« Allô Scully ? C'est Mulder. Réveille-toi, il est temps de sortir de la retraite. Je viens de mettre la main sur un cas très intéressant, un type nommé Steve Souza, qui prétend avoir été enlevé par des extra-terrestres fin 2004. Il croit que George W. Bush est encore président, le pauvre… Il dit aussi qu'on le connaît mieux sous le surnom de Zetro, mais ça, je suppose que c'est un traumatisme dû à sa période de captivité. Il dit aussi que… Quoi ? Comment ça, c'est du flan, il glandouille depuis 8 ans ? Que je te laisse dormir ? Allô ? »
Ce qui est sûr, c'est que depuis son départ d'Exodus dans des conditions rocambolesques (ce qui lui avait valu de doux noms d'oiseaux de la part de Gary Holt à l'époque), le Zetro, il a pas foutu grand-chose. 2 albums avec Dublin Death Patrol, un projet davantage récréatif que sérieux, un album avec Tenet, un supergroupe avec Glen Alvelais de Forbidden et les mecs de Strapping Young Lad mais qui n'a pas tenu toutes ses promesses… et c'est tout. En 8 ans, ça fait pas lourd… Mais revoilà le canard le plus célèbre du thrash à la tête d'un nouveau projet conçu pour s'inscrire dans la durée. Un projet dans lequel il passe pour le cougar de service, puisque le très bientôt quinquagénaire s'est allié à de jeunes loups… dont deux de ses fils à la section rythmique ! Et d'après lui, il ne faut y voir aucun soupçon de népotisme, puisque ces derniers sont arrivés après les deux guitaristes et qu'ils n'ont décroché le poste qu'au mérite. Effectivement, à la batterie, Nick Souza assure comme un chef. Quant à Cody Souza, bon, c'est un bassiste de thrash quoi, il faut vraiment tendre l'oreille pour le distinguer…
Là où on se dit que Souza a dû tomber dans une faille spatio-temporelle, c'est qu'il reprend les choses exactement là où Exodus en était au moment de son éviction. Déjà, le nom du groupe est tiré d'un morceau de Tempo of the Damned, en l'occurrence "Scar Spangled Banner", dont les paroles étaient pourtant signées Gary Holt. Le thème général des paroles renvoie lui aussi à Tempo of the Damned, avec des textes très acides, notamment sur la société américaine. Quant au style musical, devinez-quoi ? Bingo, il s'agit effectivement du prolongement exact de la direction de Tempo of the Damned, et plus largement du style d'Exodus. Les riffs, les passages heavy qui donnent de la dynamique aux morceaux, les solos en pagaille, les chœurs bourrins… Tout la panoplie est là. Certains titres sonnent comme du Exodus pur jus, comme "The Violent Times of my Dark Passenger" ou "Heroes of Origin", dans un format plus compact à la "Strike of the Beast". Même quand Hatriot lève un peu le pied sur "Weapons of Class Destruction", on ne peut s'empêcher de penser à "Fabulous Disaster" ou "Forward March".
La petite différence, c'est qu'Hatriot se montre peut-être encore plus agressif qu'Exodus. Le jeu de Nick Souza y est pour beaucoup, lui qui n'hésite pas à placer des patterns à la limite du death comme sur "Blood Stained Wings" ou sur le plan final apocalyptique de "Globacidal". La production très sèche de Juan Urteaga, la même que celle concoctée pour le dernier Heathen, renforce également ce sentiment. Du coup, Zetro se met au diapason et braille presque plus qu'il ne chante, ce qui est un peu dommage. Certains regretteront peut-être le côté uniforme des morceaux, qui sont quasiment tous issus du même moule, tant la durée que dans la construction (seul "Shadows of the Buried" prend un peu plus son temps, et c'est une piste à creuser pour le groupe) ; maintenant, comme ils valent tous le déplacement, ce n'est pas trop gênant. Chacun dispose de son petit truc en plus, un riff, un refrain, un break… Seul "Mechanics of Annihilation" manque clairement d'idées, et le soufflé "And your Children to Be Damned" se dégonfle à cause de son break raté ; pour le reste, rien à redire, Hatriot connaît son boulot.
Heroes of Origin est un album de thrash à l'ancienne sans pour autant sonner passéiste comme le font les groupes estampillés thrash revival : 10 titres, un peu plus de 40 minutes, du riff, de la sueur, beaucoup d'agressivité et de violence, ce qui vient nous rappeler que le thrash était considéré à la base comme du metal extrême avant de se faire supplanter par le death et le black sur ce terrain… On espère qu'Hatriot saura par la suite s'émanciper de l'influence d'Exodus, mais pour un début, c'est vraiment prometteur.