C’est la même chose chaque année : alors que Noël pointe son nez, c’est l’heure du bilan de l’année qui s’achève. Plus particulièrement en ce qui nous concerne, c’est la période où tout le monde va de son top musical. Chaque année on retrouve les valeurs sûres, les grosses écuries mais c’est aussi le moment de partager ses découvertes, ces albums injustement méconnus et qui mériteraient à nos yeux de figurer au panthéon de la musique moderne. Alors pour cette chronique, la dernière de l’année pour ma part, en manque de quelque chose d’extrêmement enthousiasment à disséquer, je vais humblement vous parler d’un album qui fait partie à mes yeux de ces indispensables passés un peu inaperçus.
Direction donc l’Europe de l’Est, et plus précisément la Serbie, pas nécessairement le coin du monde le plus en vue en ce qui concerne la musique vous en conviendrez, à la rencontre du compositeur dont il sera question aujourd’hui : David Maxim Micic. Alors certes il a déjà posé un solo sur le titre single "Epiphany" des Canadiens de Intervals mais son nom ne vous dit sans doute rien. Mais attention ! Il ne s’agit pas non plus de n’importe quel quidam qui aurait appris la gratte dans son garage puisqu’il est quand même diplômé du prestigieux Berklee College of Music de Boston, là même où ont étudié les membres fondateurs de Dream Theater (et André Manoukian, mais ça c’est une autre histoire). Alors autant dire qu’il maîtrise non seulement son jeu de guitare comme de basse parfaitement mais aussi qu’il fait preuve d’une virtuosité assez impressionnante en ce qui concerne la composition et l’arrangement des titres. Bilo 3.0, ainsi se nomme sa cuvée 2013, Bilo signifiant apparemment « battement de cœur » en serbe. Qui dit « 3.0 », dit qu’il y a eu quelque chose auparavant (2 pour être précis !) puisqu’en effet, Bilo 3.0 est bien la troisième sortie du bonhomme, les deux premières, datées de 2011 puis 2012, étant des EP qui, déjà, pouvaient renvoyer la majorité des autres formations de prog avec un léger penchant djent chez elles.
Car il s’agit bien de cela, mais en plus fin, plus organique et moins faussement compliqué que la concurrence. Le rêve quoi ! Il suffit d’écouter "Where is Now?" pour s’en rendre compte : l’attention ne se porte pas tant sur la rythmique groovy de la guitare que sur la formidable alchimie entre le violon, le piano et les chœurs de Aleksandra Radosavljevic et de Vladimir Lalic qui porte le titre qui reprend, petit clin d’œil aux fans, la mélodie d’un morceau du premier EP. Car oui, si cet album est bien issu d’un projet solo, il faut rendre hommage aux nombreux invités qui offrent une performance mémorable avec Lalic en tête, aussi schizophrénique et délirant sur "Smile" que puissant sur "Daydreamers" (où il rappelle fortement un certain Devin Townsend). On retrouvera donc au casting Jeff Loomis (ex-Nevermore), Per Nilsson (Scar Symmetry) mais aussi un solo de Jakub Zytecki (Disperse, dont l’album Living Mirrors est sans doute une autre des révélations de l’année) pour une troisième apparition pour Micic en autant de productions. Enfin, et pour en revenir aux chanteurs, il serait injuste de ne pas mentionner Aleksandra Djelmas et sa voix éraillée qui tiennent le rôle principal sur "Smile" pour un résultat surprenant au premier abord mais somme toute très réussi.
Et pendant ce temps là, David Maxim Micic - car après tout il s’agit bien de son album solo au départ ! – laisse exprimer tout son talent, absolument indécent pour son âge. Ses compositions ne sont jamais prétentieuses, même lorsqu’il se risque à un instrumental quasi symphonique ("Wrinkle Maze"), et respirent la sincérité, les notes semblant lui couler naturellement sous les doigts qu’il soit au piano comme sur "Everything’s Fine" ou à la guitare sur un "Nostalgia" résolument jazzy et à l’accroche absolument imparable. La faille ne viendra pas non plus du fait que ce bijou soit auto-produit puisque même le mix semble être un modèle du genre, chaud, organique et équilibré. Et que dire des onze minutes fantastiques du titre final et ce pont atmosphérique de toute beauté, prompt à arracher une petite larme à tous les cœurs d’artichauts que nous sommes ? Rien. Absolument rien. Dans ces moments là, pas grand-chose à rajouter, on se tait, on ferme les yeux, on écoute et on se laisse emporter par la musique. Tout simplement.
Le sans faute ? On est bien en droit de le penser. Bilo 3.0 est sans le moindre doute, à titre purement personnel, mon album de l’année 2013. Bilo 3.0 est doux, Bilo 3.0 est frai et Bilo 3.0 est même pratique aussi. Pas besoin de vous faire un dessin, Bilo 3.0 c’est le bien. Sur ce, joyeux Noël et une bonne année 2014, je vous aime, bisous.