Quand on est chroniqueur (ou critique musical, pour trop se la péter), on n’a en général qu’une envie: découvrir des tueries tous les jours, et à l’occasion pouvoir franchement défoncer un album ou deux de ci de là. Seulement la plupart du temps, on se retrouve en plein milieu, c’est-à-dire à chroniquer des trucs moyens, parfois enthousiasmants mais rarement transcendants, et les coups de cœur comme les coups de gueule se font rare. Dieu merci, avec Enemy Of The Sun, une seule écoute m’a suffi pour savoir où j’allais caler leur album: dans les coups de cœur, et pas qu’un peu!
Groupe allemand fondé en 2007, Enemy Of The Sun m’a salement bien bluffé avec ce Caedium, second album aussi puissant que racé et varié et qui surtout ne manque pas d’originalité. En même temps, l’âme du groupe se nomme Waldemar Sorytcha, un mec qui a quand même fondé Grip Inc (R.I.P Gus) avec rien de moins que Dave Lombardo et produit divers albums de Sentenced, Moonspell ou encore The Gathering, soit du lourd. Mais Enemy Of The Sun, au-delà du talent indéniable du Polonais, c’est surtout un groupe hyper talentueux et carré qui envoie méchamment le bois, le tout avec une identité immédiatement reconnaissable, ce qui se fait de plus en rare de nos jours. Mais alors c’est quoi EOTS? Eh bien une sorte de thrash death, sacrément moderne, qui lorgne beaucoup vers le cyber d’un Fear Factory tout en sonnant vraiment différent, et tout ça en incorporant guitare sèche, instrus traditionnels et autres éléments dont on a parfois du mal à définir la provenance tant ils sont hyper variés. Mais ils sont surtout extrêmement bien intégrés aux morceaux et amènent une valeur ajoutée incontestable à la musique du groupe qui y gagne en ampleur et en diversité.
Mais le style d’EOTS ne se limite pas à jouer du cyber thrash death Fear Factorien avec des trucs zarbis dedans. Que non. Je dis thrash death, mais il ne s’agit là que de l’ossature sonore du combo, sur lequel il greffe, selon les morceaux, diverses ambiances et riffs qui rendent sa musique hyper progressive tout en restant sacrément compacte et cohérente. Addictive quoi. Que le groupe reste dans des structures assez classiques (''Castaways in the NWO'', ''Paradigm''), ou passe à des trucs plus « world music » ou barrés, comme sur ''I Am One'' ou encore la génialement théatrale ''The Power of Mankind'', le succès est quasi systématiquement au rendez-vous. Technique (''Ticket'' mon dieu!) , variée, surpuissante quand elle veut (''Another End of the Rainbow'', quelle patate!), mais sachant également se faire plus mélodique ou groovy (''Aimless'', ou l'énorme ''Chasing the Dragon''), EOTS sait tout faire, et le fait avec sa touche, tous les morceaux ayant en commun cet aspect progressif et évolutif plus qu'intéressant. Qui plus est, l’ensemble est extrêmement bien produit par le père Sorytcha qui possède décidément plus d’un tour dans son gros sac de guerrier du métal.
Et s'il fallait encore trouver un argument en faveur de cet album je parlerais de sa durée, excédant les 55 minutes avec ses quatorze morceaux, ce qui est un réel plaisir quand on a affaire à autant de kiff tout compacté sur le même petit CD. Ajoutez à cela un artwork pas trop vilain et surtout des musiciens d’un niveau excellent (ah ah, ce batteur troue trop, et je ne parlerai même pas de la jolie bassiste, sinon on va encore taxer les métalleux de basse misogynie), et vous avez un des albums les plus complets et agréables de ces derniers mois, et tout ça avec un label dont la réputation a été quelque peu mise à mal par un paquet de groupes et de sorties plus ou moins miteuses, et je reste poli (Massacre Records, qui aime effectivement bien massacrer le métal). Après Disbelief il y a quelques semaines, je découvre chez ce label une deuxième méchante pointure et finirai donc probablement par changer d’avis sur les Allemands, qui semblent se rattraper ces derniers temps.
Bref, tout ça pour dire : EOTS ça claque, et Caedium, leur deuxième album, n’est pas loin du sans faute. Seul léger bémol qui empêche le groupe d’avoir ZE note qui pète tout, une fin d’album un peu plus faible et peut-être certains riffs sentant un tout petit peu le recyclé planqué sous des ambiances bariolées comme cache-misère (en soie et cachemire cependant le cache-misère!), mais hey, faut pas pousser mamie dans les orties, dans l’ensemble réellement pas grand-chose à reprocher à cet album. Achat recommandé, et plus encore. Vraiment.