Bigre que l’histoire de ce groupe semble compliquée, tant dans la composition du line-up que dans les styles musicaux. Des quatre membres fondateurs de 1998, il n’en reste qu’un, le batteur. Se cherchant musicalement, apparemment, après plusieurs démos et un album studio en 2002, le groupe se disloqua en 2003, avant de renaître en 2006 en tant que side project studio (pas de scène…) d’un autre groupe, The Red Chord, oeuvrant quant à lui dans le death-grind. Cependant, pas de grinderies ici, mais un mélange inattendu de rock stoner US avec du melodeath. Vous vous êtes toujours demandé lors de vos soirées arrosées ce que donnerait votre groupe de rock préféré si le chanteur growlait ? Je pense que vous pouvez trouver un élément de réponse chez le Beyond The Sixth Seal version 2006.
Amis melodeatheux de tout poil, viendez découvrir ce souffle différent de votre genre de prédilection. Si tant est, bien entendu, que vous puissiez vous passer de blasts et de lourds riffs.
Amis rockeux, stonereux de tout poil, viendez découvrir ce souffle marginal de votre genre de prédilection. Si tant est, bien entendu, que vous puissiez vous accommoder d’un growl bien gras et profond.
Amis j’aime-pas-qu’on-change-mes-habitudes-eux de tout poil, ne viendez pas découvrir car vous ne pourrez que vous confronter à un style qui vous donnera des cas de conscience teintés de frustration issue d’une association de genre inhabituelle.
Hé bien, je crois que Beyond The Sixth Seal vient soit d’inventer le metal auto-reverse, soit la re-définition de l’expression « avoir le cul entre deux chaises ». À ceci près que les deux chaises en question peuvent être confortables, et passé le cap de la surprise, allouer plus de place à votre séant, ou vous permettre de vous vautrer un verre d’alcool à la main et un bon casque sur les portugaises.
Imaginez-vous chinant dans les bacs à CD du rayon metal extrème de votre magasin habituel et découvrant la pochette kitsch de The Resurrection Of Everything Tough (l’image du loup et les couleurs franches). Cela vous conduira à penser qu’il s’agit d’un groupe de heavy-thrash parodiant les 70/80’s, et que votre disquaire farceur préféré l’aura glissé entre le dernier Behemoth (qui n’a rien à voir si ce n’est que d’une, je viens de le chroniquer, de deux il arrive avant dans le classement alphabétique) et Bloodbath aux pochettes si colorées de papillons multicolores. Point d’erreur, cela voudra juste dire que votre dealer favori aura jeté préalablement une oreille sur le CD, et qu’il aura résolu la fameuse (fâcheuse ?) équation à aucune inconnue : growl = extrême. Et ce n’est pas faux en définitive, car le growl est vraiment gras, et entre tout droit dans la catégorie death metal, variante caverneux, et qu’il est diablement efficace.
Mais où sont donc passés les blast beats frénétiques souvent indissociables d’une telle voix* ? Ne perdez pas votre temps à les chercher, il n’y en a pas. À leur place vous trouverez des riffs rock/stoner qui vous replongeront dans le rock US, les guitares étant accordées sur un son loin du death metal. Et on se prend à vouloir taper du pied dès l’entame de "Nothing To Prove", puis sur "My Terrifying Ally", même quand le growl vomit ses paroles. Enfin, si ça vous donne envie de taper du pied plutôt qu’headbanguer, c’est bon signe, c’est que la mayonnaise est en train de durcir. Sauf que vous avez aussi envie d’headbanguer tout en tapant du pied, et c’est normal aussi, mais cela pourra provoquer une perte d’équilibre ridicule trahissant votre degré d’alcoolémie.
Bon, le tableau dressé n’est pas si idyllique que cela, l’album ayant tout de même un « ventre mou » moins intéressant, bien que pas désagréable à écouter. Certains des titres médians s’enchaînent sur la même recette (growl sur riffs stoner répétitifs et mélodies faciles – "Stricken"…), parfois avec bonheur, parfois avec répétition, sans grosse différenciation entre eux. Cela reste cependant solide et de bonne qualité bien que sans étincelle, et l’album aurait gagné en qualité en se dispensant de ces deux ou trois compositions qui n’amènent rien de plus. Heureusement, cela s’améliore fortement à partir de "Yawning Of The Gale", qui se pose en une sorte d’introduction rocky ralentie de The Cure version "A Forest" avec Robert Smith atteint de coqueluche et dont les cordes vocales auraient brûlé. Entourée de "Forward Thinking" et "Everything Tough", le passage constitue l’attraction de l’album, et on se prendrait à avoir envie que cette inspiration devienne le futur credo du combo.
Agréablement surprenant serait une bonne définition de cet album, si tant est que l’on ait un minimum de goûts hors metal en plus de l’extrème. En fait, c’est un peu comme lorsque l’on est habitué à fumer des cigarettes génériques et qu’une fois en passant on en fume une roulée à l’Amsterdammer : on a un plaisir olfactif apaisant et suave, on n’est pas agressé et on calme son envie de nicotine dans une douceur relative. Mais on n’a pas envie forcément que cela devienne une habitude, juste un plaisir en catimini. C’est un peu ce que nous propose Beyond the Sixth Seal avec cet album, parfois brillamment, parfois moins. Ne vous fiez pas tant que cela à la note effective, car en fonction de votre background musical et de votre humeur instantanée, vous aurez envie de lui mettre tantôt 12, tantôt 16. J’ai donc opté pour un juste milieu mathématique, mais très justifié dans l’absolu.
* Et non, pas là, bande de petits malins…