Bon, ben ça devait arriver. Korn l'a fait avec son dernier album, la vile scène auto-nommée crabcore / dubcore récente s'était déjà emparé du phénomène pour en gaver de samples ses insupportables agressions contre le métal et le hardcore (on pense à Attack Attack, à The Bunny & The Bear, Tasters et autres sous-merdes). Il n'y a bien que Enter Shikari qui arrive depuis des années déjà à correctement manier le risque très conséquent que représente l'incorporation massive d'éléments électro dans son son (je ne parle pas là de quelques simples beats et samples de ci-de là). Et là, je vous présente le premier groupe de deathcore/dubstep qu'il m'ait été donné d'entendre à ce jour, Beyond All Recognition. Et en plus ils sont Suédois...Pourquoi ?
Car franchement, c'est... Pfff, que dire, c'est chaud quoi. Déjà, la différence majeure avec les autres groupes s'étant aventurés sur ce terrain plus que miné est que BAR pousse le bouchon extrêmement loin, leur son étant au final plus une sorte de dubstep deathcorisé que le contraire. Cet album est donc majoritairement électro et dubstep : place aux rythmiques ultra lourdes, lentes (quelques violentes saillies mises à part, comme sur "Bitch Please" ou "Smoke and Mirrors"), saccadées et bardées de samples et de machines absolument imbitables à la Skrillex (les mecs sont indubitablement de lourds fans de l'interlope pape du dubstep de hard discount au style capillaire sujet à caution). Si on veut se faire un peu l'avocat du diable, on peut dire que le lien entre les deux est plutôt logique et évident pour les plus jeunes générations de metalleux se mettant au genre : d'un côté, cela permet de clairement atteindre un public plus large (cf. le succès de ces billes d'Attack Attack), et de l'autre, il faut bien reconnaître que la lourdeur, la lenteur et le côté profondément saccadé des gros beatdowns deathcore hérités du hardcore se prêtent bien à l'incorporation des éléments dubstep les plus putassiers qui soient. Sauf qu'après ça, il n'y a plus que le talent qui parle pour que prenne, ou non, la mayonnaise.
Et là où un groupe comme Enter Shikari a su s'imposer comme une valeur sûre en diversifiant son éventail d'influences et surtout en faisant preuve d'une énorme identité et d'un talent de composition indéniable, un groupe comme Beyond All Recognition se vautre plutôt dans la grosse facilité en se contentant, la plupart du temps, de coller des samples parfois d'inspiration récente, parfois un peu plus classique ("Brace Yourselves", avec un feat. assez moche de Bjorn Strid ; "What We'll Die To Defend") absolument partout dans ses compos. Mais cela ne leur suffit apparemment pas et le groupe en vient parfois à tout simplement laisser les clés du camion bariolé à son DJ pour bananer des gros plans dubstep à qui mieux-mieux ("Drop = Dead", "End of Recognition", qui est juste du dubstep, sans rien d'autre), péniblement suivis par des guitares bien souvent réduites à un simple rôle d'habillage des compos (hérésie !). Le batteur voit également une partie de son champ d'action complètement vampirisé par les beats et ne peut offrir aucune diversité ou finesse dans son jeu, finesse qui serait de toute façon passée à l'as par une production et un mix des plus pompiers. Quant à la basse, elle semble pour sa part définitivement et totalement digitalisée. « Drop the Bass » donc, comme dirait l'autre. Enfin, une pochette véritablement affreuse, aux couleurs criardes et au visuel franchement raté vient parachever le tableau peu reluisant présenté jusqu'ici.
Bref, c'est plutôt choquant, mais ce qui est véritablement dérangeant, c'est que si l'on peut comprendre que tout cela ait été orchestré dans le but d'accrocher l'auditeur et de lui proposer quelque chose d'un peu novateur, on ne comprend par contre absolument pas pourquoi cela a été fait de la sorte, car le résultat est très, très loin d'être probant. Tout semble forcé, mécanique, plaqué, la cohérence de l'ensemble se fait rarement sentir et quand c'est le cas, difficile de se laisser emporter par un son aussi enflé et générique. Car même en faisant tout plein de bidouillages numériques dans ses compos (sur le chant, le son des guitares, de la batterie, etc.), BAR sonne déjà entendu. Mille fois déjà entendu même, la faute à une certaine pauvreté des morceaux, et notamment les riffs, qui font un peu de la peine, se contentant de tourner à vide sur des cordes graves, un ou deux accords pachydermiques répétés à l'envi. Tristesse. Là où un Enter Shikari en fait moins des caisses en incorporant ses éléments électro de manière plus fine, pensée mais surtout variée, BAR au contraire, tel un bon gros Emmure du dubstep ou un The Browning (qui évolue dans la même veine que les Suédois sans plus de réussite), fait son balourd et en fout partout, et surtout de la même manière sur chaque foutu morceau. Le résultat est lassant, peu enlevé et répétitif au possible. Bref, c'est assez mauvais et on s'ennuierait peut-être moins en écoutant un énième album de thrash allemand old-school poum-tchac poum-tchac que ce truc soi-disant novateur.
Pour conclure, la nouveauté et la modernité c'est bien, mais ça n'excuse pas tout, en tout cas sûrement pas de profiter de cette velléité somme toute honorable pour, derrière les oripeaux dubstep et les atours électro, faire du gros metalcore / deathcore de supermarché à l'inspiration digne d'un Asking Alexandria (comprendre en dessous du 0 absolu). Bref, sortie de piste, album lourdingue, recette périmée avant même d'être mise en rayon. Que ce soit bien clair : mélanger électro et metal demande un doigté assez fou, ainsi qu'un caractère et un talent certains, ce n'est pas du bricolage. Et les trompettes de BAR sont assez loin du compte... Bref, ils ont beau avoir eu la décence de ne pas blinder l'album de voix claires émo rebutantes, ils n'échappent pour autant pas au coup de gueule.