Haaa Pantera… Cà c’était du putain de gros thrash sans complexes comme on savait en sortir au début des années 90, quand la première vague de la Bay Area commençait à donner des signes de faiblesse. On a tous massacré nos potes sur des titres comme "Mouth For War", "Walk" ou "Cowboys From Hell". Alors forcément, quand la nouvelle du split est tombée, ben on est tous un peu tombé sur nos culs, même si on sentait bien que le filon qu’exploitait le groupe, sur ses deux premiers « vrais » albums notamment, commençait à s’épuiser. Si Phil Anselmo avait de toute évidence préparé depuis longtemps la transition (avec son groupe de camés), ne plus revoir les frangins Abbott aurait été le plus gros gâchis de ce début de siècle. Mais la riposte ne s’est pas faite attendre, et c’est aujourd’hui à la tête d’un nouveau combo, Damageplan, que ces deux furieux nous balancent un New Found Power bien mitigé…
Comme vous vous en doutez, j’attendais cette galette comme certains attendent la résurrection d’Elvis Presley. Et la simple vue de la pochette (une énorme explosion, de laquelle sort le groupe, la démarche chaloupée) me laissait présager des riffs les plus vicieux, et des solos les plus tordus, qui abondaient dans feu la machine Pantera. Ouais, hé ben au moment même où j’écris ces lignes, j’en suis encore à me demander comment ils ont pu renier ce glorieux héritage pour sortir un tel étron. Qu’on soit bien d’accord, je n’attendais d’eux qu’une seule chose : du power-thrash sans concessions. Et pas cette mixture poussive de morceaux néo et de ballades à deux sous.
La première partie de cet album est sans conteste la plus bourrine, comme l’illustrent les trois premiers morceaux, les plus ancrés dans la tradition, et par conséquent les plus réussis. On constate immédiatement que le ton a changé : Dimebag semble avoir délaissé sa saturation monstrueuse, celle qui a fait rêver tant de jeunes générations de gratteux, pour une saturation plus grasse, moins punchy, et pour tout dire tout à fait quelconque. Même Vinnie cogne ses fûts avec moins d’entrain et de patate qu’auparavant! C’est décevant bien sûr, mais il va falloir faire avec : les deux frangins ne pouvaient pas se permettre de sonner comme avant, et ils ont donc cherché à développer un rendu plus massif et plus sombre, propre à leur nouvelle écurie. Au moins, le chant de Patrick Lachman, l’ancien guitariste d’Halford, est très bon, et on sent à quel point le bonhomme a du potentiel. Ses gros braillements rauques ne pâliraient pas devant ceux de Phil Anselmo, et tout comme lui, il peut passer à des parties de chant clair sans perdre en agressivité, comme sur "Cemetery Gates" et "This Love" en leur temps.
C’est donc relativement satisfait que je conclue l’écoute des trois premiers morceaux, en espérant néanmoins me prendre enfin une véritable bombe sur le coin de la gueule. Hé ben non. A ce trio de tête succède "Pride", et commence alors pour moi l’enfer de la soupe populaire. Vous savez, cette soupe fade, mid-tempo, sans la moindre once d’originalité, et dont le refrain est tout à fait taillé pour tourner en boucle sur MTV. Je fuis immédiatement cette horreur, consterné, pour retomber en plein dedans, après un "Fuck You" honnête, où on retrouve enfin un de ces solos dont Dime avait le secret. Un coup de "Reborn", et me voilà à nouveau noyé dans le potage gras dont la profondeur artistique atteint celle d’un « Monochrome » de Whiteman. Le reste est de la même trempe, alternant péniblement entre power ballades pour adolescentes dévergondées ("Save Me", "Blink Of An Eye") et morceaux musclés d’une facilité affligeante ("Cold Blooded", "Explode"). C’est bien simple, il n’y a rien a retenir de la fin de ce trop long album, qui se conclut comme il se doit par "Soul Bleed", une guimauve sans nom indigne du talent des frangins Abbott.
Je n’irais pas par quatre chemins, New Found Power est un échec artistique retentissant. A trop vouloir cibler un public large, Damageplan se retrouve le cul entre deux chaises, coincé entre quelques morceaux agressifs, sympathiques mais pas exceptionnels, et d’innombrables ballades dont on se demande quel est le rapport avec l’imagerie du groupe et le passé de ses membres. Une immense déception.