Imaginez une partouze entre Mika Luttinen (Impaled Nazarene), Fenriz et Nocturno Culto (Darkthrone), Satyr et Frost (Satyricon). Comme sextoys, ils utiliseraient les albums de Celtic Frost et de Mgla. Pour le côté subversif, ils pourraient s’inspirer d’un Palahniuk. Ils enfanteraient quelque chose comme Craft. Ce serait un bambin turbulent, il vous regarderait probablement avec de grands yeux pleins d’amour, un long couteau de cuisine à la lame effilée dissimulée dans le dos, et il dirait « miaou » avant de vous sauter dessus.
Sur ce Void, Craft fait du trve black n’roll. Donc, son crouteux, batterie "à la vrai", sans blasts, ce que j’aime bien personnellement, guitares rugueuses, basse discrète mais présente, léger écho sur la voix. Pour l’originalité, on repassera. Si vous suivez la bande à Fenriz et Nocturno Culto et que les albums de Satyricon trônent fièrement sur votre table de chevet, vous ne serez pas surpris. Déçu ? Non, pas forcément, on n’écoute pas de la musique uniquement pour prendre une trempe, il est parfois bon de juste apprécier de bonnes chansons. Dire qu’elles sont légions (ah ah, Legion) sur cette galette serait pourtant faux. Il y a de bonnes idées, des plans lents et pesants, portés par une voix écorchée vive ("Leaving The Corporal Shade"), ces passages un peu plus énervés ("Serpent’s Soul", "The Ground Surrenders"), ces soli dissonants mais pas trop ("I Want To Commit Murder")… Des riffs rock n’roll sur une voix black, c’est sympa aussi ("Succumb To Sin"), et quand ils tirent vers le Mayhem époque Ordo Ad Chao, c’est encore plus cool ("Serpent’s Soul")… Mais ça ne suffit pas…
La title track "Void" est longue, lente, pesante, caverneuse, pleine de bonnes idées (ces grognements à la Fischer, ces leads discrètes et presque mélancoliques). Sur le contenu maintenant… Contrairement à de nombreux groupes de black, Craft ne fait pas de pub pour le Mal. Pour eux, Satan est une vieille icône poussiéreuse, les forces des ténèbres ne sont que des ombres, les démons, de tristes pantins. Non, Craft se situe dans une veine purement nihiliste (du latin "nihil", "rien", point de vue selon lequel l'existence même de l’Homme ne sert à que dalle, chouette programme, toussa toussa), mais si vous êtes porté sur la chose, laissez-moi vous dire que le chant ne vous permettra pas de vous délecter du discours du groupe. Contrairement à un Satyr ou un Vorph (Samael), qui articule pas mal, difficile de suivre les « rha » et les « rheu » de M. Nox. De toute manière, les paroles, chopables ci et là, sont imagées, vous pensez bien. Donc non, vous ne vous mettrez pas sous la dent un essai littéraire sur la futilité de la vie. Après, c’est pas non plus le but, nous ne sommes pas tous en train de préparer une thèse sur ça.
Donc je résume. Si vous êtes un indécrottable du genre, vous vous amuserez un peu. Si vous cherchez du black sale à la Monotheist, ici c’est un peu pareil, mais en moins bien. Si vous voulez du black façon Hollywood, à la Dimmu ou Cradle, passez votre chemin. En fait, si vous vivez dans une cave humide et que votre kiff c’est de vous exploser les oreilles avec une prod pas terrible mais voulue, et que vous n’aimez pas votre grand-mère, ce Void est pour vous. De 10 à 13/20. C’est selon. On fait moite-moite avec une lame rouillée ?