CHRONIQUE PAR ...
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Conrad Thomas "Cronos" Lant
(chant+basse)
-Jeff "Mantas" Dunn
(guitare)
-Anthony "Abaddon" Bray
(batterie)
TRACKLIST
1) Black Metal
2) To Hell and Back
3) Buried alive
4) Raise the Dead
5) Teachers' Pet
6) Leave Me in Hell
7) Sacrifice
8) Heaven's on Fire
9) Countess Bathory
10) Don't Burn the Witch
11) At War with Satan (preview)
DISCOGRAPHIE
Avec la sortie de Welcome to Hell, Venom a frappé un grand coup et donné un bon coup de pied dans la fourmilière heavy metal pourtant en plein renouveau en sonnant plus dur que n'importe quel autre avant lui. À la fois surpris par l'ampleur du succès rencontré et satisfaits de leur coup parfaitement calculé – ces types sont loin d'être les crétins qu'on a bien voulu dépeindre – les trois outlaws comptent bien enfoncer le clou en accouchant rapidement d'un successeur qu'ils enregistrent en une semaine et baptisent Black Metal. Ici débute le mythe. Dans tous les sens du terme.
Car enfin, Venom est-il vraiment l'inventeur du courant musical qui porte le nom de son deuxième lp et, accessoirement, de son titre d'ouverture ? Celui-ci commence par ce qui se rapproche le plus du bruit d'un marteau-piqueur en pleine action, préparant le terrain à un riff perforant rapidement renforcé par les vocaux les plus rugueux de l'époque prédisant l'apocalypse à chaque verset. Si l'on ajoute une section rythmique pour le moins primaire, on se dit que peu de choses ont changé depuis la réalisation précédente et que les trois compères n'ont toujours pas appris à jouer de leurs instruments - mention spéciale à Abaddon, le marteleur de fûts au jeu incroyablement répétitif. Pourtant, quelques éléments viennent aérer le propos et le rendent (un peu) plus abordable. Certes, ce n'est pas la révolution : bien que moins brouillonnes, la guitare de Mantas est toujours aussi âpre, la batterie surmixée dans les aigus et la quatre-cordes dans la scansion systématique. Néanmoins, le bassiste-grogneur Conrad Thomas Lant alias « Cronos », aidé du producteur malin Keith Nichol, forge ici un son plus profond, un chouïa moins crade et met ainsi un voile pudique sur les influences punk revendiquées sur le premier recueil. Si le terme « metal » a été choisi pour en former l'intitulé, ainsi que la face B du vinyle, ce n'est donc pas un hasard. Les morceaux restent sauvages tout en faisant l'objet d'un travail un peu plus soigné - toutes choses égales par ailleurs.
À commencer, on y revient, par "Black Metal" et son célèbre refrain incantatoire « Lay down your soul to the god's rock 'n' roll ! » éructé a capella. Un véritable hymne, repris jusqu'à l'overdose par une palanquée de collectifs de metal extrême. Presque toutes les autres compositions sont également calquées sur le schéma « Motörhead débride sa japonaise » - "Heaven's on fire" faisant songer à une version accélérée d' "Ace of Spades". Mais les Britanniques ont pris la peine de ménager quelques digressions jubilatoires. Ainsi, "Buried alive" renoue avec l'esprit barré du premier effort longue durée en débutant par une oraison funèbre récitée d'une voix pâteuse tandis que les pelletées de terre s'amoncellent sur le cercueil; le type enfermé à l'intérieur se rappelle soudain qu'il a encore des trucs à dire et se lance dans un monologue mis en musique sur un inhabituel mid tempo, interrompu par le véloce "Raise the Dead", à réveiller un mort - et même plusieurs - en effet ! Et que dire de "Teacher's Pet", qui introduit l'auditeur dans la quatrième dimension ou, plus précisément, dans l'intimité d'une enseignante dispensant un cours très privé à un élève qu'elle a surpris en train de se faire du bien pendant la classe, tandis que les camarades du « chouchou » enjoignent l'entreprenante pédagogue à leur dévoiler la partie antérieure de son thorax sur l'air d'une improbable chanson à boire reprise en chœur après un solo 100% blues ? Du pur délire.
La suite est un peu plus classique, avec notamment l'excellent riff tout en célérité de "Sacrifice" - séquence au croisement du heavy metal et du speed que la formation est en train d'initier. Arrive alors l'autre « tube » du disque, "Countess Bathory", au tempo moins rapide mais porté par un thème d'une redoutable efficacité et débarrassé, pour une fois, du solo grossièrement taillé au vibrato dont Mantas s'est fait une spécialité. Enfin, cette production n'aurait probablement pas acquis sa flatteuse réputation sans son final dantesque - l'épithète est adéquat. "Don't Burn the Witch" démarre sur un motif hystérique qui colle au mur avant que le trio ne lâche les chiens dans une cavalcade effrénée tout en proposant des vocaux étonnamment sobres ainsi qu'un solo court et maîtrisé : l'ambiance se tend. Surgissent alors des cris de souffrance à coller les frissons, à peine recouverts par la narration habitée de Cronos – Slayer s'en souviendra lorsqu'il composera "Hell Awaits" trois ans plus tard. Il s'agit en réalité de l'introduction d'"At War with Satan", la piste au long cours qui figurera sur l'œuvre suivante et dont les premières mesures en decrescendo sont proposées ici en guise d'apéritif. Futé, non ?
Grâce à Black Metal sorti en novembre 1982, Venom consolide sa place de leader du metal extrême que les « Fils de Satan » avaient initié l'année précédente. Ce deuxième effort longue durée possède des atouts qui influencera manifestement un certain nombre de nihilistes scandinaves : la fameuse pochette à tête de bouc dessinée par Cronos, les paroles sataniques et les intitulés, « evil » à souhait. Cependant, même si on peut supposer que le jeune Suédois acnéique qui a baptisé son projet « Bathory » quelques mois plus tard a dû beaucoup écouter cet enregistrement, celui-ci ne constitue pas la première manifestation du black metal - musicalement s'entend. On a avant tout affaire ici à un metal rapide et sale qui opère la jonction entre le heavy encore mélodique de ses contemporains et le thrash dont cet album détonnant et réjouissant, couplé à son prédécesseur, constitue la rampe de lancement idéale.