Quand on est gamin et qu'on va rendre visite à la grand-mère, on est en général à peu près sur qu'on va avoir droit à la fameuse tarte aux pommes. Celle-là même que notre maman a toujours essayé de refaire, mais qui n'a pas la même texture, ni le même goût. Donc c'est toujours une joie de lui rendre visite, on en salive d'avance. Mais quand, année après année, la même tarte revient, fidèle à elle-même et avec la régularité d'une horloge suisse, il vient forcément un moment où cette tarte, ben on ne peut plus la voir en peinture. Dis, mamie, tu veux pas essayer les fraises ou les abricots ?
Non, parce que bon, Debauchery, ça commence aussi à bien faire. Les premiers albums avaient un petit truc rafraîchissant, ce gros côté death'n'roll, ce mix entre – je l'ai assez dit dans les précédentes chroniques – Cannibal Corpse et AC/DC, et puis cette régularité toute allemande qui faisait enchaîner les albums à Thomas Gurrath, leader et seul vrai membre de Debauchery... bref, le terme « overdose » est un peu fort, mais on peut sans risque parler de lassitude. Parce que comme mamie, Debauchery reste cantonné à ce qui fait sa réputation, quelle que soit celle-ci : une grosse production, des paroles caricaturales à base de « Hate, Slash, Kill », et de gros riffs old-school surmontés d'un growl caverneux. Chouette mélange, le temps d'un ou deux albums, trois pour les plus patients, mais vient forcément un moment où l'arrivée d'une nouvelle galette ne provoque plus l'enthousiasme, mais la résignation.
Certes, Kings of Carnage, l'album qui nous occupe cette année, remplit parfaitement le cahier des charges de Debauchery, puisque tous les ingrédients mentionnés un peu plus haut sont de la partie. Il n'y a donc pas tromperie sur la marchandise. Il y a même des titres sympas, comme "Blood God Kills" et sa double pédale furieuse, le groove et la mélodie de "Debauchery Motherfuckin Familiy" ou encore "Demonslayer" au song-writing affûté, mais on ne peut même pas vraiment parler de bonnes idées tant rien ne vient rompre la monotonie de Debauchery – et ce depuis 2007. Du coup, chaque titre donne l'impression de sortir d'une usine de montage bien rôdé : la qualité est là, mais toutes les pièces sont pareilles. Difficile donc de s'extasier devant un titre sympa, ou de se fâcher à cause d'un titre moins passionnant ("Man In Blood" ou "Let There Be Blood", particulièrement bas du front) tant le différentiel émotionnel entre les deux est fin.
Vague hochement de tête de temps en temps, mais électroencéphalogramme plat le reste du temps : Debauchery tourne en rond, se répète et du coup finit inévitablement par lasser, même ceux qui, comme votre serviteur, trouvaient au début l'approche et la tonalité de Debauchery rafraîchissantes. Mais année après année, comme avec la tarte de mamie, on en vient inévitablement à demander une nouvelle recette. Sinon, j'en fais le serment, la prochaine fois, j'y retourne pas.