CHRONIQUE PAR ...
Droom
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Josh Scogin
(chant+guitare)
-Michael McClellan
(batterie)
TRACKLIST
1) R
2) E
3) G
4) R
5) E
6) T
7) N
8) O
9) T
10) .
DISCOGRAPHIE
'68 -
In Humor and Sadness
Certains mélanges sont louches par nature, c'est comme ça. Une endive au jambon par exemple, je ne sais pas, je trouve que ça a quelque chose de malsain. Mais j'aime bien, hein. Ne me faîtes pas mentir. Crème dessert aux deux chocolats ? Pourquoi deux ? Un seul ne suffisait pas ? Je ne vous parle même pas de sucré-salé. Bref. Il existe des mélanges pas évident, mais qui pourtant explosent sa race. In Humor and Sadness, c'est un peu ça aussi : « ce n'est pas évident comme vu de loin, mais ça explose sa grosse race ».
Je passe rapidement sur l'historique. La tête du projet, Josh Scogin, ex-The Charriot, un groupe dont on sait qu'il est bon et un peu foufou, est au fondement de '68, un groupe dont vous apprendrez également qu'il est bon et un peu foufou. Une mue expresse en quelque sorte. La musique chaotique de The Charriot laisse désormais place à un pot-au-feu d'influences diverses et étonnantes : Nirvana, pour l'attitude ; Eyehategod, pour le « carpe diem » consistant à s'en mettre plein la tronche puisque demain on sera mort défoncé ; Dillinger Escape Plan, pour célébrer l'aspect noise et grand bazar de l'ensemble ; enfin, Metallica qui aurait continué dans la veine de Saint Anger, pour le son parfois crasse et brutal - in your face. Un line-up tellement de rêve qu'on a envie de faire sur nous.
Derrière cette pochette rose bonbon plutôt mignonne, se cache en effet un monstre d'énergie. De la musique comme on aime pour se battre à la sortie des bars. Mais attention : le tout dans un esprit très, très rock garage. Ce pourrait être le groupe de l'ado de votre voisin. Il a 17 ans, trop de râteaux au compteur, trop de mauvaises notes, et est trop intelligent pour accepter le sort qui l'attend par la suite. Résultat : il déverse ses tripes - jusqu'à la bile - sur des riff qui cognent comme un mur à 50 km/h. La rage adulescente à l'état brute. La musique comme exutoire et bras vengeur d'une génération qui ne sait plus pourquoi se battre et qui, en conséquence, se bat contre elle-même.
Outre ce parti pris de base d'une violence cathartique absolument dingue - merci à la voix écorchée en permanence et qui semble sans limites - , '68 assure grâce à des compos variées et menées tambour battant. "06. T" s'affranchit de toute notion de musicalité sur sa première moitié (une simple architecture de cris, de larsens et de frappes obliques suffit à faire tenir l'édifice) pour, sur la fin, sortir la mélodie dans son grand manteau de plumes, entourée de cordes grandioses et cinématographiques. "01. R" frappe sans détour là où "07. N" récite une rage toute mélancolique, piano et douceur à l'appui. Un écart permanent entre pop-rock et son versant dégueulasse et sale. Touchant grand écart, qui atteste de la sincérité de ce groupe-exutoire jusqu'au bout, où pas une piste n'est finalement semblable à une autre, si ce n'est par la puissance véhiculée.
De l'énergie à revendre, de la crasse, de la maîtrise. In Humor and Sadness nous offre tout ça. Un Nirvana sous acide. Un groupe de béton et de fluides, dont les prestations live doivent être au-dessus de tout. In Humor and Sadness, c'est ce disque simple et noisy qui te chope la tronche pire qu'une cuite, à écouter ces jours où rien ne va. A défaut d'arranger les choses, il bottera les milliers de postérieurs que vous voudrez bien imaginer. Le vôtre en premier.