Jour
1
:01 avril 2023
Affiche atypique pour les Yvelines que voilà ! En ce premier jour de la lune d’avril, dénué de tout sens de la farce, le Cryptic Fest entend proposer autre chose à l’une des populations les plus riches de France (matez vos cartes du revenu moyen par habitant) que les bonnes pâtisseries, la restauration et les beaux objets : le black metal. Heureuse initiative que l’on a envie de couronner de succès par la présence d’une délégation éternelle copieuse : deux personnes.
Decline of the I
S’agissant d’un fest, nous sommes abreuvés de plus que de la musique en ce samedi en fin d’après-midi. Le fest ouvre les hostilités musicales à 18h avec
DECLINE OF THE I (tout hommage à votre chroniqueur favori n’est pas fortuit paraît-il) alors que des ateliers bijouterie, tatouage et bien évidemment musique s’offrent à tous les (mini) festivaliers. Il est ainsi possible de s’enjoliver d’un tatouage rapidement entre deux groupes. Avis aux courageux ! Pour le reste, on apprécie la présence des stands, mais j’avoue ne pas avoir grand intérêt dans les arts annexes à la musique malheureusement. Le metal market quant à lui se focalise sur les groupes présents avec des vêtements, des CDs, des cassettes et des vinyles. Sympathique mais pas de quoi se vider les poches.
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Il est alors temps de se mettre en place pour s’éclater les tympans avec le groupe qui a l’honneur d’ouvrir les hostilités : Decline of the I. Les Parisiens jouent quasiment à domicile et le parterre est déjà bien garni, signe positif quant à la réponse du public à la proposition du fest. Si sur disque on ne peut pas affirmer que je sois particulièrement fan du quatuor parisien, le côté brut de décoffrage qu’ajoute la scène rend leur musique moins cérébrale, bien que la philosophie soit en permanence rappelée à notre bon souvenir par l’entremise des images, vidéos et citations qui défilent en arrière-plan. Le groupe enchaîne naturellement ses titres avec aisance, maniant les tempos avec cette alternance connue de mid tempo et de blasts, superbement efficace en live.
Un mot sur le son : en étant dans la fosse, la double grosse caisse est singulièrement proéminente, certes très physiologique, faisant vibrer votre être tout entier. Cette puissance se fait impressionnante, mais au détriment des guitares et du chant qui sont fatalement en retrait. Si vous ne connaissez pas bien les titres, notamment dans les parties les plus chargée en grosse caisse, il vous faudra simplement vous imprégner dans ce déferlement d’ondes.
Sur les musiciens en tant que tel, outre le fait que le chanteur a un air de Julien Doré (note de
Painy : et de
Nick Holmes jeune), je retiens la performance du batteur dont le jeu sans être techniquement révolutionnaire ou brillamment démonstratif fait montre d'une diversité magnifique. Il s’attèle à ne jamais reproduire deux fois le même pattern (ou autant que faire se peut, ça reste de la musique) et parvient régulièrement à produire des arrangements fort intéressants. Comme il n’oublie pas les blasts dévastateurs, le monde est heureux. A noter que le groupe a semble-t-il joué sur une bande-son pour tout ce qui est claviers, sons bizarroïdes et autres discours. Conséquence, il n’y a eu absolument aucun échange avec le public, les chansons s’enchaînant sans temps mort, ni regard. Un peu déstabilisant.
Asagraum
Une mise en bouche fort agréable qui a su amener les meilleurs augures sur cette date. Et un passage de main à ASAGRAUM qui fait monter la curiosité en moi, ne connaissant le groupe que de nom, et me souvenant vaguement qu’il est composé uniquement de membres féminins. Ce qui en soi ne présage rien musicalement, mais l’exception étant encore loin de devenir une règle(s) (… hum), cela reste tout à fait notable en 2023 dans le monde du metal, extrême qui plus est.
Autant vous le dire tout de suite, j’ai été déçu. Si musicalement ça tient la route pour peu qu’on apprécie un black metal simple et sans artifice, la prestation s’est révélée ennuyeuse par la faute d’un groupe purement statique. Pour tout vous dire, seule la batteuse se démenait derrière ses fûts, donnant l’impression étrange d’un groupe d’ados un peu parachutées sur scène, paralysées par la réalisation qu’il y a un public. Le fait que les guitaristes et bassiste se retournent entre chaque titre, prennent une pause de trente secondes, puis rebalancent la musique après avoir uniquement annoncé le titre n’a rien arrangé à ce gros problème de présence scénique et d’intérêt partagé entre le groupe et le public. S’il s’en sont trouvé qui ont pris leur pied durant le set de Asagraum, je n’en fais clairement pas partie. Pour tout vous dire, j’ai plus pris de plaisir en fermant les yeux, et donc ne faisant qu’écouter la musique.. |
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Du coup, pas grand-chose à relever sur ce concert ultra scolaire. A un moment, j’en suis même venu à me demander à quoi servait la bassiste au vu du nombre d’accords extrêmement faible qu’elle apportait, sans compter que sa position clairement sur le côté de la scène la rendait probablement invisible à tous ceux fixant leur attention sur la chanteuse guitariste. Qui malheureusement elle-même n’était pas des plus mouvantes. La deuxième guitariste, avec son port de la guitare très rapproché ce qui n’est pas sans rappeler
John Petrucci (ceci n’est pas un compliment), malheureusement ne bougeait pas non plus. Ont-elles été échaudées par les problèmes techniques qui les ont chagrinées en début de concert ? Peut-être. C’est à espérer en fait, car voilà une prestation qui me donnera pas envie de revenir.
...and Oceans
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Passons cette désillusion pour donner le relais à ...AND OCEANS. Le chanteur l’a dit lui-même, cela faisait vingt-deux ans, rien que ça, que les Finlandais n’étaient pas venus en France. Une attente interminable surprenante malgré la pause du groupe. Erreur réparée donc. D’emblée, on sent un groupe bien plus à son aise sur scène, et il faut dire qu’avec six solides gaillards à répartir sur une estrade pas gigantesque, on les croirait entassés. On reconnaît également facilement les membres ayant survécu aux derniers changements de personnel, puisque deux d’entre eux ont… un embonpoint notable et les cheveux certes longs, mais pas de première jeunesse. En soi, ça ne change pas la donne, mais il est toujours désarçonnant de voir des vieux de la vieille pratiquer une musique aussi rapide. |
Car décidément le …and Oceans version 2023 est une machine. Le batteur mérite à ce titre des éloges pour sa précision, sa vitesse suffocante et sa capacité à taper fort en toute circonstance. Pas forcément le style de jeu le plus agréable à écouter (d’autant plus que les problèmes de grosse caisse n’ont pas été résolus), mais il faut avouer que c’est physiquement fort impressionnant. Pour ce qui est du degré de kiff éprouvé, il a fallu passer un premier palier avant que je ne m’émeuve vraiment à lâcher les chevaux (ce que mon corps courbaturé le lendemain me rappelle à foison). Palier ayant pour nom leurs deux derniers albums. Fini le black metal foufou n’hésitant pas à se faire spatial, …and Oceans pratique désormais un black mélodique ultra blasté particulièrement inspiré par Dimmu Borgir qui ne sort absolument pas des sentiers battus. Alors sur scène, dans le contexte sonore d’une batterie écrasant les guitares, autant vous dire que je n’ai pas suivi grand-chose mais simplement headbangué poliment. |
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Sauf que voilà la quatrième chanson (la sixième en fait si je m’en tiens à la setlist que j’ai pu récupérer… des choses m’ont échappé) : le grand retour de
The Symmetry of I, the Circle of O ! Et là votre dévoué reconnaît enfin un titre, "Aquarium of Children - Ajatusten Merenpinta" ! Le tempo baisse, les claviers reprennent le devant de la scène, et tout à coup le déclic se fait, la magie du direct opère. Je commence à sérieusement prendre mon pied à partir de ce moment précis. Musicalement nous montons clairement d’un cran, d’autant plus que la sortie des blasts incessants libère l’espace sonore pour les autres instruments. Nous vivrons dans cet état de féérie noire jusqu’au bout du déferlement sonore, avec un instant de magie pure sur l’avant-dernier titre exhumé du très electro
A.M.G.O.D. : "Tears Have No Name". Découverte totale et il faut dire que ça rend de dingue en live. Six minutes de lâcher-prise brut sur une boucle électro absolument dantesque dans une fosse. Fabuleux.
Une prestation haut de gamme malgré une entame poussive grevée par le passage obligatoire à la case promotion. Mais une fois que le groupe s’est lancé, folie assurée. Après plusieurs années d’abstinence de concert pour diverses raisons, c’est purement ce genre de moments qui donnent la drogue pour se raccrocher aux wagons.
Seth
Difficile pour
SETH de conclure la soirée en roi triomphant après une telle victoire. Pourtant le groupe s’échine à mettre en place une atmosphère de messe noire impeccable avec un autel comportant crâne, gobelet rempli de sang, ustensiles et couteaux, lames et autres chaînes. La pochette du dernier album
La morsure (mort sûre ?) du Christ tapisse le
fond de scène : Notre-Dame en flammes dont la flèche s’effondre. J’avais un peu peur après divers retours concernant les Bordelais qu’ils fussent craignos sur scène. Fort heureusement, ce n’est pas le cas. Heimoth demeure là, parmi les deux derniers de l’ancien temps à tenir la baraque, et sa présence en impose. L’autre étant Alsvid, batteur que j’ai toujours apprécié sur disque et dont j’ai pu découvrir qu’il tenait la cadence sur scène. Moins impressionnant sur le plan de la rapidité pure que celui de …and Oceans toutefois.
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Pour le reste, Saint Vincent apporte une présence occulte sur scène, tout drapé de linceuls noirs ornés de chaînes brisées attachées à ses poignets. L’effet est réussi, d’autant que contrairement aux habitudes du t-shirt metal, les deux guitaristes s’affichent plaisamment en chemise (couleur bordeaux pour la petite histoire du côté de Heimoth). Alors certes, j’avoue ne pas être fan du chant de Saint Vincent, en manque de puissance pour la scène, et globalement si son apparat est bon, il ne dégage pas forcément le charisme qu’on attend d’un vocaliste qui se présente de cette manière en maître de cérémonie noire. Il a cependant la courtoisie de s’adresser à nous public lors d’incartades brèves mais étonnamment plaisantes, et pas systématiquement dénuées d’humour. Le seul finalement au cours de ce fest à s’essayer à l’exercice.
Les titres vont défiler pour le bonheur des fans présents. Personnellement, encore remué par le choc des cinq – six derniers titres de …and Oceans, je ne rentrerai jamais vraiment dans leur performance, d’autant que le retour des blasts très présents accompagnés de ce satané son de grosse caisse me gêneront tout autant qu’en début de soirée.
Et surtout, aucun titre de leur meilleur album à mes oreilles, j’ai nommé
L’excellence. En fait, seuls deux de leurs sorties auront les honneurs d’une apparition dans ce concert, à savoir deux titres de
Les blessures de l’âme (un favori du public, repris entièrement pour la sortie d’un concert en 2019) et la quasi-totalité du dernier venu,
La morsure du Christ dont seul un titre n’aura pas été joué au final. Choix étrange que de zapper totalement leur «
entre-carrière » comme si le retour aux sources opéré sur leur dernière livraison devait effacer tout ce qu’ils ont pu faire entre-temps. Un temps autrement plus osé en terme d’expérimentations qui mérite justice sur scène, dommage. Et Seth n’aura pu totalement me convaincre pour ces causes multiples.
En conclusion, une première édition d’un fest dans l’ouest parisien qui donne à espérer une deuxième édition. Déjà parce que les concerts en dehors de Paris centre, c’est bien. Mais en plus quand on arrive à réunir autant de personnes (autour de quatre-cents personnes à vue de nez), c’est top ! L’orga a tenu son programme à la minute près (jugez plutôt, lorsque Seth a débuté son show, il était 22h31 à ma montre pour un passage annoncé à 22h30) et a réussi à faire venir un nombre conséquent de fans de black metal dans une ville qu'on ne penserait pas de prime abord susceptible d’héberger des gens aussi déviants sur le plan vestimentaro-capillaire. Merci La Clef et à l’année prochaine on l’espère !
Lire le report :