« A Black hole is swallowing the sun... Their world was ending ». C’est sur ces mots terrifiants que s’ouvre le space-opera d’Oxiplegatz, Sidereal Journey, troisième album de ce side-projet d’Alf Svensonn, plus connu pour sa participation au sein du groupe légendaire At The Gates. Oxiplegatz, outre un nom à coucher dehors, est l’une de ces pépites méconnues des années 90, mélangeant les styles sans vergogne, proposant un format et un thème totalement anti-commercial, tout en assumant un côté kitsch revendiqué qui ne parlera certainement pas à la plupart des amateurs de metal.
Car ce Sidereal Journey, meilleur album de l’entité Oxiplegatz, est une étrangeté. S’appuyant sur un véritable space-opera – ou plutôt, vu le format, une nouvelle - avec race extraterrestre belliqueuse, monde en destruction, fuite stellaire et trou noir vorace, comme on en faisait dans les années 70-80 en littérature – et dont la série bien connue des Star Wars héritera – Oxiplegatz propose un vrai petit opéra, que ça soit au niveau du découpage en pièce (dont le titre reprend les premières paroles de chaque morceau, comme dans certains livrets d'opéras ou de passion de la musique classique) qu’au niveau de la musique, très varié et alternant les ambiances et les mises en scène. Globalement, nous restons dans le domaine du metal, avec des grosses influences psychédéliques des années 70, surtout en ce qui concerne les sons de claviers qui hantent chacun des titres, délicieusement kitsch là-aussi, à l’image de la production trop métallique (même si, parait-il, Andy LaRocque y a mis la main), trop sourde et à la batterie synthétique loin d’imiter une vraie, mais possédant un vrai charme un peu désuet.
Nombreuses mais courtes (un peu plus d’une minute en moyenne), les trente-trois pièces se suivent sans temps mort, l’album étant finalement plus à considérer comme étant une seule et unique chanson d’une grosse demi-heure, certes complexe et difficile à digérer mais variée et – relativement – homogène. Car au-delà des quelques thèmes qui se répètent, Oxiplegatz est un album très riche, la profusion des morceaux rimant aussi avec profusion des ambiances, des thèmes et des phrasés, les tableaux s’enchaînant les uns aux autres et les atmosphères se succédant avec parfois des transitions un peu abruptes. Mais Svensson connait son affaire, et parvient toujours à ré-accrocher l’oreille de son auditeur, comme pour lui donner envie de poursuivre la lecture d’un bouquin en passant au chapitre suivant. Ce qui fait qu’il est parfois difficile d’appuyer sur le bouton stop avant la fin, même si le dernier tiers de l’album est moins accrocheur.
On trouvera principalement du black metal dans Oxiplegatz, mais il serait terriblement réducteur de le résumer à cela. Oxiplegatz, c’est donc aussi des plages de synthés, d’ambiance, c’est aussi du heavy-metal épique, du doom, du cyber atmosphérique, et toutes les nuances que l’on peut trouver d’un bout à l’autre de ce spectre musical. Grâce aux voix d’Alf (chant black, déclamation…) et de celle de Sara Svensson – visiblement sans lien de parenté et seule autre personne associée au projet – éthérée, douce et très belle, Sidereal Journey ne souffre pas d’un défaut de chant, leurs deux voix souvent liées se complétant à merveille. Expressives et bien écrites, les lignes de chant sont parfaitement interprétées par Sara et Alf, chacun dans son style et avec sa tessiture. Derrière ce qui semble donc presque être un fourre-tout futuriste à la production bancale et au kitsch revendiqué, se cache un vrai talent d’interprétation et d’écriture. Car ce Sidereal Journey est littéralement bourré de bonnes idées, de lignes vocales magnifiques, d’ambiances prenantes et de passages épiques, tellement que citer les chansons les plus intéressantes prendrait dix lignes vu la longueur des titres.
Homogène donc, sur la longueur, mais la qualité semble un peu s’essouffler vers la fin. Si l’on divise l’album en tiers, on aura un premier tiers absolument génial, dont les sept premières chansons forment un tout vraiment excellent, sans doute le meilleur de l’album. Le second tiers compte de très beaux passages, avec des lignes vocales parmi les meilleures, mais le dernier tiers s’effiloche un peu, un peu comme si Alf ne trouvait plus vraiment d’idée et qu’il se contentait de recycler celles des deux premiers tiers. On regrette que les tous derniers titres (disons les trois derniers) soient assez peu convaincants, clôturant l’album sur une légère déception, mais qui ne gâche en rien l’écoute de l’intégralité de Sidereal Journey, plus ambitieux et plus convaincant que l’essai précédent du projet Oxiplegatz, Worlds And Worlds.
Méconnu mais unanimement reconnu par ceux qui ont eu un jour la chance de poser une oreille dessus, ce projet un peu déjanté est à découvrir pour ceux ne l’ayant pas fait. Certes, il faut être un minimum ouvert aux formes les plus originales du metal, ne pas être allergique aux sonorités cheap, au côté épique et un peu psyché de Sidereal Journey pour l’apprécier. Avoir une petite dose d’imagination et un penchant pour la science-fiction aident aussi pour apprécier pleinement cette œuvre. Si vous remplissez ces conditions et que vous ne connaissez pas… foncez.