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CHRONIQUE PAR ...

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Archaic Prayer
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 16/20

LINE UP

-Surtr BlackMoon Emperor
(tout)


TRACKLIST

1) Ancient Mysticism and Fullmoon
2) Wisdom of the Forgotten
3) Revelations of Celtic Sorcery
4) Miraculous Dark Mysteries
5) Victory and Glory or Death



DISCOGRAPHIE


Blåkulla - Darkened By An Occult Wisdom
(2011) - black metal - Label : Cold Void Emanations



Comment faire du black metal tout seul et sans se prendre pour Darkthrone et Burzum ? Cette question hante beaucoup les fans de black metal et tous les chroniqueurs qui voient arriver devant eux une masse de groupes de black à trois, deux, voire à un seul membre. Difficile de s'y retrouver entre les groupes sans intérêt, ceux qui sont pas mal, et ceux qui déchirent. Mais voilà qu'au milieu de nulle part, le label Lower Silesian Stronghold, originaire de Pologne, produit deux tueries (Dark Fury et Flame of War) et en ressort une autre en matière de black metal. Mais l'avantage de Blåkulla, c'est que c'est seulement le premier album (et aussi la toute première réalisation que Surtr BlackMoon Emperor, seul maitre à bord, sort) et il  place déjà la barre très haute. Déjà disponible sous forme de cassette simple chez Cold Void Emanations en 2011, il est enfin possible de l'apprécier sur un support décent.

Il s'agit d'un un black metal des plus sombres et maladifs, mais aussi épiques et majestueux. D'ailleurs, il répond plutôt bien à la question posée au début : son Darkened By an Occult Wisdom est certes pétri d'influences très classiques comme les deux premiers cités et autres Mütiilation et Seigneur Voland, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il s'agit d'une énième resucée de Burzum, ah non. Chaque morceau vaut le coup,  le disque est très bien fait (même la pochette et le contenu sont empreints de noirceur !). En plus, ce fut plusieurs mois de travail par l'improvisation (c'est simple, il n'a pas pondu une ligne de partitions sur papier. Il ne reste que les paroles mêlant occultisme et batailles épiques.). Darknened By an Occult Wisdom démarre sur les chapeaux de roues avec le puissant "Ancient Mysticism and Fullmoon" chargé d'atmosphères nobles, mélancoliques et agressives et de riffs empreints de ténèbres. La production, loin d'être grinçante ou compacte et lourde, est crue, lancinante et comme sur le fil d'une lame qui vous lacère le visage, et reste (relativement) audible. Les riffs s'entendent plutôt bien, la basse est comme une ligne morbide à l'arrière, rampante. La batterie (oui, une vraie, pas une boite à rythmes) est peut-être un constant blast, mais les breaks et changements de rythmes sont opportuns.
Mais par dessus tout, le chant donne vraiment corps à ce black metal plus noir que la nuit : il semble être le souffle d'un démon tapi dans les montagnes, un hurlement depuis le ciel. On ne pouvait pas rêver mieux comme son et chant pour éviter soigneusement les imitations de Vikernes et consorts. L'atmosphère noire, crue et épique, définition même du black metal, reprend ses droits dans le morceau "Miraculous Dark Mysteries" qui évoque à nouveau l'ignoble Seigneur Voland avec ses riffs touchants, désespérés et parfois lyriques (quoique simplistes, mais bon, les quelques morceaux sont assez courts). Cette impression se retrouve à l'écoute du non moins superbe "Wisdom of the Forgotten". Quant à la déclamation en plein milieu de "Miraculous...", et cette impression d'entendre une lame siffler constamment en l'air, amplifiée, elles réussissent à palier le caractère répétitif de ce Darkened By an Occult Wisdom. D'autant plus que le fait d'utiliser une vraie batterie, il faut le signaler de nouveau, change des boites à rythme de Kristallnacht, Darkspace et Mütiilation.
Mais parfois le bât blesse, car le dernier morceau, pourtant climax de ce black metal dépourvu d'artifices et respectueux de ses origines, démontre la faiblesse de cet album : malgré des riffs plus marqués par un froid glacial et une mélancolie, il y a une certaine ressemblance avec le précédent morceau. Il faut bien avouer que cet ensemble est assez répétitif, et l'auditeur a le choix : une hypnose sinistre ou une vertigineuse envie de stopper avant de dormir. Aucune tentative de promouvoir un juste milieux n'est ainsi autorisée. Il est aussi par moments assez difficile de percer ce mur de son, d'autant que la batterie, encore, est plutôt étouffée (même si c'est mieux que tout couvrir). Mais par moments (ouf), Surtr décide de se lâcher et son hurlement claustrophobe se fait plus oppressant et devient presque aussi brutal et éraillé que ceux de Xaphan. Tandis que le blast et le riff de plus en plus grinçant se perdent, un vent glacial disperse vos cendres, après ces neufs minutes et demi. Ce qu'il fallait pour éviter à l'auditeur de couper au bout de la moitié de la quatrième piste de peur de voir ses oreilles malmenées par divers larsens.


Darkened By An Occult Wisdom semble ainsi, et c'est là tout son avantage, relever le défi de faire LE black metal, sans synthétiseurs, sans orchestres, sans chœurs ni intros, censées être l'antichambre de l'enfer. Surtr BlackMoon vous y entraine sans fioriture ni points de repères, et vous êtes livré aux hordes de guerriers sauvages et cruels. Et même si cela peut confiner en un mortel voyage au bout de l'ennui, ce n'est que relatif, car si répétitivité il y a, le mieux est toujours de ne pas la rendre chiante. D'autant que le fait qu'il joue seul et en improvisation totale rentre en ligne de compte. Réussissant ce défi, Blåkulla vient ainsi rejoindre la caste des groupes qui font de leur premier et/ou unique album une pièce maitresse dans le panthéon du black metal en cette nouvelle décennie. Puis surtout, il en rejoint une autre : ceux des groupes qui réussissent à frapper fort, d'entrée, avec comme tout premier objet un album.


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