Gojira

Entretien avec Joseph et Mario Duplantier (suite et fin) - le 12 octobre 2008

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Gazus

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Joe Le Hareng

Une interview de




Gojira_20081012

Vous aviez eu droit il y a deux semaines à la première interview issue du nouveau partenariat entre Les Éternels et Addict TV (cliquez ici pour lire la première partie). Je parle évidemment de celle de Gojira ! Voici enfin la seconde et dernière partie de cet entretien épique de près d'une heure ! Joe et Mario Duplantier, toujours aussi loquaces nous en disent ainsi plus sur le dernier album du groupe, le très réussi The Way Of All Flesh (chronique ici).




Itw Gojira Part 2



Gazus : On peut d'ailleurs noter la présence de Randy Blythe, le chanteur de Lamb Of God, sur le nouvel album, ce qui est plutôt exceptionnel de votre part, qui préférez travailler la plupart du temps en famille, notamment avec votre sœur et votre oncle qui réalise les clips.

Joseph : Ça fait un peu consanguin comment tu le présentes! (rires) Mais tu as raison... Souvent les gens nous demandent si nous avons cette volonté de rester en famille. En fait c'est plutôt par la force des choses : nous nous sommes retrouvé dans une région où il ne se passait pas grand chose au niveau culturel du coup on s'est toujours débrouillés comme on pouvait. Alors quand notre sœur s'est mise a la photo nous lui avons demandé de faire les nôtres parce que concrètement on n'avait que ça sous la main! Il se trouve qu'elle a développé son art et que nous avons beaucoup d'affinités avec son travail, une même approche au niveau de la sensibilité. Et un jour l'oncle de notre père s'est pointé en disant « voilà je suis réalisateur, on pourrait faire un clip ensemble », on n'a pas dit non. Ça s'est présenté un peu comme ça, nous n'étions pas sur Paris à rencontrer plein de monde, avec une émulation, on était plutôt ... à la campagne.

Mario : C'est vrai que nous avons bossé en famille aussi parce ce sont des gens doués. Honnêtement je ne pense pas que nous aurions bossé avec notre soeur juste pour lui faire plaisir c'est parce que vraiment elle arrive à transcender son art. De même pour notre cousine qui va jouer dans le clip de "Vacuity".

Gazus : C'est finalement "Vacuity" qui a été retenue pour le clip?

Mario : Normalement il y en aura plusieurs dont "Vacuity" où notre cousine actrice jouera, parce que l'on adore sa façon de jouer, elle est super douée, ça tombait bien.

PhotoGazus : Pour le coup ce reste vraiment dans la famille.

Joseph : Oui! (rires) Mais heureusement elle s'appelle pas Duplantier.

Mario : Mais bon on a fait quand même appel à des talents avant tout et il s'avère qu'ils sont dans notre famille. Il y a un lien entre nous, un fil conducteur entre nos états d'esprit grâce à une forme de pensée ou un esprit commun, nous sommes comblés quand on travaille avec eux... Pour revenir sur Randy Blythe, j'ai le sentiment, comme pour la pochette et pour tout ce qui s'est passé pour le groupe, que nous traversons aussi une phase un peu plus ouverte. Là ça ne nous dérangeait pas que Randy Blythe vienne enregistrer à la maison. On n'aurait peut-être pas fait ça il y a trois ans, faire venir quelqu'un des États-Unis ou qu'ils nous proposent de venir. On aurait été plus réticents, plus timides, limite sauvages. Mais avec les expériences de tournée nous avons appris à nous ouvrir, c'est une évolution progressive, au debout nous étions vraiment dans notre Univers, et je trouve que faire venir un invité, surtout des États-Unis, c'est symbolique.


Gazus : À part la voix féminine sur From Mars To Sirius, c'est le premier invité de l'histoire de Gojira?

Joseph : Oui, c'est ma copine Aurélie qui a chanté sur le dernier album.

Gazus : Joe, toi tu as participé ces dernières années à plusieurs projets, tu apparais sur un titre du dernier album de Klone, sur le dvd live de Manimal qui va sortir et aussi sur Cavalera Conspiracy. Mario, tu n'as pas de projet en dehors de Gojira. Avez-vous besoin d'exprimer autre chose que ce que vous pouvez exprimer au sein de Gojira?

Joseph : Ces apparitions sont plus liées à des rencontres qu'a un désir de faire autre chose. Le guest sur Manimal me tenait vraiment à cœur, parce que j'adore ce qu'ils font et qu'on se marre bien avec les gars surtout Ju qui est un personnage vraiment intéressant, avec son univers, un vrai feu d'artifice! Quand il m'a demandé de venir j'ai dit oui, surtout que ça ne m'a pas pris trop de temps, quelques répétitions et une session studio. Pour le Cavalera Conspiracy là c'est carrément un ovni qui nous est tombé dessus. Mais c'est quand même dans Gojira que je m'épanouis le plus artistiquement et je n'ai pas forcement besoin d'autre chose. Mais il y a la rencontre de personnes et des fois au cours d'une soirée c'est plus facile de demander à un chanteur de venir chanter qu'à un batteur de participer à un morceau... Ça se fait aussi plus remarquer parce qu'après on en parle lors des promos. Mais ça n'est pas quelque chose qui me prend trop de place.

Gazus : Ça donne aussi un coup de main...

Joseph : Oui, ça m'a fait plaisir de participer à des projets de groupes comme Manimal ou Klone, qui sont des gars qui s'investissent à fond, qui avancent. Après j'ai du refuser des propositions parce que ça devenait trop important et que j'avais besoin de me concentrer sur Gojira. Mais Cavalera Conspiracy je n'ai pas pu refuser! A l'origine c'est Jean-Michel, notre bassiste, qui était sollicité. Mais il n'a pas pu le faire pour des raisons personnelles... On lui a pourtant mis des coups de pieds au cul pour qu'il le fasse! (rires). Mais il a été ferme et s'est excusé auprès des frères Cavalera. Du coup moi j'ai dit que je pouvais le faire et ils ont accepté parce qu'il voulait collaborer avec Gojira, avec l'entité, car notre univers et notre message ont plu à Max (Cavalera). Moi je suis bassiste depuis longtemps, c'est un instrument que je prends facilement, depuis que je joue avec Mario, notamment pour enregistrer des demos. C'est un instrument que j'adore. Donc ça ne m'a pas posé de problème et encore une fois ça ne m'a pas pris trop de temps : une quinzaine de jours en studio pour composer et enregistrer. Ça a été très rapide, je n'avais jamais vécu auparavant quelque chose d'aussi spontané! Du coup ça m'a appris à bosser de façon plus spontanée, de lâcher prise, c'est une autre façon de travailler complètement différente. Nous, il nous faut un an pour composer un album, eux en 15 jours c'est réglé... C'est une approche différente. Ensuite ils m'ont proposé de faire la tournée et j'ai dit non tout de suite, priorité à Gojira, ils l'ont très bien compris, c'était prévu comme ça. J'ai quand même fait une date et un clip, puis fait un peu de promo. Après s’il y a un autre album on verra, je ne sais pas encore ce qu'ils ont prévu, je me tiens un peu à l'écart, je fais mon truc de mon côté.

Mario : Pour ma part, je trouve musicalement épanouissant de travailler avec Gojira, il y a beaucoup d'influences diverses, c'est assez contrasté. En tant que batteur je suis assez comblé avec Gojira, je n'ai pas forcement envie de chercher ailleurs... Si après on me demande de participer à un gros projet avec des gens importants peut-être que j'accepterais, parce que ça peut être gratifiant. Mais je trouve mon compte dans Gojira car j'aborde beaucoup de techniques différentes de batterie, j'ai mon son et c'est vraiment une musique que j'adore. J'ai plus envie de m'épanouir dans des arts parallèles, soit de la musique minimaliste ou de la photo, du dessin. C'est une autre manière de s'aérer et de se sentir complet.

Joseph : C'est ce que tu fais déjà, d'ailleurs.

Mario : Oui avec un petit projet qui s'appelle Alone And Tired. Je compose sur un synthé, c'est de la musique minimaliste, limite musique de chambre.

Gazus : Avec le fameux vocoder?

Mario : Oui, un clavier que j'avais amené au local et que l'on a un petit peu utilisé pour l'album. Au niveau batterie je trouve vraiment mon compte dans Gojira : j'ai une place énorme. Je peux balancer des influences afro, d'autres plus death metal. Je suis vraiment très épanoui et ça me prend beaucoup d'énergie de jouer dans ce groupe, je ne sais pas si j'en aurais assez pour m'investir dans un autre projet. Je préfère vraiment développer d'autres arts.

Gazus : Sur ce nouvel album vous abordez le thème du bouddhisme et lors de l'écoute hier j'ai eu l'impression d'entendre un mantra, des chants tibétains sur "The Art of Dying".

Joseph : Ah oui, c'est sur "The Way Of All Flesh", le dernier morceau.

Mario : Il y en a aussi sur "The Art of Dying", les voix tibétaines au début du morceau, sur l'intro. Ça c'est nous qui l'avons fait.

Joseph : C'est des chants de gorges, on s'est pas mal entraînés, c'est relaxant, c'est une technique vocale intéressante et pas si compliquée que ça.
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Gazus : Vous arrivez à faire des harmoniques?

Mario : Un petit peu...

Joseph : C'est musicalement intéressant et ça fait référence à une culture terrestre très riche, notamment au peuple tibétain qui est en train de se faire massacrer. Il y a pas mal de clins d’œil dans nos albums, tu parlais de la baleine tout à l'heure : ce n'est pas innocent d'avoir mis une baleine sur la couverture. Ce n'est pas étonnant que l'on dise que Gojira est un groupe écolo, finalement. On aime bien les références. Et les références au bouddhisme ne sont pas désagréables.

Mario : Après il y a aussi la recherche du son. Ce sont des sonorités qui nous parlent, qui font vibrer certaines zones du corps. Quand on fait ces voix-là, on sent qu'il se passe un truc qui fait vibrer le corps d'une certaine manière, ça a une charge émotionnelle très précise et c'est aussi ce que l'on a recherché.

Joseph : Avant tout.

Gazus : Le riff du titre d'ouverture m'a fait penser à celui de "Global Warming" comme si vous repreniez les choses là où s'arrêtait le précédent album et la fin du dernier morceau a ce côté assez hypnotique et un peu contemplatif que l'on retrouve dans "Ocean Planet". C'est conscient?

Joseph : C'est intéressant ce que tu dis!

Mario : Un petit peu en fait, je sais que l'on voulait démarrer l'album de façon mystique et qu'il y a rien de mieux pour ça que le tapping. Cette technique de guitare dégage un truc mystique... Enfin mystique dans le sens où on aimait que l'album commence et que l'auditeur se demande « mais qu'est ce qu'il se passe? », on aimait bien cette touche de suspense. Mais c'est peut-être inconscient le coup de la technique de guitare qui est la même que dans le dernier morceau de From Mars To Sirius. Nous voulions vraiment développer cette technique de guitare sur cet album alors il y a deux-trois morceaux où on utilise cette technique.

Joseph : Et il y a encore des riffs qui sont passés à la trappe, en réserve, avec encore plus de tapping! C'est une technique que l'on a bien aimé explorer à partir de From Mars To Sirius, mais je n'y avais pas pensé. C'est intéressant.

Gazus : J'ai dit quelque chose d'intéressant, je suis ravi!

Mario & Joseph : (rires)

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Gazus : Un sujet important : jusque là vous n'étiez pas intermittent du spectacle. Avant ça vous aviez toujours voulu vivre de votre musique, ce qui est difficile de nos jours. Des groupes comme Psykup doivent par exemple enchaîner différents boulots. Être musicien professionnel en France aujourd'hui c'est quelque chose d'assez difficile?

Joseph : Effectivement c'est assez difficile. Cela fait 3 ans que nous sommes intermittents du spectacle, depuis la sortie de From Mars To Sirius. C'est d'ailleurs un privilège d'être intermittent du spectacle et de pouvoir vivre de notre musique sans rien faire à coté. Mais c'est quand même difficile, nous sommes obligés de jouer beaucoup, de faire des compromis, on sait que ce statut c'est du luxe. En même temps nous ne roulons pas sur l'or... Il y a beaucoup de gens qui pensaient à la sortie de The Link que nous étions riches (rires) : « vous devez rouler en Porsche » (rires) alors que l'on était dans une situation financière catastrophique. Nous avons mis 10 ans à pouvoir en vivre. Avant ça nous étions au RMI, mais nous ne nous sommes jamais plaint, nous vivons dans un pays où quand on essaye de s'insérer on est pris en main. Quand on est au chômage aussi, d'ailleurs il y a beaucoup de polémique là-dessus en France, les chômeurs qui ont plus de privilèges que les personnes qui cherchent à travailler. Actuellement nous sommes dans la peau de ceux qui « se sont mis à travailler »... Même si cela fait 10 ans que nous travaillons, on commence juste à être considérés comme des travailleurs. Et encore intermittent c'est bien particulier. Bref on ne roule pas sur l'or mais on en vit, depuis 3 ans. Nous ne pouvons pas encore prétendre faire des économies, mais on arrive à être à 0 sur nos comptes respectifs!

Gazus : Pour pouvoir rembourser la production.

Joseph : Voilà. On met de notre poche énormément. Le merchandising par exemple, en général ça va dans la poche des groupes. Nous, nous le mettons dans les tournées, dans le développement à l'étranger. Mais on ne se plaint pas, ça serait malvenu de se plaindre. Ce n'est pas toujours évident mais on en vit.

PhotoGazus : Si jamais ça ne s'était pas fait, seriez vous allés jusqu'à tourner, à l'américaine, en vivant toute l'année dans un tour-bus pour pouvoir vivre de votre musique ?

Mario : C'est un peu ce que nous faisons en ce moment, on passe beaucoup de temps sur les routes. Moi je ne sais pas si je voudrais passer 12 mois de l'année sur les routes, surtout au niveau de l'hygiène et du côté psychologique. C'est génial, il y a une part de rêve, de découverte, de rencontres aussi, mais c'est quand même instable. Nous on tourne déjà énormément et on est déjà en train de penser à l'avenir, comment tourner un petit peu moins pour entre un peu plus chez nous, un peu plus stables... Je ne sais pas si je supporterai d'être tout le temps sur la route.

Joseph : C'est un peu ce qui se présente à nous en ce moment, la question se pose, on est dans un stade où une accélération se crée pour le groupe. Pour tenir la cadence, il faut que l'on joue énormément, on peut pas dire non à une opportunité qui se présente. Nous n'avons pas encore joué au Japon ou en Australie, on a eu l'occasion d'y aller mais le disque n'était pas encore dans les bacs, ce n'était pas stratégique, d'après les gens qui nous entourent et nous conseillent. Ça va se présenter à nouveau et on ne va pas dire non, donc ça va nous amener à enchaîner des dates, parfois avec seulement quelques jours de repos chez nous. On est complètement étalés et on repart. Des fois nous arrivons à un état d'aliénation et nous ne savons plus vraiment qui nous sommes. Ce n'est pas effrayant mais ce n'est pas anodin. En ce moment on pense à se poser un mois l'année prochaine pendant lequel on ne fait rien du tout. Mais même ça c'est compliqué.


Gazus : Vous êtes considérés comme les chefs de file du metal français à l'étranger. Même si vous refusez ce titre, Gojira est le nom qui ressort à l'étranger quand on parle de metal français. Au niveau stylistique vous êtes suivis par des groupes qui commencent à s'exporter, comme Scarve, Hacride ou Dagoba. Comment ressentez-vous cette position de chefs de file ?

Joseph : Que les gens pensent à Gojira quand on parle de metal français c'est normal car nous avons beaucoup tourné, notamment aux Etats-Unis, nous avons fait parler de nous et on a le « buzz » en ce moment. Mais je pense qu'il y a énormément de boulot, un travail acharné de notre part depuis 12 ans et ça c'est impossible que ça passe inaperçu. Je dirais que c'est la base pour réussir : faut travailler. Et c'est ce que nous avons fait. Après je pense que dire « ben oui, tu as raison, on est les chefs de file » ça serait bizarre. Je dirais que nous étions au bon endroit, au bon moment et avec le style qui coïncidait, ce n'est pas du tout un calcul de notre part. Le seul calcul que nous avons fait c'est de travailler : les compositions, l'interprétation - pour entre carré, le sens, le visuel, le live, les lumières, le son... Quand on se filme nous ne voyons que les défauts car nous sommes des malades de perfectionnisme donc je pense que ça paye au bout d'un moment! Malgré les problèmes matériels, les questionnements par rapport à notre emploi du temps ou notre vie en général nous arrivons à rester concentrés. Je pense que c'est ça qui fait l'essentiel du « pourquoi ça marche ». Après il y a quelque chose que l'on ne peut pas expliquer qui est de l'ordre du « au bon endroit au bon moment ».


Gazus : Une dernière question : avez-vous aimé le dernier Ultra Vomit?

Joseph : Oui.

Mario : Carrément.

Joseph : Je suis fan!


FIN


Transcription : Joe Le Hareng


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