« Bonjour Docteur. Comme vous le savez, l'hiver est arrivé et l'heure est propice aux maladies. Evidemment, si je viens vous voir, c'est parce que comme tout le monde, je suis tombé malade moi aussi. Oh, le truc bête: j'ai pris froid. C'est qu'en Finlande, on commence à se les cailler vous savez. Pourtant, ce n'est pas faute de m'être enrubanné sous de multiples couches de vêtements hein : manteau, pull, sous-pull, bonnet, écharpe, gants, la panoplie complète. Bref. Vous connaissez déjà la chanson je suppose. Evidemment, puisque tout le monde vous raconte la même chose... »
Les Finlandais dépriment dans leurs froides nuits d'hiver. Les médecins doivent avoir du boulot. Surtout que nos amis Nordiques ne font rien pour se faciliter la vie. Et ce n'est pas un groupe de la trempe d'Hanging Garden qui va leur remonter le moral. En effet, le groupe, dont At Every Door est le troisième essai, officie dans un metal tristounet, pour le moins nocturne et froid. En bref: la Finlande s'invite chez vous. Comprenez par là que la musique du groupe se pare d'une production aux petits oignons, d'une lenteur assumée, et qu'elle se veut un brin triste et excessivement mélodique. On pense immédiatement à Ghost Brigade, d'autres malades touchés des mêmes symptômes. Peu conseillé pour les soirées entre amis, At Every Door est un album lourd et intimiste qui reprend ainsi tous les principes actifs de la recette finlandaise.
Les riffs sont lents, lourds et servent des compositions assez simples mais de durée respectables (six minutes, en moyenne). La voix, elle, est le plus souvent grave et rocailleuse lorsqu'elle ne nous sussure pas quelques mots doux. Votre maman ne l'aimera pas. Ou alors vous aurez une raison supplémentaire d'aimer votre maman. Passons. Au milieu de toute cette masse violente et froide (imaginez un gros rocher plein de neige et en forme de boule : la meilleure analogie possible), le Finlandais ne peut s'empêcher d'arrondir les angles. Pour ce faire, il use périodiquement et sur chaque titre, de guitares claires teintées d'échos, de touches de piano limpides... Il aère l'espace comme il peut, et souvent efficacement. C'est d'ailleurs peut-être pour ça qu'il prend froid.
Ouais, parce que c'est bien beau d'être malade, d'être triste, tout ça, mais il faudrait tout de même vérifier que ce n'est pas un bête effet nocebo. Avec un coup de méthode Coué, tout irait pour le mieux. Car, certes, si tout est lourd,si tout est beau, si tout est triste, tout cela semble au final bien peu honnête. La déprime hivernale semble bien plus jouée et interprétée, que ressentie. Si cela n'influe nullement sur le plaisir ressenti lors de l'écoute (car plaisir il y aura pour l'amateur de sonorités mélancoliques, c'est certain), cela joue en revanche beaucoup sur l’intérêt à moyen terme du traitement (cf. les derniers Katatonia ou Draconian - Suédois, eux, mais souffrant visiblement des mêmes maux).
« Docteur, c'est encore moi. J'ai suivi vos conseils mais je suis toujours malade. Que puis-je bien faire d'autre ? Comment ? Vous dites que je dois croire en ce que je fais et que cela passera mieux ainsi ? Changer de régime? Enlever du sucre? En effet, pour tout vous dire, j'aime bien le sucre. J'en rajoute un peu partout, comme ça. C'est meilleur. Vous pensez qu'avez moins du sucre le remède aurait mieux fonctionné ? Ah, eh bien dans ce cas je vais y penser pour la prochaine fois. Merci Docteur . »