On les connaît les râleurs, les ronchons, les ayatollah musicaux. Avec eux, l'insurrection gronde en permanence et cherche sans cesse une proie sur laquelle se décharger. Autant prévenir d'emblée ces charmants personnages, Scum of the Earth donne dans l'indus. Rien qu'avec ça, le trve warrior of steel a de quoi grogner : "le metal, c'est plus ce que c'était , gningnin, mieux avant, blabla...". Sauf que voilà, The Devil Made Me Do It est un album mutant de la pire espèce. Une sorte d'anomalie. Lâchons le morceau : l'indus du groupe, sur ce troisième essai, s'acoquine avec une cible idéale: le dubstep. Arrêt cardiaque du puriste qui imagine le carnage effectué sur sa musique et incompréhension dans le regard paniqué du profane qui ignore encore à quelle sauce il va être mangé...
Reprenons les choses dans l'ordre. Les malfaiteurs ne sont ici d'autres que les musiciens de Rob Zombie, dont le fameux Mike Riggs, guitariste de son état. Qui connaît donc la musique proposée par Rob Zombie aura déjà une idée de ce que renferme cet album. Les rythmes sont tranchants et le chant est proche de celui de feu-Manson. Les morceaux, eux, sont le plus souvent tubesques. The Devil Made Me Do It permet aux compères du Zombie de continuer à faire mumuse pendant que Monsieur tourne des films d'horreurs. Il est donc logique de rapprocher les deux projets. Les pistes sont rythmées, dansantes, décadentes. Scum of the Earth n'est pas fait pour se prendre la tête. Au contraire, l'objet serait même un peu idiot sur les bords (le morceau éponyme est à ce titre tristement remarquable, avec son refrain abrutissant scandé une centaine de fois en trois minutes).
On le sait, quand le chat n'est pas là, les souris dansent (et se droguent surement, mais chut). Et comme Zombie est occupé, ses potes laissent ici libre cours à leur folie créatrice, qui se porte donc ici vers le dubstep. Le dubstep, c'est ce courant de musique électronique récemment popularisé par Skrillex et introduit dans notre milieu par Korn. Le principe en est simple : renforcer les basses, déstructurer les sons, rajouter des "wüb-wûbzoom-zoom" un peu partout et exploser dans tous les sens. Pour faire bref : le dubstep est un truc de djeunz. Killers et British Steel sont dépassés les mecs. D'ailleurs, la guitare commence à se faire has-been d'une manière générale chez nos chères têtes blondes. Et ça, Scum of The Earth l'a bien compris. Bienvenue au XXIème siècle, wubwub.
L'alliance du dubstep et du metal est peut-être récente, mais pas nouvelle. Et si Korn avait réussit son essai, le résultat obtenu par Scum of the Earth laisse quant à lui plutôt dubitatif. Certes, certains morceaux sont des tubes de la trempe d'un "Drugula". Ce sera le cas de "Born Again Masochist", "Sounds of the Dead" ou "Pray". Ces morceaux, semblables aux autres pistes de l'album, sont simplement plus efficaces. Quant aux autres morceaux, justement, ils ne sont souvent qu'une successions d'éléments électroniques agressifs et de guitares tranchantes aux rythmes saccadés. L'organique et le synthétique s'entremêlent dans une joyeuse effusion de n'importe quoi. Sauf que passée l'excitation de la première écoute, les suivantes donnent l'impression d'avoir une éponge à la place du cerveau. On s'en prend plein la tronche en permanence et... c'est tout. Bon. Ce n'est pas désagréable, loin de là, mais l’intérêt est rapidement limité.
Et tout le problème est ici. Si c'est les premières écoutes sont assez plaisantes, voire carrément enthousiasmantes, l'objet devient très vite irritant et fatiguant. A trop forcer sur les rythmes et l'aspect déstructuré de l'infernale fusion indus' / dubstep, les musiciens semblent en oublier de faire... de la musique. Scum of the Earth n'est pas musical. C'est énergique, enthousiasmant, rigolo, innovant, idiot, affligeant, wubwub, ce qu'on veut sauf musical. Du coup, The Devil Made Me Do It sera écouté cinq fois, le sourire chaque fois décroissant, avant d'être remisé au placard, lieu où l'album attendra d'être ressorti à l'occasion une hypothétique soirée bière-pizza-bière-FPS-bière. C'était rigolo. Suivant.