« On est les chauve-souris qui ont le cancer ! Ça va être mauvais cul ! » Voici, en somme, le premier contact que j’eus avec Cancer Bats. C'était lors d'un Hellfest il y a quelques années, et je dois dire que leur prestation d'alors m'avait assez nettement marqué. Morceaux taillés pour le live, sens évident du tube punk hardcore bien heavy ("Sleep this Away", "Hail Destroyer" et j'en passe), attitude résolument fun et bienveillante envers le public, bref, ce fut une belle claque. Depuis cette date, et en bon fan de punk hardcore que je suis, j'ai suivi la carrière des Canadiens avec une certaine attention. C'est donc avec un réel plaisir que je vous livre aujourd'hui une courte analyse de leur dernier bébé en date, Searching For Zero, qui est déjà leur quatrième LP. Mauvais cul ou pas cet album, les potes ?
D'entrée, il semble important de noter que le fait d'être un groupe installé et reconnu par ses pairs (11 ans de carrière tout de même) permet de se payer des légendes comme Ross Robinson à la production. Oui oui, le mec qui a, entre autres, produit divers albums de Korn, Deftones, At The Drive-In, Machine Head, Sepultura, Limp Bizkit, Slipknot, Glassjaw, Fear Factory, Norma Jean, et même des mecs de chez nous (MOPA en l'occurrence). Vous mesurez la pointure du monsieur ou pas ? Bref, une fois qu'on a dit ça, on a en somme dit que le boulot sur le son est impeccable : gros et gras à souhait, avec un mix équilibré permettant à Liam Cormier de bien hurler de son timbre aigu-arraché assez particulier sans pouitr autant prendre toute la place, et lui permettre également de s'essayer au chant clair-crié, avec une certaine réussite ("Beelzebub"). Ça, c'est pour le son. Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil (eh, on parle de punk hardcore les potes!), Cancer Bats est toujours et plus que jamais en maîtrise de son style, à cheval entre punk hardcore classique ("Satellites", "Devil's Blood", "All Hail" dans une veine plus bourrine) et feeling nettement plus heavy, convoquant des références plus proches de Black Sabbath ou Saint Vitus que de Minor Threat ou Black Flags. On le retrouve nettement sur des pistes comme "Beelzebub", "Cursed With A Conscience", et c'est encore plus flagrant sur un "Buds" qui s'avère carrément heavy rock voir hard rock old-school. En gros, Cancer Bats mélange depuis ses débuts 50 à 60% de pur punk hardcore, nerveux et basique, avec des séquences résolument plus heavy, lentes et groovy, et ne semble guère avoir envie de dévier de cette formule.
Et si tout ça n'a pas grand chose de transcendant, la musique du combo canadien est par contre toujours aussi efficace, impensable de le nier, et on imagine déjà les dégâts que ces nouveaux morceaux risquent de provoquer en live, l'excellente "True Zero" en tête. Ayant toujours eu une petite préférence personnelle pour leur feeling heavy ("Sleep This Away" demeurant mon morceau préféré des bougres de Toronto), c'est un véritable plaisir de voir qu'ils ne l'ont pas abandonné. Après, il convient de mesure garder, Cancer Bats n'étant a priori pas le genre de combo dont les opus tourneront en mode repeat sur votre platine pendant des semaines. L'ensemble se veut simple, direct et taillé pour le live. Les riffs possèdent toujours cette patine old-school, aussi rassurante pour l'auditeur que déjà entendue, et si un morceau comme « Dusted » parvient à tirer son épingle du jeu par des ambiances heavy plus marquées, dans l'ensemble on est en terrain connu, archi-connu, cuit et recuit. Mais au-delà de ce léger sentiment de redite bien connu des fans de punk hardcore (et de bien des métalleux, soyons honnêtes), on passe quand même son écoute à headbanguer, un léger sourire aux lèvres, et comme le langage du corps trompe rarement le mélomane, c'est bien que le plaisir est là. Il serait idiot d'attendre de ce groupe le même genre d'expérimentations, de cassures ou de prises de risques que celles que l'on retrouve chez pas mal d'artistes de la scène punk hardcore moderne au sens large, notamment sur des labels comme Deathwish ou Throatruiner par exemple, nettement plus habitués aux circonvolutions autour d'une base stylistique commune. Non, chez Cancer Bats, on est dans l'efficience, le pur plaisir (l'excellent et fédérateur closer "No More Bullshit") et tant pis si l'ensemble est bien moins marquant sur album qu'en live où, encore une fois, ce groupe prend tout son sens et toute son ampleur.
En conclusion, une sortie digne des standards de Cancer Bats, Hail Destroyer et Bears, Mayors, Scraps and Bones en tête. Aucune velléité d'évolution stylistique à l'horizon, un amour certain pour le genre pratiqué et des compos qu'il me tarde déjà d'entendre en live, bref une réussite de plus pour ce groupe éminemment sympathique. Ça pourrait sembler un peu léger à certains et il est bien évident que si vous n'êtes pas un zélote du punk harcore, vous n'y verrez qu'un amas de riffs basiques joués par des mecs nerveux de plus. Mais vous bougerez la tête, je vous le dis. Et si un jour vous tombez dessus en concert, vous prendrez votre grosse sanction et vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenus. A bon entendeur !