Alors que les femmes sont très investies dans le milieu du metal symphonique et du gothique, elles sont, le reste du temps, plutôt absentes dans les autres genres. On en retrouve parfois dans le neo, dans le heavy ou dans le death, par exemple, mais pas souvent. La tendance commence néanmoins à s'inverser, les demoiselles arrivant de plus en plus dans ces genres-là. Et 69 Chambers, en provenance de Suisse, fait encore mieux : synthésiser tout cela avec Torque, leur second album.
Car 69 Chambers propose une musique globalement hybride. La rythmique, par exemple, officie souvent entre deux registres musicaux. On y retrouve généralement des accents heavy, la plupart du temps, mais également alternatifs, un peu à la croisée des genres entre le rock et le metal, contraste aussi souvent illustré par la lourdeur des morceaux, et le chant plutôt pop et aguicheur d'une Nina Treml qui est pourtant tout sauf une erreur de casting. Car la jeune femme, elle, sait varier sa voix, et se faire bien agressive, jusqu'à pousser des growls bien gutturaux, bien sentis et surtout, superbement maîtrisés, tout comme sa voix en général, qui est parfois sensuelle, parfois puissante, mais toujours charismatique. Elle est, sans conteste, un grand point fort du brûlot.
Mais ce qui tire le trio helvète vers le haut, c'est également la qualité de ses compositions, diversifiées. On évite la linéarité en proposant des pistes qui, parfois, sont dans des genres complètement opposés. Un melting-pot intéressant, mais qui restreint le public du groupe. Car en touchant à tout, il sera difficile de contenter tout le monde sur la longueur, certains n'apprécieront pas, justement, cette tendance à aller chercher vers chaque genre. Entre un "Ring a Bell", résolument rock avec des accents electro, un "The Doom of Her Power" oscillant entre heavy et metal altenatif, un "Elegy" qui évoque Tori Amos et un "Naughty Naughty Naughty" se coinçant magistralement entre le stoner, le heavy et le doom, il y a de quoi apprécier chaque aspect la musique de 69 Chambers, définitivement riche et bien construite.
Le défaut principal, c'est de ne pas arriver à maintenir une musique accrocheuse sur tout le long, et ainsi, succomber à quelques dispensables longueurs. "Burn Some Gasoline", "Ring a Bell" ou la reprise de Jeff Buckley, "Grace", ne sont pas particulièrement convaincants, et peinent à se démarquer face aux excellents "Anhedonia", "The Doom of Her Power", "Bring On the Flood" ou encore "And Then There Was Silence". C'est là où 69 Chambers doit encore s'améliorer : s'il faut mettre moins de morceaux, mais que du bon, alors au diable le remplissage, optez pour cette formule ! Car si tout était du calibre de la somptueuse "The Doom of Her Power", alors l'opus aurait atteint des sommets !
Torque est un album très intéressant, pour un groupe qui l'est tout autant. 69 Chambers sait mélanger les styles avec succès, et parvient à nous faire accrocher à ce brûlot fort bien construit et produit (en même temps, c'est Tommy Vetterli aux manettes, qui joue également de la guitare dans le groupe). Voilà qui donne envie d'avoir un opus suivant, encore supérieur à celui-ci, et c'est tout le défi du groupe suisse. A surveiller de près !