Dans la foulée de Vanishing Point et de Pegazus, les Australiens de Black Majesty viennent mettre leur grain de sable dans la scène essentiellement européenne du heavy-speed. Leur premier opus Sands Of Time avait déjà en son temps marqué les esprits, notamment par le talent des guitaristes Hanny Mohamed et Stevie Janevski. Deux ans plus tard, Black Majesty confirme ses atouts et parvient à délivrer de bonnes choses, même si on ne peut pas vraiment parler de révélation. Les influences du passé sont encore très présentes et empêchent le groupe d'affirmer un style original, ce qui est discriminatoire dans le style en question. Néanmoins, des efforts de composition fort louables laissent entrevoir, en plus du talent des gratteux, un certain potentiel. Ce n'est pas forcément évident sur chacun des neuf titres qui composent ce Silent Company, aussi faut-il passer outre l'image - un peu méritée, convenons-en - de clone de Black Majesty.
Un son assez énorme accueille l'auditeur sur "Dragon Reborn", où guitares, claviers et double grosse caisse se la donnent comme au bon vieux temps, et ça part sur les chapeaux de roue. Idéal pour se plonger dans l'ambiance. La structure décousue des morceaux, dans l'ensemble plutôt longs, nous implique dans l'écoute, et c'est tout à leur honneur. Mais, si ça assure instrumentalement, les lignes vocales sont plus irrégulières, tantôt classiques et prévisibles mais bonnes, tantôt plus recherchées mais un peu capillo-tractées; d'où parfois l'impression que le chant devient dissonnant. Il n'en est pourtant rien, John Cavaliere réunissant les qualités nécessaires: une voix puissante, plutôt claire, capable de monter dans les aigus sans trop en abuser. Cet opener agressif, ponctué d'un mini-break, remplit bien son office. "Silent Company", ensuite, développe clairement le côté mélodique et catchy. Seulement, premier reproche, qui s'étendra en réalité à l'ensemble de la galette, le jeu du batteur Pavel Konvalinka s'avère trop linéaire. Très peu de risques sont pris, la mécanique double grosse caisse arpente de façon régulière les mêmes possibilités et alourdit une musique qu'il s'agit au contraire de rendre sexy et non clinique. Dommage.
Cela ne s'applique évidemment pas à la reprise du "Six Ribbons" de John English, une plaisante petite power-ballade médiévale aux forts accents celtiques. La guitare acoustique et la voix féminine sont utilisées à bon escient; et John Cavaliere démontre par ailleurs de bonnes aptitudes en chant posé, rappellant dans ce registre Roy S. Khan de Kamelot. "Darkened Room", de son côté, donne dans le easy mid-tempo, presque pop. La rythmique hachée et la mélodie vocale des couplets y sont des plus sympathiques, en plus d'un solo de guitare tonitruant. Hormis ces deux titres, c'est un metal agressif et rapide qui est servi, ce qui n'aurait pas été dérangeant si le martèlement des toms de Konvalinka s'était fait de manière un peu plus subtile. Certes, nul n'est tenu de s'appeller Mike Portnoy pour tenir une batterie, mais cela fait partie des moyens de différenciation que les groupes de speed en général feraient bien d'étudier. "Visionary" et "Never Surrender", en fin de disque, prennent du coup une teneur lourdingue, limite désagréable, surtout avec l'appui de choeurs ultra-convenus. Reste de bons soli, comme d'habitude. Mais ils ne sauvent pas grand chose...
Les comparaisons avec Dragonforce ne sont donc pas illégitimes, mais le concept est tout de même différent. En revanche, on peut penser de temps en temps à Six Magics, voire à Symphony X dans ses jours heavy ("New Horizons"). Le titre épique qui conclut bien, "A Better Way To Die", fait la part belle aux montées en puissance instrumentales, plus chiadées pour l'occasion, sans dépareiller pour autant avec l'esprit des quarante minutes de speed qui le précèdent. Quelques screamings assez énervants sont à déplorer, mais dans l'ensemble c'est assez réussi. Voilà au final un groupe qui a des biscuits pour lui, mais à qui il manque sans doute un petit quelque chose pour faire la différence. Ce Silent Company nous en montre à la fois le meilleur et le plus insignifiant. Reste à voir comment l'affaire va évoluer.