« Le froid et le silence. Les cendres du monde défunt emportées çà et là dans le vide sur les vents froids et profanes. Emportées au loin et dispersées et emportées encore plus loin. Toute chose coupée de son fondement. Sans support dans l'air chargé de cendres. Soutenue par un souffle, tremblante et brève. Si seulement mon cœur était de pierre. » (La Route - Cormac McCarthy)
Inutile de parler ou de préciser l'état des choses. Émettre des sons n'a plus de sens maintenant que plus personne n'est là pour les entendre. L'arbre qui tombe dans la forêt fait-il du bruit si personne n'est là pour l'écouter ? Figures In Slow Motion évacue la question : il n'existe plus d'âmes, il n'existe plus de forêts... En lieu et place d'arbres qui prendraient aujourd'hui la place de divinités étranges et réconfortantes, il ne subsiste rien d'autre qu'un gris peint et étalé sur la toile. En quelques endroits, un semblant de lumière blanche : gloire solaire ou amorce d'un tunnel sans espoir ?
Orghanon compose Figures In Slow Motion par touches subtiles, par recouvrement et par juxtaposition judicieuse. Fluidité des ambiances électroniques, qui se meuvent avec l'étrangeté des nuages... Parfois, des formes et des couleurs semblent apparaître. D'autres fois, le tableau est trop vague et trop diffus... le regard se perd dans le vide jusqu'à ce qu'une forme nouvelle parvienne à nous accrocher de nouveau. Le reste du temps, les souvenirs d'un monde vivant remontent à la surface et emplissent l'espace d'une indicible nostalgie...
« Il sortit dans la lumière grise et s'arrêta et il vit l'espace d'un bref instant l'absolue vérité du monde. Le froid tournoyant sans répit autour de la terre intestat. L'implacable obscurité. Les chiens aveugles du soleil dans leur course. L'accablant vide noir de l'univers. Et quelque part, deux animaux traqués tremblant comme des renards dans leur refuge. Du temps en sursis et en monde en sursis et des yeux en sursis pour le pleurer. » (idem)