CHRONIQUE PAR ...
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-Isabell "Issa" Øversveen
(chant)
-Mario Percudani
(guitare)
-Alessandro Del Vecchio
(claviers)
-Anna Portalupi
(basse)
-Alessandro Mori
(batterie)
TRACKLIST
1) Can't Stop
2) Power Over Me
3) Wherever I Run
4) Just A Wish
5) If You Ever Fall
6) Do You Ever Think Of Me
7) Dream On
8) Stranded
9) Heat Of The Night
10) I Won't Surrender
11) State Of Love
12) These Eyes
DISCOGRAPHIE
Si dans nos sociétés démocratiques, les femmes gagnent lentement mais sûrement la place qu'elles sont en droit d'exiger après des siècles de machisme éhonté, l'accès à certains domaines de compétence risque de poser problème encore longtemps. On pense à la Représentation Nationale, à la manutention des containers sur le port de Dunkerque (en pondérant cependant avec le nombre de candidatures spontanées) et au hard rock. Bien sûr, des « metal queens » il y en a eu et il y en a probablement un peu plus qu'avant. Mais malgré quelques icônes récentes, elles demeurent ultra minoritaires - au grand dam de la partie plus fortement testostéronée du public.
Tout ça pour dire qu'il est bien dommage d'en être encore en 2012 à s'exclamer à la sortie du troisième lp d'Issa : « Tiens, une fille. » Bah ouais, ça arrive et un jour - béni - on ne relèvera plus. Ceci étant dit, que les choses soient claires : Isabell Øversveen de son vrai nom ne donne ni dans le registre pseudo-lyrique apparu avec la vague de certaines factions pompières de metal symphonico-atmosphérique, ni dans les growls menaçants façon Angela Gossow (Arch Enemy) ou Candice Clot (ex-Eths). Non, la Norvégienne officie dans le hard FM. Une toute autre histoire, initiée au féminin dans les années 80 par Ann Wilson (Heart), Lee Aaron, Doro Pesch ou encore Lita Ford mais qui ne résulte pas ici d'un adoucissement (affadissement ?) progressif mais bien d'un choix revendiqué. Ce qui est certes louable mais ne présume pas forcément de la qualité des chansons. Intervient alors Serafino Perugino, le très calé patron du label italien Frontiers, qui invite sa nordique Galatée à écouter une sélection de plusieurs sommités de l'AOR (Album-Oriented Rock) tels que Mark Free, Aviator, Atlantic, Regatta ou Worrall. Difficile de se tromper avec ces noms qui ne diront cependant pas grand chose à l'immense majorité d'un public français qui n'a que rarement goûté un style pourtant très populaire dans d'autres contrées davantage réceptives à ce mélange de pop et de hard, les Etats-Unis en tête.
Brisons le suspense tout de suite : au petit jeu casse-gueule des reprises de standards hyper calibrés – et Dieu sait que le formatage n'est pas un vain mot quand on évoque l'AOR – Issa s'en sort bien. Et même très bien sur les ritournelles les plus enlevées tels que "Can't Stop" (Tower City) – excellent opener - "Wherever I Run" ou "Dream On". Épaulée par un quatuor de redoutables spadassins missionnés par le boss, la Scandinave accomplit sa tâche avec un sérieux et une passion jamais pris en défaut, même si on pourra regretter sa tendance à forcer sur les passages les plus aigus (le refrain de "Power Over Me"). C'est fluide, en place et sans accroc. La section rythmique envoie du bois mais pas trop tandis que le synthé refait la déco : le contrat hard FM est respecté jusqu'au bout des (faux) ongles. C'est d'ailleurs la limite de ce disque, tant le collectif semble s'interdire la moindre relecture personnelle des morceaux d'origine. Ainsi, la version de "These Eyes" est un calque quasi-parfait du titre crée vingt ans plus tôt par 21 Guns, l'un des groupes post-Thin Lizzy de Scott Gorham. Seule la tonalité change. Outre deux ballades à la limite de la mièvrerie (merci guitares), on pardonnera également à l'auditeur non versé dans le fanatisme hardcore de se lasser en fin de parcours de quelques pistes un peu trop homogènes, un phénomène inhérent à un genre aussi codé que le hard FM.
Si Issa voulait se hisser au niveau des pointures de son style de prédilection, l'objectif est pratiquement atteint : sa prestation vocale sur ces douze covers, sans être bouleversante, est suffisamment agréable pour en faire une interprète qui compte dans l'univers du hard FM. Can't stop comblera sans nul doute les aficionados de l'AOR et même si certains passages obligés sont un peu trop riches en sucre, ce recueil constitue une bonne initiation à celles et ceux qui souhaitent se frotter à ce genre relativement exigeant. Il n'est donc pas interdit de passer le cap d'une pochette à la limite du racolage – non, les demoiselles qui tiennent absolument à vous montrer le moindre défaut de confection de leur mini-short ne jouent pas toutes « dans des clips pourris de R'n'B ».