Une écoute, un constat: une tentation. Celle de ne pas faire la chronique sur laquelle on s'était engagé et renvoyer directement à la critique de l'enregistrement précédent. Dans la mouvance inexorable d'un recyclage qui concerne désormais à peu près tout ce qui est susceptible d'être produit sur notre planète – plastiques, cartons, voitures, actionnaires, présentateurs télés, etc – le concept de la chronique réutilisable aussi longtemps qu'un artiste délivrera la même œuvre prend tout son sens. Bien sûr, quelques subtiles modifications sont à prévoir – intitulés des chansons et année de sortie, essentiellement. Mais lorsque des musiciens ne font aucun effort de remise en question et reconduisent au fil des années exactement la même recette, et ce sans valeur ajoutée, pourquoi perdre du temps à se répéter ? Donc, afin de savoir de quoi il retourne sur le Van Canto 2014 dénommé Dawn of The Brave, on lira utilement l'excellent compte-rendu de Break the Silence, le Van Canto 2011. Merci de votre attention et au plaisir.
«
Bien tenté » - a lancé le patron - «
mais la gérontologie, tu crois que c'est fait pour les vieux et les chiens ? » - «
La déontologie, boss. » - «
Ne cherche pas à m'embrouiller et n'oublie pas que tu es payé à la ligne, gros malin. Alors tu vas me reprendre ta chro fissa et me cracher tout ce que t'as sur ces marioles ! ». Il n'a pas tort le patron. L'écologie, c'est bien joli mais lorsqu'elle se heurte autant au code moral en vigueur à la salle de rédaction qu'à la fixation strabique du directeur des ventes sur la colonne profits, il faut se résoudre à l'évidence et reporter son implication dans le process de décision. Alors va pour une chronique du dernier recueil de Van Canto. Soupir. Qu'ajouter aux écrits précités de la consœur canadienne ultra sexy qui, selon la rumeur, aurait fait fondre la calotte glaciaire rien qu'en secouant sa serviette de bain par la fenêtre de sa cabane du Saskatchewan ? On peut toujours tenter le coup du rappel historique, ça ne mange pas de pain. Van Canto - «
Canto » pour «
je chante » en latin, «
Van » pour faire genre – s'est formé en 2006, sort son cinquième LP et a la particularité de dispenser du heavy metal a cappella, hormis la batterie qui est jouée par un vrai batteur et non par Kevin le roi des bruits de bouche sur internet. Ce qui est dommage, d'ailleurs, ça aurait pu être rigolo. Mais Van Canto est allemand. Et en Allemagne, ce qu'on aime, c'est l'efficacité. Ça va donc nécessairement taper droit et fort. En outre, considérant probablement que la musique de ces jeunes gens ne constitue pas à elle seule un argument suffisant pour doper les ventes, on ressort la garde-robe en vinyle noir so nineties achetée d'occasion à Lydia Lunch sur dierechteecke.de et on rushe tout le monde dans des positions «
héroïques » après avoir pris soin de faire péter le décolleté de la chanteuse judicieusement placée au premier plan. Cette dernière n'est d'ailleurs pas sans rappeler physiquement Sandra Schleret, la vocaliste des vilains Autrichiens de Dreams of Sanity dissous depuis belle lurette. Heureusement, l'accorte Inga Scharf possède d'autres arguments que sa volumétrie mammaire et la douceur de son timbre n'est jamais altéré par des velléités de stridence. Son camarade de micro n'est malheureusement pas aussi sobre - sa prestation un peu forcée sur la reprise de "The final Countdown", par exemple, peine à soutenir la comparaison avec celle de Joey Tempest sur la version originale.
Pour autant, le ténor maintient un niveau correct sur l'ensemble des pistes même si on peut regretter que la formation n'ait globalement pas su trouver un équilibre entre les chants leads – les meilleurs morceaux "Fight for Your Live" et "Unholy" étant ceux où la répartition entre les chants féminin et masculin semble la mieux dosée. Quant à la façon de procéder, elle reste identique à celle qui prévalait sur les efforts antérieurs du sextuor germain, à savoir que les parties habituellement dévolues à la basse et aux guitares sont interprétées en imitation vocale façon human beatbox. C'est ici que l'exercice atteint ses limites. Parce qu'une fois passée la surprise initiée par ce parti pris original, le doute s'incruste comme le fromage au fond du plat à tartiflette à l'écoute de ces «
rundigididun » et autres «
rattakkakkata » moulinés pendant cinquante minutes par les choristes «
rythmiques ». Et lorsque leurs prestations sont mises en avant, ça devient franchement embarrassant ("My Utopia") voire carrément risible – l'écoute prolongée de la reprise de "Paranoid" (Black Sabbath) sur laquelle des «
doumdoumdoumdoum » en enfilade remplacent le riff mythique ferait un très bon test de rééducation périnéale. On est loin du concept développé avec brio par les frères Kolacny qui revisitent le répertoire rock non pas en singeant des instruments électrifiés mais en revisitant les chansons grâce aux combinaisons offertes par leur chorale de jeunes Flamandes. Alors que chez Van Canto, un titre comme "The Other Ones" rappelle davantage Chanson Plus Bifluorée... Enfin, outre les covers un peu douteuses déjà évoquées, il faut bien reconnaître que globalement, les compositions de ce
Dawn of the Brave ne sont pas ébouriffantes. En effet, l'inspiration demeure désespérément typée «
metal hero », validant en cela les reproches déjà adressés à la section rhénane sur son refus d'évoluer vers des horizons un peu plus variés et un peu moins clichetons, alors même que l'aisance vocale des deux leaders le permettrait. "The Awakening" laisse entrevoir une ébauche d'esquisse de début de commencement de quelque chose de vaguement différent mais ça reste bien maigre. Et décevant.
C'est solide, c'est carré, c'est pro mais bien que fondé sur l'idée intéressante d'un heavy exécuté presque exclusivement à la force du larynx, le propos de Van Canto finit par lasser à force de ressasser la même formule sur tout un album lui-même quasiment identique à ses quatre prédécesseurs. Ceux qui s'enthousiasment à chaque sortie du collectif allemand applaudiront une fois de plus à l'écoute de cette performance il est vrai peu banale, les autres regretteront la frilosité de ces habiles vocalistes qui possèdent largement le potentiel pour offrir une musique plus ambitieuse et, osons l'écrire, plus belle. En somme, rien de nouveau depuis la dernière réalisation du groupe. CQFD.