Bon déjà ce nom, il bute. Cela se devait d’être dit. Surtout que le groupe le porte bien. Amateur de gros son qui tache, celui bien gras qui te laisse des traces indélébile dans ton cerveau de petit mammifère bipède et fragile, viens voir ici. J’ai quelque chose à te montrer. Tu vois là, t’es dans le désert. Au crépuscule, le soleil se couche doucement sous la montagne. Tu as beaucoup fumé, et c’est mal. Tu commences à ne plus faire de différence entre le sol et le ciel, de grosses gouttes de sueur coulent sur ta peau, collent tes vêtement. A moins que ça ne soit du sang. Mais tu t’en fous.
Tu t’en fous car devant toi une énorme masse informe de sable se dessine à l’horizon. Tu plisses tes petits yeux. Et tu vois. Un troupeau de mammouths multicolores enflammés qui chargent vers toi. Dans les volutes, de petits gens qui dansent. Tu as vraiment beaucoup fumé. Pour l’instant, aucun bruit. Seulement le vent qui balaye les dunes, rendant la scène encore plus surréaliste. Puis, tu l’entends. Un larsen déchirant, suivi par le rythme pachyderme de leur course effrénée. Viens alors se greffer au chaos ambiant une basse, lancinante et groovy, elle te berce et t’endort. Peut-être ne sont ils pas si dangereux finalement, les gros éléphants. Les larsen s’intensifient, le spectre sonore se déchire, et une voix lointaine te hurle quelque chose. Te mettre à couvert, peut-être. Mais il est déjà trop tard ("Blotch"). Puis vient le riff. Tout est très lourd. Le son est massif. Le désert tremble, au loin la montagne danse sur le rythme d’une basse omniprésente au grain démoniaque. La voix est à nouveau là, pas vraiment agressive, mais pas rassurante pour plus. Noyée sous un déluge de distorsion et de fuzz, elle semble hantée, presque chamanique. Le troupeau n’est plus très loin, il martèle la terre avec fureur et… douceur. Comme si une charnière mélodique reliait entre eux tous ces éléments apocalyptiques qui explosent sous tes yeux ("Hopscoth", "Odio").
Les bêtes de l’enfer ne sont plus très loin de toi, tu sens leurs chaleurs oppressantes liquéfier ton cerveau déjà bien entamé. Tu regardes béat les hommes et les femmes présents dans la fumée, oscillant leurs têtes d’avant en arrière au rythme de riffs chauds et puissants. Puis le calme, à quelques mètres de toi, ils sont là. Une mélodie inquiétante et oppressante semble émaner de la terre même. Puis cette voix, à nouveau. Annonciatrice d’un nouveau déluge, tu crispes les poings, l’atmosphère est tendue. Le troupeau accélère, arrive à ton niveau en quelques secondes et t’emporte avec lui. Entrainé par la charge, tu ne peux que fermer les yeux et subir ("Odio"). Tu rouvres les yeux, sans que tu ne saches comment ni pourquoi : une créature t’a prise sur son dos. Tu sens leur martèlement vibrer dans tes os. Ils ralentissent, s’alourdissent encore. Le sol s’enfonce sous leur poids, l’air même se déchire autour de toi. Tu te sens prisonnier d’un cortège de fin du monde, spectateur d’un exercice de destruction originelle (God). Puis la nuit. Sans que tu ne t’en rendes compte, un voile noir a recouvert le désert. Combien de temps depuis l’instant où tu as aperçu cette masse de sable ? Tu ne pourrais le dire. Tu t’allumes un joint.
Les sons se font plus sourd, ambiant. La basse trace des épais filets de ténèbres, recouvrant les étoiles dans un désert auparavant si lumineux. Des coups de cymbales déchirent le voile par endroit, dévoilant quelques instants ce qui se trouve derrière. Malgré tes efforts, tu ne saurais le décrire. Ni même le concevoir. Troublé, tu baisses les yeux, une flasque se trouve à tes pieds. Qui l’a posé là ? Qu’importe, tu bois ("Alcool"). Te voilà ivre, ivre de la puissance que te procure la chevauchée de ton mammouth adoré. Il est tiens, tu comptes bien le dompter, l’adopter. Pour avec lui écraser le monde. La chaleur auparavant oppressante fait désormais parti de toi. Tu la sens dans tes veines bouillir ton sang. Alors doucement, au rythme des accélérations du troupeau, tu entame une oscillation, de plus en plus prononcée. Ton cerveau est complètement embrumé. L’orage au loin, à moins que ce ne soit des coups de feu. Qu’importe, car reprend aussitôt le rassurant et écrasant groove simiesque. Il fait naitre un sourire plein de folie sur ton visage. Tu ne veux plus jamais t’en passer, il est à toi, il est en toi… Doucement, ton corps se soulève de la bête pour venir s’élever dans la fumée. A coté de toi, d’autres visages en extase. Puis progressivement, ton mouvement s’intensifie, pour se caler sur la centaine d’être en rythme avec la marche des pachydermes ("Demontain").
Et ouais, ces Italiens t'emportent loin. A partir du moment où riffs plombés et psychédélisme ne te rebutent pas, tu es quasi certain de prendre ton pied avec cet album. Et avec toi aussi avec le temps, ce pachyderme deviendra ton copain.