On le sait, mais on ne le dira jamais assez : la scène métal / hardcore française est vivace. Et elle l'est de plus en plus, le nombre de groupes de bâtards se multipliant telle la chienlit dans les jardins abandonnés. As They Burn est de cette jeune classe francilienne qui lorgne méchamment vers la scène internationale (tout comme Vera Cruz, Betraying The Martyrs ou Rise Of The Northstar, tous dans des genres différents), et les bonhommes présentaient ces temps-ci leur premier album, un Will, Love, Life aux couleurs résolument métalcore/ hardcore beatdown / groove métal, signé s'il vous plait chez le puissant bien que très inégal Victory Records. Pas une tambouille des plus originales par les temps qui courent, mais qui semble pourtant bien valoir le détour. Décryptage.
Dès les premiers instants, le ton est donné : production über-maousse à la ricaine (on aimera ou pas, le présent chroniqueur est pour sa part assez client), gros riff hardcore beatdown, batterie qui groove lourdement ("Dream Collapse"), frontman de talent qui hurle en usant de deux voix, rythmiques martiales. L'ensemble est certes un peu sommaire de prime abord, mais résolument moderne, percutant, et ça fonctionne plutôt bien. D'autant que les garçons ne manquent tout de même pas de technique : le jeu de batterie est d'une efficacité redoutable ("Medicine 2.0", "Origin", gros tube au demeurant), certains ponts et breaks évoluent dans une veine métalcore plus technique (la méchante fin de "Medicine 2.0"), et le groove est présent sur presque tous les tracks de l'opus. Bref c'est loin d'être du Shai Hulud (en même temps personne n'atteint le monstrueux niveau technique de leur dernier opus), mais un bon petit niveau est déjà installé. Les voix de Kevin se répondent à merveille, l'une vraiment vénère et l'autre plus claire et plaintive mais bien écorchée également, quand elle veut. Bref, As They Burn a vraiment de l'impact, même si on aimerait parfois les voir attaquer certains couplets en mode hardcore plus rapide alors que le groupe préférera quasi-systématiquement des structures plus lentes et groovy ("The Conscious Man", et pas mal d'autres). Pourquoi pas, mais un mélange des deux aurait pu être une très belle réussite. Les rares passages posés et ambiancés ne sont pas sans rappeler certains chemins empruntés par Gojira dans leurs moments calmes (si si!).
Sur certains morceaux tels que "Isis" ou le très bon closer "Sons Of Shiva", qui évoque notamment les monstrueux Vildhjarta, la structure rythmique bien casse gueule fait aussi et surtout appel à Meshuggah, ce qui n'est pas un mince compliment. Cependant le groupe a une assez fâcheuse tendance à repartir dans ses travers un peu trop « faciles » sur le refrain. C'est un écueil sur cet album, on sent un potentiel assez fort qu'on verrait en pleine lumière si le groupe maintenait le même niveau technique et créatif sur toute la durée d'un morceau, mais presque chaque track souffre de temps plus faibles un peu embêtants. Ceci dit, ces passages plus sommaires sont doublés de samples de cordes et autres synthés discrets qui contribuent à forger l'identité du groupe, et en cela ils se respectent et trouvent complètement leur place sur cette galette. On les rencontre en général sur les refrains, et on remercie As They Burn de la parcimonie avec lesquels ils sont utilisés, alors qu'en la matière des groupes comme Betraying The Martyrs, par exemple, en font parfois des caisses voire des putains de conteneurs. Autre reproche cependant : une assez grosse récurrence dans les riffs groovy et les patterns de la section rythmique : ça reste très efficace, mais sur la fin de l'album l'ensemble commence à s’essouffler et à devenir redondant (l'enchainement "When Everything Falls Apart" + "F.R.E.A.K.S", qui se ressemblent un peu comme deux gouttes d'eau malgré un double feat Emmure/Betraying The Martyrs sur la seconde). Et puis bon, puisqu'on en parle et qu'il fallait bien le mentionner à un moment, tout ça sent quand même assez fort le-dit Emmure, et on sait à quel point ce groupe est sujet à caution... Bref, l'album est hyper pro, carré, et pue le talent à plein nez (ce refrain/pont sur "Origin", énorme), mais souffre de quelques gros temps faibles après un démarrage de grande qualité, et c'est vraiment dommage (notamment l'assez dispensable enchainement "Frozen Visions Part I" et "Part II", même si la seconde passe mieux).
L'un dans l'autre, un bon album de hardcore moderne (soyons très génériques), un artwork magnifique, une production soignée, le tout dans une veine encore assez peu exploitée en France. Un groupe à fort potentiel, indéniablement, mais qui aurait grand intérêt à varier un peu plus un propos au demeurant maitrisé à l'avenir, sous peine de lasser l'auditeur, comme c'est hélas un peu le cas sur la fin de l'album. Avec des structures un peu plus variées (appuyez un peu sur l'accélérateur par moments les mecs !), cet album aurait pu être une tuerie. Là, il est juste bon. Quoi qu'il en soit, il reste très agréable de voir que de nombreux groupes prometteurs tels que As They Burn continuent à faire leur trou sur la scène nationale et internationale. Keep up the good work guys !