Ils s'étaient posé en successeurs parmi d'autres (en fait pas tout à fait, révélation à venir...) d'Immortal, puisque les maîtres du Grand Nord, plus guère capables de régner sur leurs terres, étaient tombés avec All Shall Fall. Brandissant haut le marteau de guerre, Byfrost avait, lors de la première charge, laissé voir en Black Earth un destrier fougueux. Et surtout, de la race des Grands Anciens, avec un style qui n'aurait pas dépareillé en un millénaire un peu plus reculé que l'actuel.
Seulement, là où la peuplade avait acclamé les vieilles sagas des racines, le trio semble avoir jugé son premier rejeton déjà bon pour l’abattoir. Trop croulant, sans doute. Et de rajeunir leur nouvelle monture, sur la base de ces pointes Thrash acérées qu'on percevait déjà sur la robe couleur neige de Black Earth. C'est ainsi qu'un an plus tard, le renouveau modernisé s'impose, plus éloigné des contrées natales. La double pédale met ses blast beats en pré retraite , le chant change. Mais Grands Dieux (pluriel incontestable), pas au détriment du rythme ! La course est intense, riche et stylée, "Buried Alive" en étendard, avec ce tempo qui monte qui monte. L'animal finira exténué, mais cela en valait la peine, démo technique de début d'album, carrément. Logique : nos gus viennent de Bergen, ville sainte de la secte de la Blackology. Sûr qu'avec Burzum, Taake, ou Enslaved comme voisins, ce ne sont pas les modèles qui manquent ; la Cour des puissants est toute entière réunie, avec ce saint Graal que tous veulent atteindre, l'album qui retranscrira les mythes perdus. D'ailleurs, confidence accordée à ton oreille curieuse, Immortal aussi est du coin. Et Abbath est au chant de Byfrost. Reprenons le combat, étant là pour cela : tu te laisseras emporter, lâchant les rênes. Et à fond de train, c'est la revue d'une armée hargneuse de Vikings qui commence, leurs cris assaillant tes pavillons au détour de "All Gods Are Gone", un morceau péchu comme pas deux. Déçu par Falkenbach ? Fidèle de Keep of Kalessin ? Alors rejoins vite l'écurie !
Néanmoins, cette maîtrise des ambiances sonores est parfois hésitante : car même en tendant l'oreille, la marche au pas des soldats qu'on voudrait entendre en intro à "Eye for an Eye" fait furieusement penser à..... des applaudissements. Plutôt incongru pour un titre qui te parle de de combats sanglants et revanchards. De toute façon, le sound-design , c'est la marque du musicien qui ne sait pas poser ses ambiances, et les Norvégiens en font trop souvent usage. Manque d'estime ? P't'être bein qu'oui, p't'être bein qu'non. Autre sabot mal ferré : la trinité infernale nous fait le coup de la piste entracte avec une ambiance d’ascenseur, sûrement volée lors d'une razzia sur un album d'Aéro-Rock (!) ou de Dubstep (!!). Parce que oui, le temps mort assaisonné aux PowerChords servies dans leur jus de voix de cosmonautes enregistrées avec du matos Roumain, ça fait toc, et les six minutes de "Sorgh" sont bien longues. Peut-être était-ce la réponse à une critique émise à la sortie de Black Earth par nous autres palefreniers : le premier poulain était trop fougueux, et l'écume qu'il avait à la bouche masquait les finesses perdues au cœur des syncopes. Mais Of Death ne souffre plus de ces défauts : à toutes les allures, les bons refrains et les solos de premier choix sont légion. Du galop de "May The Dead Rise", pas créatif pour un sou, mais exécuté à fond de train, au trot majestueux de la piste finale, qui prend le temps d'allonger les notes, sur fond de complainte mélodique des grattes fatiguées par ces fûts qui les harcèlent. Ah que oui, on savoure.
Toutefois, l'allure qui boîte, ce sera le pas. A chaque fois qu'on temporise, l'ennui et la répétition pointent leur nez comme des mouches dans l’œil du cheval de trait. Dommage, quand on pense aux énormes instrus parfois sorties par la formation, riches et variées. Variées ? Un peu trop parfois, et lorsque les barbus se la jouent tranquille, presque 70's, sur "Shadow of Fear", le plaisir est gâché par ce vol du riff de "The Lotus Eater", Opethian. À moins d'hallucinations auditives de votre serviteur. Certes, les scythes vampirisaient au cou le sang des chevaux ennemis. Mais la Norvège n'est pas une terre d'Asie Centrale. Faute qu'on pardonnera tout de même, oubliée mille fois lorsqu'on tombe sous l'emprise du chant d'HeavyHarms , alias Abbath. Sur sa monture, il emmène d'ailleurs tout son groupe, rendant le disque vraiment charismatique. Les vocaux Black sont pourtant quasi oubliés : ils faisaient peur aux bêtes. Et alors ? Harms mord la bride, et se donne à cœur joie avec une technique Melodeath à vous en hérisser les poils. Un peu de Death en bonus, hélas offert avec parcimonie, sur "Full Force Rage". Sentiment de trop peu qui revient à la fin du skeud, long de 37 minutes à peine, auxquelles on devra encore soustraire le machin évoqué plus haut. Une demi-heure, avec ses baisses de rythme, c'est bien court pour un album studio, fût-il orienté Thrash. Deuxième album en deux ans dirons nous, trouvant ainsi un début de réponse. Mais pas de justification. Si ces musiciens se sont certainement fait grand plaisir en rajoutant à leur setlist sept compos qui ne demandent qu'à s'offrir en live, les adeptes étaient en droit d'avoir mieux.
C'est d'ailleurs la note finale. Trahison des lois runiques ? Du tout. Byfrost fait le travail, en évoluant doucement, mais sans jamais quitter le nid douillet du Black affilié Immortal, Inc. Certes, le travail est bien fait, et le headbang est obligatoire à l'écoute. Mais sur ce type de disque, censé t'envoyer clairement en terre hostile d'un bout à l'autre, les loupés sont fichtrement dommageables. On ne leur en voudra pas trop : même si l'hydromel est un peu coupé d'eau, le goût est là, pour l'amateur.