Tuomas Saukkonen est un super-actif. C'est aussi un multi-instrumentaliste surdoué qui sait pondre une importante quantité de tueries à une vitesse effarante. Le dernier dark-doom Dawn of Solace, de supers compos avec Black Sun Aeon, ou encore sa formation secondaire RoutaSielu, ce cher Tuomas est débordé. N'oublierait-il pas son mélo/ dark-death de chez Before the Dawn? Pas d'inquiétudes! Cet homme pense à tout. Le dernier né de Before the Dawn s'appelle Rise of the Phoenix, et autant le dire immédiatement: il est bon.
Dans un premier temps, mettons-nous au goût du jour. D'importants changements de line-up ont été effectués au sein du combo, engendrant une modification sonore en conséquence: Before the Dawn est plus sombre, plus diabolique et plus oppressant. La cause? Le départ de Lars Eikind et de son chant clair: terminé désormais l'alternance chant sombre - chant clair. Eikind ne fait plus office d'adoucissant, et personne ne le fera à sa place. C'est donc un mélodeath obscur, plus violent et bien plus rageur que l'on retrouve avec un chant guttural présent du début à la fin et qui est le principal porteur de ce sentiment de désespoir que nous procure ce Rise of the Phoenix. L'artwork n'y est pas pour rien: bon, je ne vous cacherai pas que je le trouve tout simplement sublime et que l'édition limitée digipack est une vraie merveille... Passons au son, le plus important me diriez-vous. C'est du Before the Dawn: les guitares sonnent ultra mélodiques, la double pédale fait son boulot et les caisses claires tapent à plein régime, le tout soutenu par une production impeccable. Le rythme général est endiablé, une vitesse rapide, des doubles blast, des soli tout simplement superbes, mais surtout une guitare lead au sommet de la mélodie et au son terriblement addictif. Bon, et maintenant, le détail.
Comme tout album qui se respecte, ça démarre avec une intro. Ici, c'est "Exordium" qui s'en charge. Mise en bouche, mise en haleine, préparation pour la suite, c'est donc sous une note acoustique que démarre Rise of the Phoenix. Courte, mais déjà mélancolique. Maintenant accrochez-vous, ça va partir. Et ça commence fort avec "Pitch-Black Universe". Le son est mélodique au possible et le chant est sombre à n'en plus pouvoir. On vous avait prévenus, dépressifs, s’abstenir. Trois refrains accrocheurs plus tard, la piste s'achève sur quleques notes de synthé (qui est cependant bien timide durant le reste de l'album). On a d’ores et déjà un aperçu de ce qu'est devenu Before the Dawn sans chant clair: ça frappe, ça growl, ça blast et surtout, ça fait du bien. "Phoenix Rising" continue dans la même lancée et le même tempo pour finir sur une touche de mélancolie au piano. On remarque en effet une prod au top, et il faut bien l'avouer,Tuomas sait composer des chansons. La compo de "Throne of Ice" est tout simplement orgasmique, avec son intro acoustique et son solo mélodique aussi subtil que fragile qui nous transporte dans un monde à part d'un bout à l'autre de la piste. Et peut importe le monde que vous imaginerez, il ne sera pas rose. Appuyé par la double pédale et le chant toujours noir charbon, le morceau est empli de désespoir et de souffrance.
Mélodie, mélodie et encore mélodie. La performance lead guitaristique de notre ami Räihä est remarquable, les soli sont bien exécutés et les compos tiennent très bien la route. Une écoute de "Fallen World" met tout le monde d'accord, c'est beau, c'est fluide et bien structuré. Le clavier en arrière-plan et l'outro electro-ambiancée rajoute un coté prog assez joueur et intéressant. Vient alors "Eclipse" et c'est tant mieux. La double pédale donne toujours le ton, un tempo violent, guttural, et rythme la musique comme on l'aime. Le plus remarquable dans cette piste étant l'outro... Véritable alternance de tempos et variations electro acoustique terminent on ne peut mieux le morceau. En parlant d'outro, " Closure" vient clôturer (répétition volontaire!) le travail des finlandais sur Rise of the Phoenix avec un morceau aux deux tiers instrumentaux. La piste bonus "Unbreakable" reste une bonne surprise où de jolis soli vous attendent, puis enfin les deux dernières pistes bonus restent dispensables: une transition et une démo du groupe au son old-school de 1999. Ouah, c'était efficace, intense, mais au final, l'attention du bout au bout était-elle préservée?
Et bien venons-en, à ce qui fâche. Non chers lecteurs, l'attention n'est pas préservée d' "Exordium" à "Closure" en passant par "Perfect Storm". Et la raison est que l'album se veut trop répétitif et linéaire. Il peine parfois à innover et à nous captiver davantage. On ballade entre obscurité et clarté aérienne, certes, mais au fil de l'écoute, les compos en deviennent prévisibles. Peut-être un petit manque de temps de Saukkonen? Le bougre à tout de même pondu 12 albums studios en 10 ans, d'autant plus que la plupart sont bons. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre comme on dit. Reste alors qu'une petite touche d'originalité par ci par là aurai permis une meilleure distinction des compos et des riffs, et aurait mis en valeurs la créativité et l'intelligence de Tuomas au service du mélodeath. Surtout que la touche Saukkonen se reconnait, entre Noumena et Equilibrium en passant par le dark/prog d'un Dark Tranquillity, agrémentée de la mélodie pure d'un guitariste talentueux. Le bilan reste tout de même positif; on vient de passer près de 50 minutes de plaisir à écouter ce Rise of the Phoenix, et c'est bien ça le principal
Vous l'aurez donc compris, on ne tient pas ici un opus qui révolutionnera le monde du melodeath, mais un disque abouti et bien réalisé. Au travers de mélodies plus addictives les unes que les autres, d'un blast de barbare et d'un chant à réveiller un sourd, Tuomas Saukkonen prouve une nouvelle fois qu'il est un artiste de talent et que ses disques valent la peine de s'y attarder. On retrouve au final un Rise of the Phoenix bien ciselé qui risque bien de faire headbanguer quelques têtes ou de faire tomber quelques larmes. Eh oui n'oubliez pas: dépressifs, s'abstenir.