Retrouvons-nous aux confins du monde oriental, au pays du Soleil Levant. C’est là-bas que nous attendent les Nippons de Sailing Before The Wind. Alors, contrairement à ce que leur origine pourrait laisser présager, ils ne pratiquent en aucun cas du visual kei, ce style local tellement à la mode, mais un style un peu plus brutal, qu’on appelle communément de nos jours du metalcore progressif. Sans aucun doute, leur dernier EP Judgement a sans doute dû passer au travers de vos mailles – contrairement aux baleines avec ceux des pêcheurs japonais – mais cette chronique est une tentative de rattraper cette faille impardonnable du mieux que possible.
Tout d’abord, vingt-et-une minutes c’est très peu pour se faire une idée de quoi que ça soit. Enfin, tout dépend de quoi on parle, mais quand il s’agit d’un groupe, on peut appuyer cette thèse et la valider. On va donc tenter de se raccrocher aux plus de détails possibles. Loin de moi l’idée de vous décourager, la minute d’introduction ''Lawbreaker'' se chargera très bien de le faire. Pour un Judgement-express, il fallait un verdict-éclair et c’est ce dont va se charger Sailing Before The Wind à l’aide de son ambiance pluvieuse et orageuse, rappelant les plus beaux jours de décembre à Dunkerque. Au bout de trente secondes et après une petite balade à la guitare sèche, tous les instruments se font entendre simultanément à la manière d’un break. Et la première chose qui frappe nettement, c’est le son de la basse qui va donner toute l’énergie et la vigueur nécessaire à cet EP. La deuxième chose entrevue dès l’ouverture, c’est aussi le jeu de balance droite-gauche, à la fois perturbant et jouissif, annonciateur de la suite des évènements.
En tant qu’habitants de l’Archipel, il n’est pas surprenant de voir ''Stargazer'' comme titre de leur deuxième chanson. Pour ceux qui ont des lacunes au niveau aquatique, le Stargazer (ou Uranoscopidae) est un poisson, avec une gueule pas forcément agréable à regarder. La compo décrit le parcours migratoire de l’électrique et venimeuse bestiole enfouie dans les profondeurs océaniques. ''Aureola'' nous gratifie aussi d’un climat particulier en introduction. Alarme retentissante, puis séance de mitrailles en règle. Une référence à Pearl Harbor ? Il est permis d’avoir des doutes, car c’est la chanson la plus mélodique de l’album, même si le jeu du batteur pourrait plutôt être qualifié de hardcore (2’23). C’est un peu du hardcore mélodique avec des touches de progressif. Arrive la bombe, la tuerie de cet EP ''Distance''. Pourquoi ? Tout simplement à cause de ses riffs ultra-rythmés, syncopés et tranchants à couper au couteau. La chanson arrive parfaitement à allier breakdowns dévastateurs (2’20 et 4’05), break planant (2’50) et solo mélodique (3’03). Le tout combiné avec une basse on ne peut plus présente : cela donne une sacrée boule d’énergie dont il faut profiter. La longueur des chansons montant crescendo tout au long de Judgement, on se retrouve donc avec une dernière chanson à 5’28. ''Futurist'' rappelle quant à lui des mélodies et influences clairement venues d’At The Gates époque Slaughter Of The Soul.
Néanmoins, et ce n’est pas un point négligeable, il existe un gros point négatif de l’album : la voix du chanteur. Plus que banale et n’apporte aucune plus-value et a même tendance à dévaloriser certains passages. On dirait presque que la voix n’a pas été mixée avec le reste tant elle déteint par rapport au reste. Pourtant les gars ont fait des efforts puisque Kneeya alterne entre chant aigu et chant grave, mais ce n’est pas suffisant. Il manque clairement de la qualité, et on n’arrive difficilement à se concentrer sur ce qu’il baragouine, même si ce dernier s’exprime en anglais et non en japonais. Sailing Before The Wind n’en est pourtant pas à son premier coup d’essai. En 2012, sortait également le très court album split Ray Of Light, en collaboration avec Goodbye Nevaeh, qui est difficilement consultable et qui ne permet donc pas de tenir la comparaison. SBTW est aujourd’hui dans une situation délicate, puisqu’actuellement, il ne reste plus que le bassiste et fondateur du groupe Bitoku (non, aucun jeu de mots n’est autorisé). Tous les autres ont déserté, ce qui ne permet pas forcément de travailler à l’échafaudage d’un nouvel album dans de bonnes conditions. Seules les périodes de live permettent une recomposition momentanée.
Toutes les chansons se valent dans ce Judgement, hormis la véritable tuerie qu’est ce ''Distance'', et qui représente à merveille l’amalgame entre puissance et mélodie que sait amener SBTW. Mais du coup, avec un peu de recul, on se demande pourquoi les types n’ont pas réussi à reproduire le même type de composition durant tout le disque. Rien de bien alarmant bien sûr, puisque les EPs sont un peu des « tests » avant la production grandeur nature. Toujours est-il qu’avant d’envisager un potentiel album, il faudrait pouvoir trouver des musiciens qui constitueraient une structure solide pour l’avenir, ce qui serait une qualité non-négligeable afin de pouvoir mettre les voiles sous le vent.