Boaaaaah ! Hannnn ! Ah ouaiiiiis ! ...Bon c'est vraiment pas d'une éloquence redoutable pour ouvrir une chro (mouah ah) j'en conviens, mais je viens de me rendre compte que ce groupe, et l'écoute de ce Couteaux Et Cloches, m'avaient ramené presque 15 ans en arrière, et mon dieu que le voyage fut bon et ébouriffant : ébonriffant en somme. N'y allons pas par quatre chemins, Sna-Fu Grand Ensemble Orchestre, avant cet opus je ne connaissais pas trop, et depuis cet opus je suis fan. Rendez-vous compte, on dirait que At The Drive In époque Relationship Of Command (plus ou moins un des tous meilleurs albums de rock pété de tous les temps) aurait fauté avec Refused (groupe indépassable) et qu'ils auraient enfanté un p'tit bébé ! Et ce bébé, ce serait ça.
Après, il convient de ne pas non plus trop s'enflammer. Car il est un malheur qui frappe cet album au demeurant génial. Ce malheur, c'est qu'il donne presque tout ce qu'il a dès le départ, pour s'essouffler un peu par la suite. Non pas que les dernières compos soient nulles, loin de là, mais quand on vient de se prendre les six ou sept premières qui sont juste des sommets de joie dans la calebasse, on éprouve un certain mal à s'en remettre et le reste de l'album passe de manière un poil plus anecdotique. Mais quels débuts mes ami(e)s, quel-foutu-début. On l'a dit, la sauce relevée concoctée par les franciliens sent fort le ATDI grande époque, ce qui revient à dire que Sna-Fu pratique un hardcore'n'roll-bien-barré-et-enlevé-mais-pas-que ("I Hate Berlin", nettement plus FM-isable), et pour faire les choses bien dans ce genre assez casse-margoulette, cela suppose le respect d'un cahier des charges contenant plusieurs choses. D'abord, des riffs de fou-furieux mais restant assez simples pour accrocher l'auditeur : mission méga accomplie avec des tueries comme "You Don't Like This Song", "Thats All I Got" (quel refrain ! ATDI n'aurait pas détesté d'écrire celui-ci, garanti), ou l'opener/burner qui donne envie de sauter partout, le bien nommé "Furious & Fast". Les riffs giclent, apportent de la mélodie, du groove, en reprenant ces saccades typiques de ATDI et de Refused, mêlées à des leads, entêtantes et jamais trop alambiquées. Ensuite, du chant pété de partout, haut perché et hyper énergique : il en fallait, et l'objectif de la mission est encore une fois pulvérisé dans la stratosphère.
Cela tient à la performance majuscule de Clément, frontman au style certes assez monocorde dès qu'il pousse un peu (comme Bixler de ATDI ou Lyxzen de Refused hein) mais aux lignes de chant superbement bien placées et exécutées (le délire total sur "I'll Give You Money", et au contraire plus de retenue et d'émotion sur "I Hate Berlin"), à la capacité assez dingo à tenir la note. Et le tout dégage une telle énergie qu'on se demande si le gars n'est pas, par hasard, monté sur des échasses elles-même montées sur ressorts eux-même alimentées sur piles nucléaires. Bref ce gars vous filera la patate quoi qu'il advienne, et c'est cool. Enfin, le troisième et dernier pré-requis est d'avoir ce petit « truc en plus », qui fait qu'on est pas en face d'un groupe de rock normal, c'est trop violent, mais pas encore non plus face à un truc qu'on pourrait qualifier de hardcore, même mélodique, ou de métal. Ce petit je ne sais quoi qui tient aux leads un peu barrées tout en restant bien rock'n'roll et carrées (typiquement un morceaux comme "Gangs"), aux lignes de chant qui pètent de partout tout en restant à peu près dans les clous. Le résultat est un constant numéro d'équilibriste un peu schizophrène entre efficacité et folie. Et dans ce périlleux exercice, Sna-Fu s'en sort merveilleusement, du moins sur la première grosse moitié de l'album. Car une fois passé le superbe "Gangs"et son feeling complètement rock'n'roll voire hard-rock de stade sur les couplets et beaucoup plus punk-hardcore sur le reste (un peu la classique mixture maison de Sna-Fu finalement, écoutez donc "Serial Death Lane"), le soufflé retombe un peu.
Non pas que le reste soit naze hein, oulah non, mais comme évoqué plus haut, une fois qu'on s'est pris le début de la tornade dans la face, la traîne de tempête est vraiment plus inoffensive, comme si on était un peu vaccinés face à ce giga déluge de décibels et d'énergie pourtant hautement contagieuse (encore une fois, cet album vous filera la pêche, c'est non négociable bande d'huitres). Peut-être un peu plus de redondance dans les compos ? Des lignes de chant moins marquantes ? Dayum ! Il y a pourtant du fun (le début de "Catrina" qui fait salement penser à un Queen déchiré au Ricard, avant d'enchainer sur un riff et finalement un morceau tout aussi aviné), mais on accroche un peu moins, voilà. Un morceau comme "Clairvoyant" se défend également à merveille avec sa structure particulièrement barrée qui pour le coup rappelle plus The Mars Volta qu'ATDI, mais on bande un peu moins dru qu'au début de l'album ma bonne dame, que voulez vous qu'on y fasse. Va comprendre. Et même si "Deadosaurs" et son feeling à la The Bronx contribue à nous faire penser que la dynamique de cet album n'est pas une douce pente descendante, mais bien une ligne bien droite et bien puissante en plein dans ton cul, on ne saurait y remédier, le kiff descend légèrement. D'ailleurs ce sentiment est finalement renforcé par le fait que les deux « moins bons » morceaux de l'album sont ses deux derniers, les légèrement plus anecdotiques "All In" et "Rising". Un léger souci de choix et de placement dans la tracklist sans doute. Mais bon, si c'est là le seul reproche véritable que l'on peut adresser à cet album, mais c'est que très clairement, ce Knives & Bells bute salement ! Voilà !
Bref, pas besoin d'épiloguer 1 200 ans : quand un groupe s'inspire autant d'un ou deux combos et que cela se sent à ce point, on a tendance à le traiter de vilain plagiaire et à lui faire caca tout partout sur la tête. Sauf qu'en l'occurrence Refused et At The Drive In ont toujours été des groupes rares, peu prolifiques, et qu'ils sont de plus splittés depuis de longues années (si on excepte la superbe tournée de reformation/adieu de Refused, quel pied ce fut, et la reformation de ATDI mais bon comme ils ignorent royalement l'Europe...). Bref, Sna-Fu ne copie pas : Sna-fu est en mission, Sna-Fu fait son devoir de mémoire de manière superbement appliquée et totalement délirante en délivrant un album aussi percutant et énervé que mélodique et catchy. Du sacré bon boulot et une grosse fierté que ce groupe soit de chez nous car je ne leur connais que peu d'équivalents en termes de genre pratiqué. Et on leur souhaite de continuer leur route le plus longtemps possible! Un grand bravo.