CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Stakula
(saxophone+clarinette)
-Jarkko Niemelä
(trompette+hautbois)
-Mikka Hutunen
(orgue+piano)
-Tuuka Helminen
(violoncelle)
-Marko Manninen
(violoncelle)
-Santeri Saksala
(batterie)
TRACKLIST
1) Ristomaasiirtäjä
2) Henkipatto
3) Hajakas
4) Norsuvaljakko
5) Haudankantaja
6) Luu Mesingillä
7) Väärä Käärme
8) Uurnilla
9) Hirmuhallinto
DISCOGRAPHIE
« Tu es chroniqueur et tu dois classer un album un peu hors-norme ou utilisant des structures un tantinet alambiquées ? N’aie pas peur ! Le mot magique existe : prog ». Telle est la formule secrète à disposition de tous les chroniqueurs de l’univers. Autant dire qu’à l’écoute de Valta, sixième album des Finlandais de Alamaailman Vasarat, la tentation est grande d’utiliser le mot tout-puissant, tant la musique proposée est, comme sur les autres albums, assez déroutante. Des propres dires du groupe, on peut trouver dans la musique des Marteaux de l’Enfer (traduction du nom du groupe), des influences « tango, klezmer, jazz, psychobilly, cabaret, circus music, new-age, progressive avant-garde et du plus lourd des heavy ». Non seulement c’est vrai, mais en plus tout ce petit monde vit en parfaite harmonie.
S’il est vrai que, sur Valta, la musique de Alamaailman Vasarat contient tous ces ingrédients ou presque (pas trop de new-age ni de psychobilly…), certains styles sont plus mis en avant que d’autres. Pour faire plus simple, on pourrait dire que leur musique a une base klezmer (musique traditionnelle des Juifs d’Europe centrale) « modernisée », dans le sens où le rythme est impulsé par un batteur à la frappe relativement lourde. La batterie est ici le seul instrument commun avec les groupes de rock traditionnel, puisque les Finlandais n’utilisent ni guitare ni basse. Pas de chanteur non plus, le groupe utilise des violoncelles, de l’orgue à pompe et des cuivres, le dialogue entre ces derniers instruments (saxophone, clarinette, trompette, …) remplaçant avantageusement les voix humaines.
La musique en est-elle pour autant ringarde ou « dépassée »? S’il est vrai que la plupart des morceaux semblent venir de temps révolus, la ferveur avec laquelle ils sont joués et la variété d’ambiances proposées permet de répondre clairement : non ! De plus, les violoncelles (comme ceux d’Apocalyptica) permettent de produire un son extrêmement heavy quand le besoin s’en fait sentir. Dans ce registre, le titre qui clôt l’album ("Hirmuhallinto") aurait très bien pu être joué par un groupe de doom-death tant l’atmosphère respirée est opressante et mélancolique. L’ultra-rapide "Väärä Kärme" utilise également les violoncelles comme redoutable arme heavy sur fond de musique de cirque, pour un titre qui rappelle fortement Mr. Bungle. L’inquiétant "Norsuvaljakko" est aussi à ranger dans la catégorie « moderne ».
Dans un style bien moins proche de ce qu’une oreille métallique à l’habitude d’écouter, on soulignera le trépidant "Hajakas" qui commence comme un tango avant de donner dans le klezmer endiablé. L’ibérique "Henkipatto", très paso-doble dans l’âme, et le puissant "Lu Messingillä", peut-être les deux meilleurs titres de l’album, offrent quant à eux des chorus de toute beauté pouvant donner la chair de poule par moments. Quant à "Haudankataja", il pourrait être la bande originale d’un film français des années 60. Comme on peut le constater, chaque chanson est un monde propre que l’on apprend à apprécier au fil des écoutes. Peu de temps faibles à signaler (si ce n’est le pâlichon "Uurnilla" qui fait un peu figure de vilain petit canard) ce qui est bien peu, en comparaison de toute la masse de belles mélodies entêtantes qui figure sur l’album.
Avec Valta, Alamaailman Vasarat parcourt son bonhomme de chemin et, sans se soucier des modes, continue avec bonheur à faire connaître des genres sous-estimés par le monde du rock actuel (au sens large). Leur nouvel opus propose des ambiances extrêmement variées, certains morceaux étant même brillants. Il nous permet de passer un très bon moment et de faire comprendre aux gens que le klezmer n’est pas que la musique sur laquelle Louis de Funès danse dans Les Aventures de Rabbi Jacob. Il est clair qu’il s’agit d’un album réservé aux personnes pouvant trouver leur bonheur hors des sentiers métalliques (et même proggeux) classiques, mais celles-ci devraient y trouver leur compte et, pourquoi pas, avoir envie explorer l’entière discographie de ce groupe ô combien surprenant.