, sans avoir à pâlir. Une seule envie au sortir de cette sombre entame : plonger dans la discographie du groupe.
Lors de l'
édition de l'année du Motocultor Festival,
Mayhem avait divisé : pour certains, une farce ; pour d'autres, une transe. J'avais vécu cette transe, entièrement fondée sur
De Mysterii Dom Sathanas, sans rien autour, ce qui expliquait et explique à nouveau l'impression de brièveté laissée par le set - le programme étant strictement identique ce soir. En entrée de jeu, ce sont les ultra-classiques "Funeral Fog" et "Freezing Moon" qui se retrouvent charcutés par un son de l'horreur, laissant tout juste surnager le solo de cette deuxième piste. On pourrait crier au scandale mais... le son s'équilibre, et l'ambiance quasi-drone laissée par cette entame aura suffit à jeter la partie réceptive du public dans le concert. Le reste est sans surprise. Les musiciens, tous sous capuches, à l'exception de Necrobutcher qui s'en sépare bien rapidement, sont quasi-statiques, ce qui participe à la fois de la blague et de la transe selon la sensibilité de chacun. Attila (quel charisme !) fait des merveilles au chant, encore que ce point soit discutable. Il est plus simple d'avouer qu'Attila fait du Attila et le fait bien. Il est seul à se mouvoir, bouge les mains avec une précision rituelle, hurle, porte un crâne à sa bouche pour rejouer Hamlet à sa sombre manière... Quelque chose de grand se déroule à nouveau sous nos yeux. Le concert passe, passe, passe, sans véritables moments d'éclats, mais c'est lorsqu'il se termine que l'on réalise la puissance et l'intensité de l'ensemble. On se retrouve, se regarde, et on aimerait que le black metal de Mayhem dure, encore et encore : il nous possède.
Qu'ajouter de plus sur cette soirée ? L'envie de faire vivre le black metal, l'envie d'en suivre la destinée, et de voir perdurer ces groupes fondateurs ainsi que de plus jeunes formations... Tout cela est dans nos têtes en cette fin de soirée sous la pleine lune de Rouen. - Ce concert aura été marquant.