CHRONIQUE PAR ...
Droom
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Rex
(chant+basse)
-AJ Brd
(guitare)
-Daniel Bartolo
(guitare)
-Dino Misfud Lepre
(batterie)
TRACKLIST
1) Chapter XXIII
2) Tree of Iniquity
3) The Art of Despair
4) The Glorious Deceit
5) Those Left Behind
DISCOGRAPHIE
Candlemass versus My Dying Bride versus Esoteric ? Tout ce monde là ? Le lyrisme du doom traditionnel ; les aigres mélodies du doom-death ; la leeeennnnnteur du funeral doom et le coté malfaisant et étrange cultivé par Esoteric. Sérieusement ? Tout ça dans un seul disque ? Eh beh mazette, ce n'est pas un petit bonhomme que celui-ci ! Bien au contraire Symmetry of Our Plagued Existence (rien que le titre annonce la couleur et la lourdeur du bazar) est vraiment du genre costaud. Du genre à anéantir le peu d'espoir qu'il nous restait, pauvres humains impuissant que nous sommes.
Cinq morceaux. Plus d'une heure. Visiblement, la mesure n'est pas la norme dominante dans les parages. Malgré cette longue durée, dès les premières secondes, ce premier album des Maltais de Victims of Creation (qui existe pourtant depuis... 1992 !), en impose : riff lent qui lorgne d'abord chez Candlemass avant d'aller voir chez la trinité « Peacevillienne », production old-school que ne renierait pas le Cathedral des débuts (voir ce vrombissement de basse en forme de gargarisme démoniaque), growl d'outre-tombe nous condamnant de toutes ses forces : tout concourt à hisser la musique du groupe vers les sommets d'un doom maléfique et oppressant. Un pavé de cent mille tonnes de lenteur et de noirceur s'abat sur nous, à peine sauvé par la cessation des riffs faits de palm-mutes harassants et l'émergence d'une voix plus traditionnelle, qu'on pourrait dire épique si ce n'était le contexte couleur ébène de l'album. A priori, rien de nouveau sous le soleil noir du doom metal me direz-vous... toutefois, la force qui se dégage de cet album est monumentale. Les plus frêles ne dépasseront pas le premier morceau (de choix). Les plus téméraires découvriront le passage semi-acoustique clôturant "Tree of Iniquity se mutant plus tard en riff puissant et mélancolique comme seuls Funeral ou My Dying Bride savent en faire. Pas de place au romantisme : Saturnus peut remballer ses violons et retourner laver les vieilles chaussettes de sa mère.
Cet "Art of Despair", Victims of Creation semble se l'être approprié durant ces 22 années de préparation. Le morceau en question ne lâche jamais, lui non plus, la bride du malheur. Un riff basique et monolithique qui n'en est que plus lourd, une nouvelle fois palm-muté et tant étouffé qu'étouffant, côtoie un chant abyssal et des chœurs tour à tour plaintifs et grégoriens. Les cris et les pleurs se mêlent au sein de cet édifice cyclopéen. Le tout sur un rythme de 30 BPM. L'ennui ? Victims of Creation l'évite, Dieu sait comment. En rivalisant d'astuce (notamment quelques changements de rythmes bien sentis), de force et de classicisme maîtrisé, l'album parvient à faire passer relativement facilement un produit d'une densité qui ferait blêmir l'osmium lui-même, pourtant l’élément naturel le plus dense de la planète. Reste qu’inévitablement, Victims of Creation se ferme d'office un certains nombre de portes et ne touchera pas plus loin que les amateurs de musiques extrêmes, voire exclusivement de doom extrême. Ce qui représente finalement assez peu de badauds potentiels. Même pour ceux-ci, encore faudra t-il se trouver dans l'état d'esprit adéquat. Car ce ne sont pas les rares accalmies (voir ce court passages mêlant chant et guitare claire sur "The Glorious Deceit") qui, foncièrement pessimistes, permettront de se changer les idées.
Un avertissement serait le bienvenu : « Attention, cette musique est réservée aux durs, aux professionnels, à ceux qui savent à quoi s'attendre et qui ne craignent plus rien. » Parce que, chose rare de nos jours - du moins dans les gros noms du genre - Victims of Creation incarne vraiment, sans badiner, le doom-death. Pas celui qui se blinde de clavier pour émouvoir. Pas non plus celui qui alterne mélodeath et arpèges tristounets. Non, Victims of Creation est le doom-death qui creuse, celui qui va au fond du sujet. D'une lourdeur terrifiante, sans réel défaut si ce n'est celui de son parti pris très radical, Symmetry of Our Plaggued Existence aura un succès commercial inversement proportionnel à sa force. Et c'est bien dommage.