Votre serviteur est un pécroute. Il a découvert le metal dans la fin fond de sa Bretagne natale, dans un coin il y a avait plus encore moins de metalleux que de gens sobres le samedi soir. C'était fin 1995, à l'époque où le high tech, c'était feu le Minitel. Donc à l'époque, pour les découvertes, il y avait deux possibilités : le sampler de Hard Rock Mag', premier à proposer cette initiative, ou Best of Trash, la collection hebdomadaire de clips metal diffusée la nuit, qu'il valait mieux enregistrer sous peine d'arriver complètement crevé en cours.
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que c'est par cette deuxième voie que j'avais découvert Channel Zero, dont le clip de "Black Fuel" tournait régulièrement sur ladite émission de M6. Manque de bol, après l'album du même nom, ils ont décidé de raccrocher, victime de leur relatif insuccès. Dommage… Il aura donc fallu attendre pas moins de 13 ans pour que les Belges se reforment, avec leur lineup classique à une exception près, et pas la moindre, puisque Xavier Carion n'est pas la partie, handicapé par des problèmes d'audition. Son remplaçant à la guitare est loin d'être un inconnu puisqu'il s'agit de Mikey Doling, ex-Snot et Soulfly, mais Carion étant jusque-là le compositeur principal du groupe, on était assez curieux de voir comment Channel Zero allait se débrouiller sans lui. Et bien rassurez-vous, tout va bien, merci pour eux.
Les Belges ont décidé de reprendre les choses là ils les avaient laissées : du bon gros power US tendance groovy, avec des incursions tantôt dans le thrash, tantôt dans le grunge à la Soundgarden. Compte tenu de la direction artistique de ce nouvel album, on ne peut qu'approuver le choix de Logan Mader à la production. Le son est en parfaite adéquation avec la musique du groupe : les guitares sont à la fois grasses et puissantes, et le son de batterie restitue à merveille la frappe sèche de Phil Baheux, qui bénéficie en plus d'une bonne place dans le mix. Décidément, après son travail convaincant avec Cavalera Conspiracy ou Gojira, Mader ne cesse de s'imposer comme une des valeurs montantes de la production. Boosté par cette excellente base, Channel Zero attaque pied au plancher avec une première moitié d'album tout simplement impeccable.
En l'espace de 7 titres, Channel Zero nous démontre tout son savoir-faire. Judicieusement placé en ouverture, l'excellente "Hot Summer" allie le meilleur des deux mondes, avec son couplet musclé et son refrain groovy. Une voie qu'empruntent également "Freedom" et "In The City", deux titres solides mais un peu moins percutants, notamment le second avec son refrain assez générique. "Sidelines" s'avère déjà plus aboutie, avec son couplet calme et son refrain nu metal qui vous explose à la tronche. Et ce final, quelle lourdeur… Channel Zero n'en oublie pas pour autant ses racines plus extrêmes avec le martial "Electric Showdown" avec un Franky De Smet Van Damme en mode furax, ou le thrashy "Angels Blood", frontal et violent. Quant au catchy "Guns of Navarone", c'est un véritable hit avec son riff rock basique et sa rythmique binaire !
Malheureusement, les Belges ont un peu de mal à tenir le rythme. La baisse de régime intervient "Hammerhead", un titre très moyen qui prouve tout l'amour que Channel Zero porte à Pantera. Juste après, "Capitol Pigs" ne se montre guère plus inspiré et s'avère même assez pénible. On a bien peur alors que cela ne coupe définitivement les pattes de l'album, car "Ammunition", co-écrit avec Tommy Victor (qui l'a d'ailleurs « gentiment » conservé sur le dernier Prong), est correcte mais ne casse pas 3 pattes à un canard. C'est "War is Hell" qui relance la machine de fort belle façon, avec son couplet brillant dont les arrangements flirtent avec l'indus', donnant un véritable cachet à ce morceau. Autre parti pris intéressant, le couplet calme et dépouillé de "Ocean", qui ressemble presque à du Noir Désir. Dommage que le refrain soit si bateau…
Et bien ma foi, plutôt convaincant cette reformation de Channel Zero ! Hormis un petit coup de mou sur la fin, les Belges nous offrent une belle petite collection de morceaux pas forcément géniaux ni révolutionnaires, mais d'une solidité à toute épreuve. Certains fans de la première heure regretteront peut-être l'orientation US de plus en plus affirmée (conséquence de l'absence de Carion et de l'intronisation de Doling ?), mais cela reste du bel ouvrage. Retour gagnant donc.