Un peu comme un impérieux besoin dont vous saisirez sûrement l’allusion, on peut dire de cet album de Niels Vejlyt qu’il « fallait que ça sorte ». Vous vous rappelez peut être de ce nom : c’est le guitariste et maitre d’œuvre d’Infinity Overture, groupe de speed/prog qui avait proposé en 2009 le sympathique Kingdom Of Utopia pour se tirer ensuite une balle dans le pied en lui ôtant tout ce qui faisait son charme en produisant deux ans plus tard Infinity Overture Pt 1. N’hésitez pas à relire nos chroniques pour vous remettre dans le bain, je peux vous attendre quelques minutes avant de poursuivre cette chronique.
Ah, vous revoilà. Dites, vous lisez plutôt lentement, vous, non ? Bon, nous allons donc pouvoir aborder Sthenic entre gens cultivés et éclairés, même si au final, de cet essai, il n’y a pas grand-chose à dire. Désolé pour les âmes sensibles, mais le mot « shred » sera sans doute utilisé à plusieurs reprises, vous êtes prévenus. Parce que le shred, c’est le créneau de Niels Vejlyt. Son dada, son pêché mignon. Et ça n’est en soi pas une honteuse chose – c’est d’ailleurs également le petit plaisir de votre serviteur. Sauf que du shred, on peut donner plusieurs définitions qui iront de « utilisation de la virtuosité au service de la musique » à « stérile exercice d’onanisme musical ». Et on le sait, selon l’exécutant, on passe d’un bord à l’autre. Niels Vejlyt, lui, se situe dans la frange heavy métal de l’exercice, à savoir grosses guitares, riffs gras et shred décomplexé. Visiblement influencé par des guitaristes comme Sean Baker, Jeff Loomis ou encore (par moment) Borislav Mitic, c’est sur fond de double pédale et de riff heavy que Niels dégaine l’artillerie lourde en tentant de nous en mettre plein les mirettes.
Autant le dire tout de suite : bof. Certes, on sent le Danois plus libre, comme désenclavé, par rapport à son groupe Infinity Overture où il doit composer avec une chanteuse et d’autres musiciens qui, certainement, doivent comploter pour l’empêcher de mettre ses arpèges en sweep pendant 7 minutes, « merde quoi, les gars, soyez sympas ». Alors quoi de mieux que l’espace de liberté offert par un album solo ? Résultat : du shred instrumental où bien évidemment la guitare règne en maitre – à défaut du génie. Car Niels Vejlyt alterne les chouettes passages où sa virtuosité trouve à s’exprimer de manière intéressante, avec d’autres qui fleurent presque le remplissage à coup de tapping et autres exercices académiques ayant déjà été entendus cent fois. Sans tomber dans le shred abscons à la Farreri, Niels Vejlyt n’est pas toujours passionnant. "My Little Rascal" fais penser à du Borislav Mitic, mais sans le phrasé ultra-fluide du guitariste Serbe, le plaisir d’écoute est moindre. "Rain" rappelle l’approche heavy de Sean Baker, mais pas en mieux. Et il y a du Jeff Loomis dans les mélodies de "Die Today" ou de "Meteors", mais sans la classe internationale du virtuose de Nevermore.
Bref, de Niels Vejlyt, on ne s’extasie ni sur la qualité d’écriture, souvent passable, ni sur le style, rappelant trop souvent tel ou tel autre guitariste, mais toujours en moins bien – et ça n’est pas la ballade "Kajsa", à la sauce Satriani/Vai qui va nous convaincre du contraire – ni même forcément sur le côté virtuose, tant son jeu souffre d’une production médiocre, les guitares ne respirant pas la puissance requise pour ce genre d’exercice. Accompagné de Jakob Vand à la batterie (Infinity Overture) et de Kris Gildenlow (ex-Pain Of Salvation, entre autre) à la basse, Niels ne leur laisse pas vraiment l’espace pour s’exprimer, ce qui est vraiment dommage quand on connait le niveau de jeu de ce dernier. Donc, au final, Sthenic est un album de shred plutôt conventionnel, respectant son cahier des charges (la ballade, le titre final de 9 minutes – plutôt réussi, d’ailleurs - les brûlots heavy ici et là…) mais ne provoque que trop rarement l’adhésion tant le jeu et l’écriture de Niels sont conventionnels et trop souvent prévisible.
Faut-il s’en étonner ? Après avoir écouté le second album d’Infinity Overture, la réponse est non. Il fallait s’attendre à ce que l’exercice soit une autre facette d’Infinity Overture Pt 1, sans le chant et le synthé, mais avec le même partage entre ennui et vague enthousiasme. Amateur de shred, passez votre tour, cette fois-ci.