Régulièrement consolidé ou bien repoussé au-delà de ses limites par des valeurs sures qui se surpassent à chaque album ou de jeunes loups aux dents longues venus réclamer eux aussi leur part de la carcasse pourrissante, le brutal death a encore de beaux jours devant lui. Parmi les petits nouveaux prometteurs, on trouve quatre américains furieux répondant aux nom doux-amer de Rose Funeral. Leur seconde grosse sortie est un monstre de virtuosité malsaine et brutale. Pour l’autopsie, c’est par ici…
Il n’est pas de bon album de brutal death sans musiciens de haute volée - sans guitaristes épileptiques et arachnéens, sans batteur tentaculaire et tonitruant et sans chanteur coffré et colossal... Rose Funeral, c’est tout ça à la fois. Après une intro glaciale au son d’un glas terrifiant, on entre dans le vif du sujet : ça « blaste » à tout va ! Le son est dantesque. Certains déploreront le caractère quasiment électronique d’une batterie « triggée » à outrance, mais force est d’avouer que l’effet, à défaut d’être naturel, n’en est que plus percutant. Et puis ce genre de musique est-il vraiment naturel à la race humaine ??? Ces musiciens sont des monstres !!! Ils aiment en outre surprendre et perdre leurs auditeurs dans les méandres de leur créativité torturée à grand renfort d’inattendu. En effet, cet album est truffé de petites pépites empreintes de musique classique qui, tels de brefs intermèdes, sortent de la féroce brutalité ambiante et permettent à la sauvagerie de respirer un tant soit peu. Ainsi trouve-t-on sur "Beyond the Entombed" une courte intro au piano, quatre mesures de cordes frénétiques ainsi que le thème du riff principal interprété au violoncelle ; une outro effrayante à la fin de "False Divine" ; Kate Alexander, chanteuse d’opera de Cincinatti, venue pousser la chansonnette sur deux mesures au milieu et deux à la fin de "Malignant Amour" – une intervention du meilleur effet mais si brève qu’elle en est finalement dispensable ; une apparition également de Steve Tucker de Morbid Angel, qui passe totalement inaperçu, tant sa voix est identique à celle de Ryan Gardner ; enfin, même l’ultime outro de l’album, sur la chanson titre "Gates of Punishment", réserve une surprise qui ne vous sera pas révélée ici afin de ne pas gâcher le plaisir…
Mais au-delà de tous ces petits intermèdes savoureux, c’est l’essence même de la musique de Rose Funeral qui se veut très diverse et variée. Une large palette de différents « blastsbeats » donne tout d’abord à Dusty Boles sa puissance de feu et au groupe de solides fondations pour bâtir son paysage d’apocalypse sonore, représenté sous forme picturale sur la pochette. Mais c’est la richesse de leurs compositions qui fait leur force. Chaque morceau rassemble à la fois des rafales tantôt purement death, tantôt virant au black, exécutées à une vitesse vertigineuse ; des ralentissements abrupts introduisant des sections d’une lenteur et d’une lourdeur extrêmes ("False Divine", "Malignant Amour", "Entercism") ; des riffs syncopés au son monumental ("Malignant Amour", "Beyond the Entombed", "Amidst Gehenna") souvent rejoints par un chant qui ne l’est pas moins ("The Desolate Form", "Grotesque Indulgence") ; des passages plus aérés qui tendent vers un death plus mélodique dans la veine d’un Dark Tranquillity énervé ("Beyond the Entombed", "Arise Infernal Existence", "Amidst Gehenna"), des solos tout à fait honorables ("Beyond the Entombed", "Arise Infernal Existence") Mieux encore, Rose Funeral y va de sa petit touche progressive en proposant à maintes reprises des variations sur thèmes où un même riff est soumis à différentes orchestrations: sur "Beyond the Entombed" par exemple, le riff principal est accompagné de « blasts » implacables, puis d’une rafale inouïe de double pédale pour être réinterprété en version classique par des instruments à cordes. Ou encore sur "Arise Infernal Existence" où un rythme de batterie venue soutenir un solo est ensuite repris à la guitare pour former un mur de son infranchissable. J’en passe et des meilleures…
Jugement sans appel pour Rose Funeral qui s’impose d’ores et déjà comme un incontournable du brutal death, relativement plus accessibles que certains maîtres du genre grâce à la variété de ses compositions mais n’ayant pour autant rien à leur envier.