Dès la première piste, une image me vient à l’esprit : je m’assied sur un siège de plastique froid et une barrière de sécurité vient s’abaisser devant mes yeux. C’est juste avant que le train fantôme d’un célèbre parc d’attraction allemand ne m’emporte dans ses ténèbres, le cœur battant. Todestage, c’est un peu ça, une plongée dans l’horreur, mais une descente où l’on vous tient tout de même mollement la main, histoire que vous en ressortiez peut-être (?) entier !
Les scènes d’horreur, de cruauté, d’agonie doucereuses, sont bel et bien le fer de lance de cet album, rien de surprenant par ailleurs, s’agissant de Eisregen. Le groupe ayant toujours pris pour partit de déverser son message morbide par le biais d’un dark metal tout à fait éloquent, la touche de la langue allemande, n’ajoutant qu’un brin de rigueur tranchante, tout au plus ! Avec ce nouvel album, Todestage, gageons que la recette ne change pas. Qu’il s’agisse du portrait de cette famille regroupée autour du meurtre (soyons honnêtes : baignant dans une pure ambiance bouchère) dans "Familienband", du tourment, que dis-je, de l’agonie d’une descente aux enfers, prêts à plonger dans les bras du « Dieu de la cruauté » dans "Höllenfarht" ou encore de la fascination morbide du téléspectateur qui se repait des images de cadavres que lui retransmet son gentil poste de TV, « normal », et qui frappe, là comme ça, toujours « normal », sans état d’âme, dans un "DSDSL",... on est bien loin d’un gentillet conte de Noël ! Il suffit d’ailleurs de mirer l’artwork de cette galette, on ne peut plus parlant, si tant est que l’on avait encore besoin de se convaincre !
L’ouverture au violon de "Waldgot" nous plonge d'emblée avec raffinement dans une ambiance à faire frissonner. Et c’est révélateur de ce mélange d’instrumentation délicate et de violence que sait tenir le groupe. Les nappes de clavier font ainsi merveille (si l’on peut dire), que ce soit sous la forme d’un piano terriblement mélancolique d’un "Oh Wie Sie Schrie", couplé d’une guitare plaintive et d’un chuchotement impassible, cruel; ce titre nous plonge, au-delà de son thème glauque au possible, un sacrifice sans affect, dans une torpeur glacée. Que ce soit ensuite par ses riffs parfaitement obsédants dans un "Mitternacht", juste avant de nous amener dans une atmosphère presque épique en milieu de morceau, pour mieux ensuite revenir nous hanter. Ou encore de concert avec la guitare, à nouveau, pour s’ingénier à nous serrer le cœur à l’extrême dans "Ostern am Nachbenhimmel". Si ce morceau semble être de prime abord d’une grande quiétude, comme un souffle au cour de la tourmente, il n’offre en vérité pas d’apaisement dans la dynamique écrasante de l’album.
Pourquoi ? Parce que, comme à chaque fois, la voix vient juste à propos appuyer cette harmonie et nous donner pour tout tribut un puissant sentiment d’étouffement. Et pour cela, Blutkehle révèle son grand art. Lui et son organe, parviennent à instiller la frayeur nécessaire à chaque son émis. Quant à illustrer la rythmique haletante, "Höllenfarht" serait un exemple tout trouvé, ainsi que "Famillienband". Précipitée, battante, comme un palpitant qui s'emballe. A vous donner des sueurs ... froides ! Seul petit bémol que l’on pourrait relever, "Seele Mein". Le titre se décompose en fait en deux parties distinctes. La première, trop gentille, presque lumineuse par rapport à l’ensemble. Le morceau apparaît alors un peu comme une teinte criarde jetée dans un univers pourtant savamment brossé monochrome ! La seconde partie, elle cependant, résonne comme une menace sourde, martelée, plus cohérente ! Bon rattrapage ! "Eisenherz" clôt alors l’album, là encore avec un clavier qui nous tartine son humeur glauque au possible dans le crâne et cette voix qui nous balance ses mots sous forme, cette fois, de pied de nez un rien narquois.
Molestés, ni plus ni moins, voilà ce que nous sommes à l’écoute de cet album. C’est là tout le talent de nos allemands qui savent à propos mêler intiment une sorte de lyrisme à une « glauquerie »sans nom, le tout pour le plaisir (?) de nos pauvres esprits contraints d’écouter avec une sorte de fascination passive. Bon point pour le dark metal ! Quant à vous offrir cet album pour les fêtes, ce sera peut être un peu comme vous payer une Morgenstern pour l’occasion, un rien décadent dirons-nous, mais pourquoi pas après tout, tant que vous ne tapez pas votre voisin avec !