Tout de même, cette situation est ubuesque. Comment la résumer ? Eh bien disons, que pour la première fois dans l’histoire de la musique (à ma connaissance, certes), un groupe s’est scindé en deux entité différentes mais se voulant chacune la continuité du groupe original. Et tout cela, amicalement - au moins de façade. Donc, aujourd’hui, il y a deux Rhapsody : celui emmené par Luca Turilli qui nous occupe aujourd’hui, et celui dirigé par Alex Staropoli, Rhapsody Of Fire, qui va sortir (lui aussi) le 11ème album de l’entité Rhapsody (qui n’existe officiellement plus sous ce nom pour des raisons légales, mais ça vous le savez). Vous ne rêvez pas : le monde s’apprête donc à connaitre 2 onzième album de Rhapsody. Y survivra-t-il ?
Ici, donc, c’est Turilli le premier à dégainer avec son Luca Turilli’s Rhapsody, qui n’est pas – il l’affirme haut et fort – un nouvel album solo du monsieur, mais bien le 11ème album (n° 1) de Rhapsody. Dans cette parthénogenèse, Luca a récupéré ses petits camarades Dominique Leurquin et Patrice Guers. Alex Holzwarth a décidé lui de marteler les fûts dans les 2 formations à la fois. La schizophrénie le guette (Breaking News ! En fait non, il vient d’être remplacé par Alex Landenburg. Que de rebondissements haletants). Bref, une fois qu’on aura fini de rigoler de cette partouze incestueuse, le temps viendra de voir ce que nous propose concrètement Luca Turilli qui reste, malgré tout, le légitime maitre de Rhapsody dans le cœur des fans. Et c’est là qu'Ascending To Infinity intervient. La confiance était de mise, après le très bon album From Chaos To Eternity qui montrait que si la recette du groupe italien était rodée, cela ne l’empêchait pas de briller avec des compositions envolées et audacieuses. Malgré tout, l’hyperactivité de Turilli permettait une légitime méfiance tant les albums se succèdent frénétiquement (un par an), faisant craindre une répétition et une lassitude auditive due à un trop-plein d’epicness et de chœurs héroïques. Alors, cet Ascending To Infinity : blague ou pas ?
Assurément, non. Et le message de Turilli semble être ici « ouais, les mecs, j’en ai pas fini avec vous, allez sortir vos épées en plastiques, on va aller tâter du dragon » . Enfin, pas tout à fait, car avec la clôture de la saga épique qui occupa le groupe durant 10 albums, Turilli délaisse un peu les verdoyantes terres des elfes, nains et autres épées d’émeraudes pour glisser vers des contrées plus mystiques, spatiales et un peu moins clichées. Musicalement, cela se traduit par une révolution totale de la manière de composer de Turilli qui prend tout le monde à contre-pied et… non, mais franchement, vous y avez cru ? Faisons un rapide inventaire des ingrédients de cet album pour se rassurer : Chœurs épiques ? Check. Riffs néo-classiques ? Check. Refrains bien lourdingues ? Check. Gros tas de violons qui débordent de partout ? Check. Ballade mièvre ? Check, mais nous y reviendrons. Donc non : si Ascending To Infinity marque une franche coupure dans l’histoire du groupe, il ne tranche en rien dans l’approche musicale de Rhapsody. Heureusement, le résultat, pour prévisible qu’il soit, reste efficace.
L’introduction donne le ton et rappel que Turilli a pour ambition de proposer du Hollywood-metal. Cette espèce de bande annonce sonore donne le ton : ça sera pompeux et puissant, il y aura des chœurs en latin et des cuivres vrombissants. Pour autant, pas la peine de se lancer dans un pénible track-by-track, mais parmi les réjouissants moments de cette album, il y a "Clash Of The Titans" et ses très bonnes lignes vocales, un "Dark Fate Of Atlantis" qui reste longtemps en tête et un "Of Michael the Archangel and Lucifer's Fall" (le gros morceau de l’album) qui propose des guitares bien envolées comme on les aime depuis un paquet d’année chez nos Italiens. On regrettera un "Dante’s Inferno" trop classiquement plat et un "Excalibur" totalement rétro (on se croirait presque revenus en 97 ou 98) pas franchement convaincants, mais dans l’ensemble, l’album passe particulièrement bien. En terme de loupé, on a "Tormento E Passione", chantée en italien, avec intervention d’une voix féminine qui peine à convaincre dans sa réalisation, et "Luna", reprise d’une chanson pop italienne – si j’en crois mes infos – qui remplace au débotté "Fantasia Gotica", gros morceau de 10 minutes qui sera du coup proposé gratuitement aux fans un peu plus tard.
Globalement, le ratio penche plutôt en faveur des bons titres, qui composent deux bons tiers de l’album que l’on peut donc qualifier de réussi. Et le nouveau chanteur, Alessandro Conti ? Il n’en a pas été question dans cet article pour le moment, car celui-ci n’est qu’un clone – talentueux, mais clone tout de même – de Fabio Lione, qu’il remplacera sans difficulté tant il parvient à se glisser dans ses chaussons avec une aisance et un conformisme prévisible. Ascending To Infinity est donc tout à fait légitime pour incarner le 11ème album de Rhapsody : il faudra maintenant attendre la version de Staropoli pour les confronter. On n’a pas fini de rigoler.